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Vampires et Rock Stars & Co - Page 8

  • Jäger, Chapitre 33

    Epilogue

    ***

    Markus

     

     

    Banlieue parisienne, France

    Janvier 1977

    Dix ans plus tard.

     

     

    Je donne quelques billets au taxi qui m’a conduit jusqu’ici depuis l’aéroport. Le gars me salut avant de démarrer. Je reste un moment dans la rue à savourer le calme du quartier et cette plénitude qui signifie qu’on est rentré chez soi en un seul morceau.

    J’aime bien Paris, mais depuis quelques années, j’ai commencé à apprécier sa banlieue, même s’il y a des gosses et des vieux, même si certains voisins peuvent être indiscrets, c’est un changement qui nous convient.

    Je dévisage la petite baraque beige, mais déjà plus grande que l’appartement en plein cœur de la capitale. Elle est sur deux étages, et se fond parfaitement dans le décor chaleureux.

    Les idées du flic sont souvent folles, mais étant donné que je suis incapable de lui dire non, il obtient toujours ce qu’il veut. Primo a eu envie de quitter l’effervescence de Paris pour le calme d’une maison. J’ai dit oui.

    Je fouille dans les poches de mon blouson en cuir pour en sortir les clés de cette dernière. Je passe le portail en fer noir que je referme en le claquant, je vérifie le courrier, mais à part le journal et des pubs, il n’y a rien d’autre. Je marche vers la porte en bois, l’ouvre également avant de déposer mon sac à l’entrée.

    Mon cœur s’emballe quand je pénètre les lieux. Rien n’a changé depuis mon départ, les meubles sont toujours à leur place, Primo a arrêté de tout bouger. Les murs peints en verts me font toujours sourire, on a un sévère problème de décorations dans cette baraque. Rien ne va ensemble, mais qu’importe, c’est chez nous.

    Je prends quelques instants pour me refamiliariser, ça fait quatre mois que je ne suis pas rentré, j’étais en Israël avec Max pour régler des affaires avec le Mossad sur l’organisation. Les choses vont beaucoup changer dans les prochaines années, entre le temps qui nous rattrape tous et la levée de certains secrets défenses, le calme plat ne va pas rester très longtemps encore. On a déjà connu pas mal de remue-ménage suite au procès de Kauffmann, qu’il a perdu. Il a été condamné à mort pour ces crimes, et même si justice a été rendu, ça n’a pas été simple de faire le deuil de ce passé violent et hanté. J’ai dû faire un sacré travail sur moi-même. Quand on se tient en vie grâce à la colère et au besoin de vengeance, lorsque ces sentiments disparaissent, on doit apprendre à vivre sans.

    Par chance, j’avais Primo à mes côtés, et même si je ne suis pas le plus bavard quand il s’agit de ce que je ressens, le flic a appris à lire entre mes lignes, et c’est aussi désarmant que soulageant de pouvoir s’en remettre à quelqu’un.

    Il règne un apaisement bienfaiteur entre ces murs. Une sensation que je n’ai jamais connue avant d’avoir Primo dans ma vie. Avec lui, j’ai un point d’ancrage, un lieu que je peux nommer comme étant chez moi, loin de ma réalité parfois violente où mes actes peuvent parfois peser sur ma conscience. C’est comme un oasis soulageant les maux invisibles.

    Mon regard traine vers le salon, où une tasse de café froide ainsi qu’une pile de rapports de la BRI trônent sur la table basse face au poste de télévision. Il y a une partie de notre bibliothèque commune, où des livres en allemand et en français se mélangent. Je me rappelle de cet après-midi-là, quand certains de mes cartons sont arrivés d’Allemagne et que Primo voulait à tout prix qu’on mélange nos bouquins. Je trouvais ça ridicule, mais pas lui. Il a gagné une fois encore.

    Dans un coin de la pièce, le Chandelier de Shabath et le Mezouza sont fièrement posés face à un exemplaire de la Torah.

    Je suis fasciné par sa croyance et la foi que Primo possède. Ça fait bien longtemps que je ne crois plus en rien, mais le voir croire lui, me prouve que les choses peuvent être infiniment grande.

    Ma main passe ensuite sur la veste en cuir de Primo accroché au porte-manteau. Je retire la mienne avant de continuer mon chemin vers la commode contre l’escalier montant à l’étage.

    Un sourire se dessine sur mon visage en voyant la dizaine de photos trônant dessus. C’est comme sur les murs, il y en a de partout. Je me moque souvent en disant que cette baraque ressemble à un musée, mais je comprends le flic. Celui qui reste seul ici à m’attendre au quotidien, c’est lui, pas moi. Et dans la solitude, face au manque de la personne qu’on aime, on fait ce qu’on peut.

    Je les connais toutes par cœur. La première a été prise quelques mois après nos retrouvailles, on est allé à Berlin où j’ai pu montrer à mon compagnon certains vestiges de mon passé. Il y en a d’autres, plus intimes, de lui ou de moi. J’en ai eu identique de Primo prise un été sur la plage. Il a une expression sur ce cliché qui exprime tant de joie, et cette lueur dans son regard, bordel j’en suis fou. Je m’accroche à cette photographie quand je suis loin de lui, comme si c’était une bouée de sauvetage lorsque ça ne va pas, que la traque est longue et compliquée.

    Quand on a décidé de se donner une chance il y a dix ans, on a dû faire face aux réalités de nos existences respectives. Je ne pouvais pas quitter la Jägerdunkle, Primo ne voulait pas quitter la BRI. On a dû s’organiser, faire des sacrifices, s’adapter à nos emplois du temps respectifs, vivre entre les allers-retours de l’un et les dangers de deux professions qui ne sont pas communes. On a vécu à cheval entre Paris et Berlin. Si aux yeux des autres, nous ne sommes que des amis, aux nôtres, nous savons ce qu’il en est.

    Je regarde la photo de groupe prise dans le jardin de la maison de la mère de Primo. Sa famille est géniale, je les ai rencontrés un été. Sa sœur est adorable. Leur mère est une femme d’une incroyable bonté qui accepte son fils comme il est, et qui m’a accepté aussi. Je sais que ces proches savent que je suis allemand, difficile de taire mon accent de toute façon, on a simplement fait le choix de taire certaines informations.

    On essaie de se libérer pendant les fêtes pour aller les voir, Primo a cinq nièces et neveux qui grandissent et font son bonheur quand il les voit. Si on ne sera que tous les deux, ça nous convient, savoir qu’on a une famille quelque part, c’est bon.

    Mon regard se pose sur la photo de mon flic lors de la remise de sa décoration. La fierté se lit sur son visage. Primo est devenu Lieutenant il y a trois ans. Il gère une brigade entière à la BRI. Son boulot le passionne, même s’il s’énerve souvent au téléphone le soir en me racontant sa journée, je ne regrette pas qu’il n’ait pas claqué la porte, il aime tellement ce qu’il fait.

    J’atterris dans la cuisine, c’est le bordel, je crois que le flic est parti en catastrophe ce matin. Mon regard se pose ensuite sur le frigo, Primo a toujours ce foutu calendrier où il fait un décompte des jours qui restent avant mon retour. J’arrive à donner une date approximative pour nos retrouvailles. Primo a ses petites habitudes qui me font sourire et gonfle mon cœur. Chaque petit détail me prouve que c’est du sérieux nous concernant, plus que jamais.

    Je suis tombé raide dingue de lui, j’en ai eu peur, mais passé cette dernière, quand j’y pense, je me dis que ça devrait être interdit d’aimer quelqu’un à ce point. C’est tellement intense et fort entre nous, que parfois, les mots me manquent. C’est une sensation aussi destructrice que bouleversante de ressentir ça. Partager sa vie avec une autre personne est déjà un grand pas pour l’homme, mais la partager avec quelqu’un qu’on aime autant, c’est une aventure des plus fantastiques. Alors bien sûr, au quotidien, ce n’est pas simple, on s’engueule comme n’importe qui, on claque des portes et on jure comme des Chartier, avant de se calmer en se défoulant sur l’autre par la meilleure façon qu’il soit. Quand son corps et le mien se cherchent et s’aiment avec cette passion dévorante qui n’amène qu’au plaisir à au renforcement de ce putain de lien entre nous.

    Je frissonne en y pensant. Je suis rentré exprès aujourd’hui pour les quarante-trois ans du flic. J’ai raté Noël et le jour de l’an, je n’allais pas passer à côté de ça non plus, même si je lui ai fait croire que je serais de retour dans une dizaine de jours.

    Je me sors une bière du frigo en attendant l’arrivée de Primo, vu l’heure, il ne devrait arriver d’ici une heure.

    À peine j’ai le temps de la décapsuler que le bruit de la porte d’entrée résonne. Je fronce les sourcils, il rentre plus tôt que je ne l’aurais cru.

     

    — Markus ? lance une voix familière remplie d’espoir.

     

    Je pose ma bière près de l’évier en me maudissant, tu parles d’une surprise. J’ai dû laisser mon sac dans l’entrée.

     

    — Markus ? répète Primo d’une voix tendue.

     

    Je souris, je pourrais rester planqué dans la cuisine en faisant mariner le flic, mais je suis trop impatient de le revoir.

    Je me montre et Primo secoue la tête en me voyant, il se fige. Ses yeux s’écarquillent, la stupéfaction se lit sur son visage. Il est debout dans le couloir, les bras chargés de dossiers, ses cheveux bruns sont un bordel sans nom, comme s’il avait passé sa journée à se fourrer les mains dedans pour ne pas hurler sur ses incapables de collègues. Mais ce que j’aime par-dessus tout, ce sont les petites rides aux coins de ses yeux. Ce mec devient de plus en plus bandant au fur et à mesure des années.

     

    — Surprise, je déclare en m’appuyant contre la porte de la cuisine.

     

    Le flic pose au sol son bordel. Il fait un pas vers moi, la joie se dessinant sur son visage, mon cœur s’emballe. Il arrive à ma hauteur, l’atmosphère se gorge d’une tension sexuelle palpable.

     

    — Bordel, t’es rentré. Dis-moi que je ne rêve pas ? poursuit le français.

     

    Ma main se pose sur sa hanche, je l’attire contre moi d’un geste brusque pour le coller contre mon corps. Primo fourre ses doigts dans mes cheveux, son souffle se mélange au mien. Je le serre contre moi, il n’imagine pas comme ça me fait un bien fou de le retrouver.

     

    — Est-ce qu’on rêve de ça ? je déclare en frottant mes hanches contre les siennes.

     

    Le lieutenant secoue la tête en souriant. Et bordel ce sourire m’avait tellement manqué. Ses yeux bleus si expressifs m’ont manqué.

     

    — Tu m’as manqué, je souffle contre sa bouche.

     

    Le flic m’observe un instant avant de m’embrasser. Nos lèvres se retrouvent enfin après de longs mois d’éloignement. Je profite de chaque instant, de la chaleur de sa bouche dévorant la mienne avec envie, à frottement de ma barbe de quelques jours contre sa peau, à la caresse humide de sa langue jouant avec la mienne, à la tension grimpant rapidement avec ce besoin de l’assouvir.

    Je romps le baiser avant qu’on ne finisse comme la dernière fois, à baiser sur le plancher du couloir, incapable de retenir ce désir explosant entre nous.

    Les bras de Primo me maintiennent contre lui, ma tête se perd dans son cou.

     

    — Ne pars plus comme ça. Quatre mois Markus, souffle-t-il.

     

    — Je sais.

     

    Je viens de passer dix longues années à courir le globe pour terminer de retrouver les fuyards de DISPARAITRE. Jamais je n’aurais cru que la quête soit si longue. Elle n’est pas terminée, il reste quelques noms sur une liste à Berlin, mais dans l’ensemble, en l’espace de dix ans, j’ai réussi à mettre la main sur une dizaine d’entre eux.

    Je passe ma vie dans les avions, mais dès que je peux, je rentre ici. Je vais de moins en moins à Berlin, l’Allemagne a beau être ma patrie, les choses changent tellement durant mon absence que j’ai du mal à me retrouver. J’aime mes racines, je ne les renie pas, simplement, j’ai appris à en aimer d’autres. Tout comme je suis fou quand le flic se met à parler allemand. En dix ans, j’ai essayé de le faire devenir bilingue, et même si ce n’est pas gagné, quand il se met à parler ma langue maternelle, je ne réponds plus de rien. Généralement, l’histoire se termine sur une surface plane sans aucun vêtement. Et j’aime ça.

    Nous restons l’un contre l’autre, incapable de se décrocher du corps de l’autre. Le manque est écrasant et les retrouvailles sont toujours fort intéressantes.

    Je sens le regard scrutateur de Primo sur moi, comme pour vérifier que je sois toujours entier. On a vécu des retrouvailles où l’inquiétude venait gâcher ce moment, mais pas aujourd’hui.

    Pas de blessés, par de danger, juste nous.

     

    — Tu restes combien de temps ? demande Primo en chuchotant à mon oreille.

     

    Toujours.

     

    — J’ai demandé à Max si je pouvais régler des affaires personnelles. J’ai une bonne nouvelle à t’annoncer, d’ailleurs.

     

    Primo s’écarte, la méfiance le gagne, la dernière fois que je lui ai dit ça, j’ai atterri en Israël pour régler les affaires et faire le choix du récit de l’Histoire.

     

    — Si c’est une nouvelle qui t’envoie je ne sais où durant plusieurs mois, t’es gentil, tu t’abstiens de me la communiquer, m’avoue le flic.

     

    Je secoue la tête, je sais que Primo ne se doute pas un instant de ce que j’ai à lui annoncer. C’est une décision que j’ai prise au court de ses derniers mois. Elle trottait déjà dans mon esprit lorsque j’ai refusé de prendre la direction de l’organisation à la mort de Ralf, laissant à Max les rênes. Durant notre périple, j’ai longuement discuté avec lui, avec le traqueur et l’ami. Il ignore les détails de mon histoire avec Primo, même si je sais qu’il se doute de quelque chose, il n’en dit rien. J’ai l’impression que les choses doivent changer pour nous aussi. DISPARAITRE ne sera bientôt plus qu’un souvenir, et même si c’était le combat de ma vie ses dernières années, il devra se terminer sans moi.

    J’inspire longuement en croisant le regard bleu qui n’attend que mes mots.

     

    — J’ai demandé à Max s’il pouvait m’accorder le repos.

     

    Primo se fige en comprenant ce que ça veut dire. Je lui en ai parlé une fois. Comme n’importe quel guerrier, il arrive un jour, où les chasseurs désirent passer la main et prendre ce repos mérité après un service long, compliqué et fastidieux.

     

    — Markus…

     

    Je glisse une main dans ses cheveux en l’attirant davantage contre moi.

     

    — Hé, je ne le vis pas mal d’accord ? Je viens de passer vingt-cinq ans de ma vie à traquer des monstres, j’ai contribué à la justice du mieux que j’ai pu. J’ai envie d’autres choses.

     

    Mon front se pose contre le sien.

     

    — Je n’ai plus envie de ces au revoir à l’aéroport, de ce truc dans tes yeux qui me demandent si je reviendrai entier. On mérite un peu de paix, tu ne crois pas ?

     

    Primo acquiesce.

     

    — Et Berlin ? ose-t-il me demander.

     

    — Berlin c’est mon identité, mais je ne me sens plus chez moi, là-bas. C’est ici chez moi, c’est avec toi. Alors si tu es d’accord, je reste à Paris. Je devrais faire quelques allées retours dans l’année à Berlin pour voir ma sœur et régler quelques affaires avec Jägerdunkle. Mais j’aimerai me poser pour de bon ici, chez nous.

     

    Quand je pars, je vis avec ces moments où nous partageons notre vie ensemble. À tous ces instants simples, mais importants pour moi. Et ce manque qui se créer, à quarante ans passés, je n’ai plus envie de me battre contre lui, je veux le laisser gagner. Je veux que Primo arrête de m’attendre, qu’il n’y ait plus de case à cocher, d’appel tard le soir à l’autre bout du monde. J’ai juste envie d’un truc simple maintenant, sans pourtant oublier ce qu’on a vécu.

     

    — Qu’est-ce que tu vas faire ? m’interroge Primo, soucieux.

     

    J’ai largement le temps de me demander ce que je ferais. Je perçois son inquiétude, le flic sait quelle importance avait pour moi la traque des nazis. À quel point, ce besoin de justice m’a tenu en vie et m’a porté la tête hors de l’eau durant des années.

    C’était avant lui.

     

    — Je ne sais pas, mais je sais que mon institution saura me remercier pour le travail que j’ai accompli depuis si longtemps.

     

    — Est-ce égoïste de ma part d’être heureux d’apprendre ça ? m’avoue-t-il.

     

    Un sourire se dessine sur mon visage.

     

    — Non, c’est normal. Je t’ai imposé un mode de vie particulier, où l’inquiétude et le manque étaient notre quotidien.

     

    Primo acquiesce, ses mains saisissent mon visage pour m’attirer contre le sien.

     

    — Mais c’était bien Markus, c’était plus que je ne pensais avoir. Même si on a vécu séparé durant plusieurs mois, je ne pourrais jamais oublier ce que ça faisait de te retrouver.

     

    — Merde on va vivre dans une routine affolante, je plaisante.

     

    — Elle m’ira aussi, conclut le flic.

     

    Parfait.

     

    — Au fait. Joyeux Anniversaire, je souffle.

     

    Primo prend un air malicieux en me dévisageant, l’atmosphère dans le couloir prend quelque degré alors que sa respiration se met à révéler l’étendue la tension régnant entre nous.

    Je te veux, plane dans l’air.

    Et moi aussi.

     

    — Et j’ai droit à un cadeau ? m’interroge le flic sur un ton léger.

     

    — Bordel ce que tu veux, je réponds sans hésitation.

     

    Le flic enlace nos doigts et me tire vers l’escalier. Je le suis en comprenant. Et bon sang, je ne veux que ça, retrouver cette putain d’intimité qui m’a tant manqué.

     

    — J’espère que t’es en forme, rit Primo en montant les premières marches.

     

    — Toujours, je réponds.

     

    Il me jette un clin d’œil avant de se retourner pour grimper les autres marches, sa veste manque de m’atterrir dessus quand il la jette suivis de près par sa chemise.

    Mon regard ne se décolle pas de son cul, heureusement que la chambre n’est pas loin, sinon, le couloir du haut m’aurait convenu.

    Je me surprends toujours du bonheur que cet homme me donne. Comme si ce n’était pas vrai, mais Primo a un talent saisissant pour me prouver le contraire. Notre amour existe, il est né dans des circonstances compliquées, où la vérité était parfois masquée par la peur. Mais il est vrai, quoi que les gens en disent, quoi que la loi en pense. Quand il me dit qu’il m’aime, quand il me le prouve par des gestes, même si j’ai longtemps pensé le contraire, je sais que ce n’est rien de mal. On ne fait rien de mal, et j’aime ça, moi aussi, lui montrer et lui dire.

    Peut-être qu’un jour prochain, nous n’aurons plus besoin de vivre cachés. Peut-être que je pourrais saisir sa main en pleine rue sans risque, et qu’on pourra s’embrasser en plein aéroport pour se dire au revoir. En attendant, je savoure l’instant tout comme je bénis le ciel d’avoir quelqu’un qui m’aime pour qui je suis et que je peux appeler mien malgré un passé compliqué, où normalement, nous n’aurions pas dû nous aimer, lui le français, et moi l’allemand.

     

     

     FIN

     

    AMHELIIE

  • Blood Of Silence, Nouvelle - SEXTAPE

    Amheliie

     

     

     

    BLOOD OF SILENCE

     

     

    Nouvelle Klaxon & Savage

     

    « SEXE-TAPE »

     

     

     

     

     

     

     

    © 2017 Amheliie

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  • Blood Of Silence, Nouvelle - Poissons d'Avril

     

    Blood Of Silence

    « Poissons d’avril »

     

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    1er avril

     

     

    Cette année, c’est mon tour.

    Depuis qu’on est en âge de faire des blagues pourries et dégueulasses aux autres, on a décrété qu’une seule personne se prendrait les foudres des farceurs du Premier avril avec ces putains de poissons à la con. Lorsqu’on était gosse, on faisait ça en équipes. C’était ma sœur Faith et moi, contre Hurricane et Gina. On s’est fait les crasses les plus marrantes qui soient. Je me rappelle une année avoir fourré Gina dans un tas de poissons fraichement découpé sur le port. Elle a hurlé à la mort. L’année suivante, j’ai terminé noyé sous des litres de sang artificiels. H s’est retrouvé en piñata géante après s’être fait assommer par deux cachets de somnifères. Il a déambulé dans les rues de la ville en coq à plume multicolore.

    En grandissant, c’est devenu pire. Le MC a été créée et tout le monde a participé. Alors on a décrété qu’une seule personne se prendrait la charge de conneries des autres. Pour l’instant, Sean est le seul à avoir échappé à ce privilège, ce connard a une chance de cocu.

    Cette année, on n’a pas de prospect pour subir le mauvais sort d’un an d’attente où nous avons tous eu le temps de réfléchir aux plans les plus foireux à faire subir à l’élu. Savage a énormément morflé lors de son année, déjà qu’il a dégusté le restant du temps, cette journée-là en particulier, ça a été pire. Liam s’en est donné à cœur joie, tous les coups les plus dingues qui soient sont permis de toute façon, sauf mettre la vie du concerné en danger. Le reste, c’est carte blanche.

    On a tiré au sort il y a un mois, et j’ai perdu.

    Je serais donc la victime de ce premier avril. Et je sais qu’ils vont s’y donner à cœur joie. Parce que les règles de notre premier avril sont bien claires : pas de représailles en dehors du premier jour d’avril de l’année suivante.

    Il y a des rancœurs qui trainent depuis plusieurs années. Je sais que je vais prendre cher de la part de mes frères durant vingt-quatre heures. J’ai beau être le plus secret, certains ont pu découvrir mes talents de farceurs.

    Et l’idée de casse les couilles à l’un de leurs Présidents même l’espace de vingt-quatre heures, semble plus que les botter. Je les comprends.

    Aujourd’hui, je serais seul contre tous, et le poisson d’avril de Lina ne sera pas le pire à supporter, au contraire, il sera sans doute le plus adorable qui soit.

    Profitez les gars, profitez… mais bordel, je me vengerai salement.

     

     

    ***

     

     

    Je me suis réveillé sans mannequin de film d’horreur allongé à mes côtés, et sans jet d’œufs. À ma grande surprise, Hurricane et Sasha ont été très calmes durant le petit déjeuner. Au bout de vingt premier avrils à faire les cons, on commence à devenir légèrement paranos. Dès que j’ai foutu un pied hors de ma chambre, je savais que les festivités étaient ouvertes, et qu’ils allaient tous en profiter. Je suis sorti calmement sans faire de bruit. Sasha et H étaient dans la cuisine, ils déjeunaient en débattant du match de baseball d’hier soir, la chatte étant une accroc à ce sport. J’ai vérifié le café avant de le boire, il n’était pas salé comme une année. J’ai pris soin sentir le paquet de biscuit fourré, une année, H avait remplacé la crème par du dentifrice à la menthe. Autant dire que je ne suis pas friand du chocolat et du goût artificiel mentholé. Les deux me regardaient faire en riant. Je leur ai fait un doigt d’honneur en allant sortir de ma réserve, un paquet neuf de clopes. Il y a quatre ans, j’étais aussi l’heureux élu, et cet enfoiré de Nir avait trafiqué mes cigarettes en y fourrant de l’herbe et des épices de cuisines. Je me suis grillé les poumons avec sa putain de connerie.

    On devient paranos les premier avril.

    Je sais que la méfiance s’estompe au fil de la journée. Entre le boulot et le reste, on finit par oublier qu’on est le premier avril. Les coups bats arrivent à ce moment-là… et on n’y peut rien. Si ce n’est écouter les autres rires, et attendre que ça passe en riant discrètement.

    Le restant du petit-déj s’est passé calmement. Rien n’était piégé, et j’ai commencé à me détendre. En revenant dans ma chambre, je ne suis pas tombé sur mes tiroirs retournés comme H aime tant faire. Tout sembler nickel.

    Je me suis rapidement habillé en zieutant Sasha faire de même. La chatte n’est pas réputée pudique et j’aime la mater le matin, comme si de rien n’était. C’est lorsque je la vois sortir ses affaires de ma commode chaque jour que je me demande comment ses fringues et son bordel de gonzesse ont fini par petit à petit migrer de son appart à ma chambre.

    Je ne nous comprendrais sans doute jamais. Je ne réalise pas qu’elle est là… après tout ce temps, et que tout ça me semble normal tant que je n’y prête pas attention.

    Sasha arrive à ma hauteur une fois prête, elle glisse dans l’élastique de mon caleçon sa petite culotte. Je jure en regardant son adorable cul dans son short trop court. Elle n’a rien en dessous. La présidente m’allume comme elle le fait souvent, sans un mot, avec simplement un geste ou un regard.

    Elle quitte la pièce sans dire un mot de plus.

    Je chasse les maudites pensées chaudes de mon esprit en allant dans la salle de bains. J’allume le jet d’eau chaude avant d’attraper ma brosse à dents et le dentifrice. Je pense à cette nuit, lorsqu’elle m’a réveillé en grimpant sur moi pour me chevaucher. C’est ce que j’aime chez Sasha, cette spontanéité. Lorsqu’elle a envie de quelque chose, elle le prend, sans hésiter, sans se poser de questions.

    Sauf quand il s’agit de nous.

    Je fourre dans ma bouche ma brosse à dents en jurant, ouais, il y a des choses très compliquées qui nous lient, des choses auquel ni elle ni moi ne voulons aller se fourrer.

    Et la réalité de la journée me rattrape.

     

    — C’est quoi ce bordel ! je jure en recrachant le dentifrice.

     

    Derrière moi, deux personnes se mettent à rire. Je me tourne vers Hurricane et Sasha, les deux bikers rient aux éclats en se tapant dans la main. Je les fusille du regard en crachant le savon.

    Ils ont trafiqué mon dentifrice ces connards ! H a osé retourner ma propre blague foireuse contre moi. Il est pire que Liam.

     

    — Mission accomplie, déclare la Présidente des Hell’s Pussy.

     

    Je me rince la bouche en ayant un sale goût de gel douche bon marché.

     

    — Putain, même toi ! je lance à Sasha en esquissant un léger sourire.

     

    Mais contrarié le sourire et vraiment léger, attention.

    La chatte m’offre un clin d’œil amusé.

     

    — H m’a mise au courant.

     

    — Et tu m’as allumé pour me distraire ! je râle.

     

    Je crache de nouveau dans l’évier en bougonnant. Je suis légèrement mauvais perdant… légèrement. Le pire serait Sean s’il avait une la malchance d’être le bouffon d’un jour.

     

    — Tous les coups sont permis mon vieux, rétorque H. Et aujourd’hui, tu ne battras pas mon record.

     

    C’est ce qu’on va voir.

    Car oui, en plus de devoir subir les frasques des autres, on reste des mecs, on ne peut pas être les dindons de la farce sans au moins en tirer une

    Celui qui arrive à détrôner celui qui se fait le moins avoir, a le droit… de faire ce qu’il veut durant le run qui suit.

    Et le roi de l’esquive n’est autre qu’Hurricane. Il y a trois ans, il a échappé à huit pièges sur les dix de tendus, depuis personne ne l’a détrôné cet enfoiré d’italien.

     

    — Est-ce que je vais arriver à prendre une douche sans finir comme une Schtroumpf ? je déclare en montrant la douche.

     

    Y’a six ans, on avait trafiqué la douche de Liam en fourrant une pastille colorante dans son tuyau, ce con d’irlandais ressemblait aux gars d’Avatar. Depuis, je suis méfiant.

    Et je vais devoir l’être davantage.

     

    — Tente, déclare mon meilleur ami en refermant la porte, un sourire malicieux sur son visage.

     

    Je dévisage le pommeau de douche, je crois qu’un peu de plomberie s’annonce.

     

     

    ***

     

     

    Après avoir échappé à une douche colorée, je sors de la maison le dernier. Sasha ayant un rendez-vous au salon de tatouage et H devant conduire sa nièce à l’école.

    Je ferme la porte, malgré le café et la douche, j’ai encore la tête dans le cul. La journée s’annonce longue.

    Je me fige en apercevant la deuxième vanne foireuse de la journée.

     

    — Je vais les buter, je lance désespéré.

     

    Je dévisage ma moto couverte entièrement de cellophane. Dessus, il y a une énorme pancarte avec écrit :

     

    Bon courage Président !

    PS : H a pris tout ce qui coupe avant de partir, démerde-toi avec ce que t’as !

    PS 2 : Sasha m’a dit que ta bite ne te suffirait pas ce coup-ci. Ah ah ah !

    Savage

     

     

    Je regarde mon bébé, je le tue si jamais il l’a rayé. Je m’approche pour toucher l’œuvre plastifiée de l’irlandais. Et à vue de nez, il a mis la dose concernant les tours de cellophane.

    Instinctivement, je cherche ma bagnole, mais le pick-up est avec Hurricane, je suis coincé.

    Je cherche mon couteau de poche dans mon cuir, mais rien… même celui-là, H est passé par là. Je jure en dévisageant les clés de bécanes dans ma main. Ça va être pratique. Je vais devoir me contenter de ça. Autant s’y mettre tout de suite.

     

    — Encore un qui est concerné par le tri sélectif, déclare une voix de vieille pie.

     

    Je lève les yeux vers Madame Yeter, notre voisine d’en face. Son maudit chihuahua à poil long commence à aboyer en me voyant. Cette garce n’a pas un mot de sympathique à notre égard depuis qu’elle a emménagé il y a trois mois. Avec H, on aime bien la faire râler, il dit que ça la maintient en vie, la mamie grognon.

     

    — Parce que faire pousser du chite dans sa cabane a outil c’est plus écologique, vieille conne ? je rétorque sèchement.

     

    Notre voisine me fait un doigt d’honneur en avançant avec son maudit chien. Je jure en sortant une clope. Je l’allume en souriant. Savage se venge, je dois l’avouer. Lors de son année, j’avais planqué ses clés de bécanes au milieu de centaines d’autres clés. Il avait passé trois heures à toutes les essayé avant de trouver la bonne.

    Un prêté pour un rendue mon pote, j’ai compris.

     

     

    ***

     

     

    J’arrive au garage après avoir mis trois bons quarts d’heure à découper le cellophane à la clé de moto. J’ai mis le tas devant la porte de ma conne de voisine. Si j’avais eu plus de temps, j’aurais entouré sa boite aux lettres et l’entrée de sa cabane à outil. J’ai une bonne heure de retard sur le planning de la journée.

    Lorsque mon attention se porte vers le garage, je remarque qu’il n’y a personne. Tout est fermé, rien n’est sorti, il n’y a pas de clients, les bécanes sont encore toutes rangées.

    Qu’est-ce qu’il se passe.

    Je sors mon portable de la poche arrière de mon jean pour vérifier l’heure, il est dix heures passées, normalement, ça devrait être l’effervescence ici… mais il n’y a pas un chat.

    Ça pu Creed, ça pu salement la mauvaise blague.

    J’attrape mes clés en les maudissant tous sur cinquante générations, j’ouvre la porte de service, pénètre dans l’atelier plongé dans le noir. Je tends la main contre l’interrupteur sur ma droite. Le courant est coupé, comme par hasard. Je jure en mettant un pied devant avant de perdre l’équilibre comme un gros con. Je glisse sur je ne sais quoi, et finit la tête la première dans du… plastique mouillé ?

    C’est quoi ces conneries ?

     

    — Qui est l’enfoiré qui a fait ça ! je gueule dans le garage en sentant mes fringues se tremper.

     

    La lumière apparait soudainement. Ma vision d’abord embrouillée finit par s’éclaircir, je me fige en voyant ce qui se dresse sous mes yeux.

    Les enfoirés.

    Autour de moi, il y a un véritable champ de gobelets en plastique tapissant le sol. Certains sont reversés dû à ma chute. Je reste comme un idiot sur le sol alors que des rires près de l’autre entrée résonnent.

    Je me tourne vers Liam et Nirvana qui rient aux éclats en sortant leurs portables.

     

    — Souris pour la caméra Creed, se marre Liam en me prenant le nez dans les verres d’eau.

     

    Je suis trempé, le garage est noyé en plus d’être envahi par un nombre incalculable de verres en plastique remplis à ra-bord.

     

    — Pas trop froide ? renchérit Nir.

     

    — Allez vous faire foutre, je jure en gardant mon sourire pour moi-même.

     

    Je tente de me relever, avant de comprendre que ces deux connards ont bâché le sol et ont répandu une sorte de substance dégueulasse glissante.

    Quels esprits tordus ! On dirait que Liam s’est surpassé cette année et en a fait profiter tout le monde. J’admire la patience pour faire ça.

    Mais noyé le garage, c’est bâtard.

     

    — Bon courage vieux, on a savonné le sol du garage, ça glisse… poursuit Nirvana.

     

    — Comme ma bite dans ton cul si tu ne viens pas m’aider, je les menace en les foudroyant du regard.

     

    — Chacun sa merde, Prés, déclare l’irlandais en prenant des photos.

     

    Je me laisse aller dans les gobelets, vaincu pour le moment. Je retiens un fou rire avant de le laisser s’exprimer.

    La journée ne fait que de commencer, mon pote, t’as pas fini d’en baver avec ces clowns.

     

     

    ***

     

     

    Une fois changé, j’ai appelé – ordonné – à Liam et à Nir de tout nettoyer avant que le garage n’ouvre. Les Bloods avaient visiblement passé une annonce comme quoi les lieux étaient fermés la matinée. Ils sont de plus en plus doués. Je commence à croire qu’H s’est lâché dans l’organisation de ce premier avril, on dirait la supercherie du siècle.

    J’entre dans le bureau du garage pour faire le point sur la paperasse pour Gina. Il n’est même pas onze heures et j’ai déjà subi de sales trucs. Les gars sont fous.

    Je me jette sur le fauteuil, un bruit strident me fait sursauter. Mon cœur rate un battement, je me relève d’un bon en jurant.

    C’est pas vrai.

    Je me penche, sous le fauteuil, on a scotché un klaxon qui s’actionne sous la moindre variation de poids.

    Putain, c’est digne du tour le plus foireux et usé du premier avril.

    Les rires familiers de Klax et Rhymes résonnent de l’autre côté de la porte.

     

    — Sérieusement ? je lance à leur égard.

     

    Klax se met à imiter le bruit du klaxon. Je lève les yeux au ciel, ça ne peut venir que de lui un truc aussi con et facile. Le Blood ne se complique jamais la vie, mais réussit chacun de ses coups, sauf le saut d’eau pour H.

     

    — Attend, ce n’est pas fini mon pote, déclare le jumeau en me montrant d’un signe de tête le bureau.

     

    Je regarde ce dernier, l’enfoiré de VP a installé son maudit piège.

    Je soupire, merde, je viens de me changer.

     

    — Merci, les gars, je lance avec sarcasme, franchement, merci.

     

    — Mais de rien, rient-t-il en chœur.

     

    — Et pour info, la serpillière a disparu, m’informe Rhymes en se marrant.

     

    J’observe les verres d’eau pleins inversés qui menacent de noyé le bureau drapé des dernières notes de frais et de factures. J’espère pour eux qu’ils ont fait des copies.

    Je m’accroupis pour observer le mécanisme. Un jour, cet enfoiré devra m’expliquer comment il fait ça. Parce que ça reste un mystère pour moi et je sens que mes bottes vont de nouveau connaitre la flotte.

    Maudit sois-tu Creed aujourd’hui.

     

     

    ***

     

     

    J’arrive dans la cuisine vers treize heures après avoir noyé et sauver de justesse le pc des conneries de Rhymes. J’ai dû imprimer les factures que Gina avait déjà faites. J’ai eu deux heures de tranquillité dans le bureau, loin des gars tout en sachant très bien que j’allais sans doute me faire pulvériser par des œufs ou une connerie dans ce genre. Par chance, rien de tout ça ne s’est produit.

    Gina s’affaire en cuisine, elle termine de faire… des pommes d’amour, comme pour la Saint-Valentin. Sauf qu’aujourd’hui, c’est suspect.

    J’arrive à sa hauteur. Il se dégage un délicieux arôme de lasagnes mélangé au sucre et aux caramels colorés qu’elle utilise pour faire son glaçage.

    Je me penche pour embrasser sa joue. Le Premier avril a une saveur différente lorsque je me retrouve en tête à tête avec Gina. Ce jour me rappelle notre enfance, lorsque ma sœur était encore en vie, que nous faisions nos crasses en équipe. Faith adorait ce jour-là.

    Elle me manque tellement dans ces moments-là. Et quand je vois Gina, je la vois elle, ça fait autant de mal que de bien.

    Gina me salue en m’embrassant chaleureusement à son tour.

     

    — Tu n’as pas fait d’oignon, n’est-ce pas ? je lui demande en montrant son plateau.

     

    L’Italienne me jette un regard amusé.

     

    — Pas cette année, on ne fait pas de le réchauffer, nous, me répond-t-elle en souriant.

     

    Je la dévisage avec méfiance. Gina fait de même avant qu’un rire léger nous emporte. Elle enrobe une pomme sous mes yeux, c’est tellement chiant à faire, que je doute qu’elle les ait faites avec des putains d’oignon.

    Elle m’en tend une, je secoue la tête, je ne suis pas fou à ce point… mais comme son mari, j’adore ces maudites pommes. J’attrape une du milieu et croque dedans à pleins dents. Un jus amer et forte coule le long de ma gorge et le bruit crissant d’un oignon résonne à mes oreilles… ainsi que le goût écœurant.

     

    — Gina ! je râle.

     

    L’Italienne éclate de rire en voyant ma tête dégoutée. Trahis par un autre sourire.

    Je suis maudit.

    Gina me tend un papier pour que je crache, ce que je fais. Putain c’est dégueulasse.

     

    — Creed, t’es tellement adorable avec ta petite puce que tu te fais avoir à chaque fois. Les trucs les plus évidents t’échappent comme toujours, alors que les plus complexes te sautent aux yeux, c’est ça qui est marrant avec toi.

     

    — On ne fait jamais dans le réchauffé, je rétorque.

     

    Merde, c’est aussi important que le serment des scouts pour le premier avril. Il n’y a que Klax qui ne se creuse jamais le cerveau.

     

    — Pas cette année, me répond la sœur de mon pote.

     

    Gina saisit le plateau d’oignon d’amour qu’elle fourre directement dans la poubelle. Je dois admettre qu’ils se donnent tous un mal fou pour me faire mettre les deux pieds dans la merde.

    Je suis certain qu’H est l’investigateur de tous ces crimes à mon égard. Ce connard se venge.

    Et j’aime ça.

    Je m’approche du frigo pour avaler quelque chose qui m’enlève ce gout franchement répugnant. Je trouve une bouteille de jus de fruit entamé. Je l’enfile d’un trait avant d’aller au lavabo me laver les mains.

    Un silence étrange s’installe derrière moi, mon instinct me dit d’être méfiant.

    Ils préparent une couille.

     

    — Gina… je commence, si jamais tu…

     

    Je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’un truc étrange se passe. D’une seconde à l’autre, je vois un plat géant sous mes yeux qui finit dans ma tête.

    Ouais… dans ma tête bordel !

    Je me fige devant le lavabo, alors qu’une sorte de crème sucrée glisse sur mon visage. Des rires retentissent derrière moi. Beaucoup de rire.

    Pourquoi je n’ai rien vu venir ?!

    J’essaye d’essuyer mon visage couvert de crème pâtissière sans bouger, j’entends le bruit sourd du plat tombant par terre.

    Je vais buter le connard qui a osé faire ça.

     

    — Tu l’avais pas vu venir celle-là, pas vrai ? lance Sean dans mon dos.

     

    Je secoue la tête en essayant de retrouver un semblant de vue. Je crois que je suis en train d’en foutre de partout. J’entends le son de l’appareil photo d’un portable. Ils comptent tous faire un album ou quoi ?

     

    — Et de six, mon pote, déclare H avec fierté dans la cuisine si je me fie au son de sa voix. Tu veux qu’on appelle Sasha pour qu’elle vienne lécher tout ça.

     

    Je lève mes majeurs pour répondre.

     

    — Je me vengerais, je bougonne en m’essuyant le visage avec les papiers que Gina me tend sans cacher son rire.

     

    Et au fond de moi, je ris en m’imaginant. Je pourrais rajouter à ma liste entartée par un glaçon… quelle destinée j’ai.

    Aujourd’hui, on a le droit d’être de grand enfant… on ne se l’autorise pas souvent le restant du temps. C’est bien pour ça que tout est permis le premier avril. Pour oublier que le restant de l’année, on n’a pas le droit à la légèreté dans notre milieu où règne le danger. Même moi je m’autorise à ressortir ce gamin insouciant enfoui au fond de moi, celui qui n’avait connu ni la drogue, ni la perte, et encore moins la déception de la vie.

     

     

    ***

     

     

    J’ai survécu à ce premier avril. C’est la première chose que je me dis en coupant le contact de ma bécane.

     

    — Ca y est, la journée est finie, pas vrai ? se moque gentiment H.

     

    Je retire mon casque en dévisageant l’italien assis sur les trois marches d’escalier menant à l’entrée de notre maison. Il boit une bière en m’attendant gentiment. Je vois que la vieille Yeber est passée manifester son mécontentement.

     

    — T’as excité notre voisine Creed ? déclare Hurricane, parce qu’elle était en forme ce soir.

     

    J’examine les déchets en papiers et autre joyeuseté laisser par la vieille Yeber sur notre pelouse.

     

    — Juste un peu, j’avoue en allant m’asseoir à ses côtés.

     

    On observe le capharnaüm de la vieille conne qui a pris notre jardin pour sa poubelle géante. Je reconnais que la mamie est amusante. Dommage pour nous qu’on est plus de prospect pour ramasser la merde. On va devoir se la jouer à pierre feuille ciseau avec H pour savoir qui va faire le ménage. Sans avoir à le dire, nos deux mains se lèvent. J’ai pierre, il a ciseau.

    J’ai gagné.

    H jure en secouant la tête, on ne le fera pas en une seconde manche.

    Y’a une putain de justice.

     

    — Mec, prie pour ne pas tirer l’année prochaine « POISSON D’AVRIL » dans le bocal, je rétorque.

     

    Mon meilleur ami se met à rire en levant sa bière comme pour trinquer.

     

    — Je suis chanceux. De toute façon, on ne pourra pas faire pire que ça…

     

    Il pose sa bouteille en verre, et attrape à côté de lui plusieurs photos.

    Cet enfoiré a déjà fait développer les clichés de mes désastres journaliers.

    Hurricane me les tend en se marrant, je les regarde un à un. Je tire une de ses têtes à chaque fois.

     

    — OK, t’as gagné, je me suis fait avoir comme un con, je finis par avouer, et tu es le roi de la manigance, ça te va ?

     

    H prend un air satisfait. Il a dû se tuer les neurones pour arriver à planifier une pareille journée, de quoi rendre fou n’importe quel homme saint d’esprit. Parce qu’après le club de strip, il y a eu la russe qui a essayé de me vendre son rein contre la réparation de sa caisse. Les toilettes au cellophane, le savon verni, les portes piégées, les beignets à la mayo, le déodorant en spray remplacé par une bombe de peinture, mes chaussettes dans mon casier toutes trouées.

    H ne s’est pas ennuyé.

    Ce dernier me tend l’autre bière, je secoue la tête en prenant un air « ne me prends pas pour un con ».

     

    — Tiens, prend ma bouteille, puisque t’es si méfiant, me nargue-t-il.

     

    — Te connaissant, c’est celle-là que remplie de je ne sais quel merdier.

     

    J’attrape l’autre bouteille décapsulée que je porte à mes lèvres sans hésiter, je rêvais d’une bonne bière pour me détendre de cette journée.

    Sérieusement quel est le con qui a eu l’idée de génie de faire ça.

     

    — Bordel H ! je jure en crachant le liquide ambré.

     

    L’italien part dans un énième fou rire en renversant sa bière. Ce connard a même trafiqué ma bière en y fourrant… je ne sais pas quoi, mais c’est âcre, sucré et salé à la fois. Comment on peut faire ça à une Guiness ?

     

    — Ma sœur a raison, t’es tellement facile à duper pour les choses simples, rit H.

     

    Il sort son portable qu’il braque dans ma direction.

     

    — Une petite photo pour terminer la journée ? se moque-t-il.

     

    Je soupire en lui souriant, jusqu’au bout, il aura usé de tous les vis pour me voir galérer.

     

    — Allez bouge-toi le cul cendrillon, je rétorque, je vais me pieuter.

     

    — Fais attention à ton lit, me prévient H.

     

    Je lui envoie un coup de poing dans l’épaule en me levant, je doute qu’il soit allé jusque-là. Quelques minutes plus tard, je m’effondre sur mon lit sans prêter attention à ce qu’il pourrait contenir. Je n’ai plus suffisamment de patience ni de courage pour réfléchir aux sales coups que j’ai faits aux autres. Je sais qu’une année, j’avais fourré le lit de Rhymes à la crème chantilly avec l’aide de Liam. Le jumeau avait mis un moment avant de s’en rendre compte d’ailleurs. Je ne prends pas la peine de virer mes fringues. Je me laisse aller dans les bras de Morphée en priant pour que ce dernier me laisse aussi en paix.

     

     

    ***

     

    C’est raté.

    Je me réveille en sursaut, prêt à répondre de mes actes et à vérifier qu’Hurricane ne se trouve pas dans mon putain de pieu. Lorsque ma vue devient net, l’obscurité est maitresse dans ma chambre, les draps de mon lit sont en désordre, il fait chaud. Dans la chambre règne une atmosphère étrange, ressemblant à une putain de baise.

    Mon cœur s’emballe, est-ce que j’ai perdu la tête ? Bordel, il ne manquerait plus que ça à rajouter au tableau du meilleur mauvais pote de la terre. Je viens de faire un sale rêve.

    H et moi dans le même pieu, à s’asticoter comme doivent le faire l’irlandais et Klax.

    Une sueur me traverse le corps. Je me frotte le visage, même mon subconscient se ligue contre moi.

     

    — Qu’est-ce qu’il t’arrive ? plaisante une douce voix féminine contre moi.

     

    Je me tourne vers Sasha allongée à mes côtés, mon t-shirt des Bloods Of Silence sur le dos. Ses longues jambes tatouées sont dénudées, tout comme le reste.

    Je reste assis comme un idiot à la regarder. Je suis en caleçon… comment j’ai atterri en caleçon ? Mystère.

     

    — Il a rêvé de moi et de mon corps d’athlète ! hurle Hurricane du salon.

     

    J’envoie un coup de poing dans le mur, ce qui le fait se marrer.

    Il a infiltré mon cerveau ou quoi ?

     

    — Putain d’italien, je souffle en me frottant les yeux.

     

    Sasha se met à rire en laissant vagabonder ses mains sur mon torse pour attirer mon attention.

     

    — Alors qu’est-ce qui t’a tiré de ce sommeil agité ? chuchote-t-elle à mon oreille.

     

    — Rien, je rétorque.

     

    J’ai rêvé qu’on se tripotait avec mon meilleur ami, si ça, ce n’est pas un cauchemar !

     

    — Tu vas te foutre de ma gueule, je finis par lancer en m’allongeant de nouveau.

     

    — Après cette journée ? Impossible mon vieux.

     

    Je vois qu’on la mise au parfum. Bordel, dès demain, ils vont tous trinquer à ma façon.

     

    — J’ai rêvé d’Hurricane… j’avoue dans la pénombre.

     

    — Et ?

     

    Je déglutis, partagé entre le malaise et l’hilarité de la chose. Je suis en train de devenir fou.

     

    — À ton avis ?

     

    Sasha écarquille les yeux avant de prendre un air amusé. J’aime quand elle est comme ça, il n’y a que lorsqu’on est ensemble, sans les autres qu’elle s’autorise cette légèreté si rare.

    Je me surprends à la trouver belle comme ça… si femme et si simple. Sans toutes les responsabilités que nos places nous poussent à avoir.

     

    — Oh comme c’est adorable.

     

    — Sasha… je commence d’une voix menaçante.

     

    La Hell’s part dans un fou rire.

     

    — Et qui faisait frotti-frotta avec l’autre ? se moque-t-elle, c’est l’effet des gogos danseur de cet après-midi qui t’ont retourné l’esprit ?

     

    Sa main glisse le long de mon torse vers mon entrejambe. Cet après-midi, après m’être fait entarter par Sean, je me suis rendu au (NOM CLUB). Toutes les filles avaient été remplacées par des drag-queens. L’espace d’un instant, j’ai cru halluciner, tout le monde agissait normalement. Comme si de rien n’était. On avait changé la déco du club et les affiches. J’ai surpris un numéro de french cancan dirigé par Savage, hilare dans le public.

    Ils sont tous fous.  

     

    — Même ton cerveau te fait des blagues pourries, mon pauvre Creed, ironise la Présidente.

     

    Je la dévisage en souriant, bon sang, cette journée est vraiment pourrie.

     

    — Il me faut du réconfort, je déclare en essayant d’attirer Sasha contre moi.

     

    La Hell’s me résiste en se tortillant.

     

    — Demande à Hurricane ! se moque-t-elle de sa voix cassée.

     

    — Demander quoi à Hurricane ? hurle le principal intéressé de l’autre côté du mur.

     

    — Rien ! je jure en me retournant dans mon lit.

     

    Je laisse tomber en fourrant ma tête sous mes oreillers tout en gémissant pitoyablement. Je suis le roi des cons, le Président qui s’est totalement fait avoir durant toute la journée, trop occupé à chercher ce qui ne se voit pas sans se méfier de ce qui était gros comme le nez au milieu de la figure. Mais je dois avouer, que bon sang, qu’est-ce que j’ai ri de leur connerie une fois seul. Ils se sont surpassés.

    Sasha se blottit contre moi en calmant ses rires, au moins, mes frasques la font se marrer. Qu’est-ce que dit l’irlandais déjà ? Femme qui rit à moitié dans son lit ? Je suis gagnant donc ?

    Je la prends dans mes bras en espérant que l’année prochaine, on élargisse notre cercle de participant aux chattes. Sasha découvrirait mes autres talents cachés… et sans doute, je riais autant qu’elle ce soir.

    Je décide de dormir de nouveau, en espérant que mon subconscient me laisse tranquille. Il ne manquerait plus que je rêve d’une partouze avec les deux Irlandais pour terminer la journée. Mon calvaire est fini, et l’année prochaine, l’élu de la journée va prendre cher. Parce que bordel j’en ai chié, ma patience a été mise à rude épreuve et ce qui m’a tiré de mon sommeil s’était… plus que je ne le reconnaitrais, même si ce n’était pas la réalité.

    Demain, les choses reprennent leur cours, tout le monde va redevenir sérieux et moi… je redeviendrais ce Président mystérieux au regard absent d’où pèse plus d’un maux.

     

     

    FIN

    Amheliie