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Irish War, Chapitre 7

CHAPITRE 7

Kenan

 

Une semaine plus tard,

 

Je m’approche du bord de la falaise et inspire profondément l’air marin. Je ferme les yeux et laisse le bruit des vagues qui se brisent sur les rochers des dizaines de mètres plus bas me parvenir. Le plus beau son au monde.

Je pourrais passer des heures ici, à entendre la mer se fracasser sur la terre, à assister à leur rencontre forcée par le vent, c’est l’âme de l’Irlande. De l’eau, de la terre, et de l’air. Tout ce dont un Irlandais a besoin pour se sentir libre.

J’entends des rires derrière moi, au loin ma famille est installée pour le pique-nique dominical. J’adore l’été pour cette tradition qui veut qu’on s’entasse tous dans deux voitures après la messe pour venir dans ce coin de verdure à quelques kilomètres au nord de Belfast et respirer autre chose que l’air pollué de la ville. Souvent, on prend la pluie parce qu’ici entre le whisky et la Guinness le temps sera passé d’un ciel bleu à un ciel orageux. Mais ça fait partie du rituel, courir jusqu’à la voiture avec une couverture dans une main et un neveu sous le bras.

 

— Tu as toujours peur que le sol se dérobe sous tes pieds ?

 

Ma sœur ainée, Clare, me rejoint, sa tête se pose sur mon épaule et nous observons la mer ensemble.

Je ne réponds pas à sa question, elle sait que je flippe encore et que je flipperai toujours. Lorsqu’on a vu un bout de falaise s’effriter et faire un plongeon direct dans l’eau on ne s’approche plus du bord. J’ai assisté à ça il y a six ans, une de ces journées qui compte comme les pires. Un jour que je n’aurais pas voulu connaitre.

Mon bras passe sur les épaules de ma sœur alors que je me remémore ce jour funeste, celui où son mari a perdu la vie. Ce jour où son fils est devenu paraplégique et où tout a changé.

La guerre, tant qu’elle ne fait pas de nos proches des victimes, elle reste abstraite. Elle change définitivement quand on perd quelqu’un, quand notre famille est touchée. Les pertes vous confortent chaque jour un peu plus que prendre les armes et se battre est la solution. Tendre l’autre joue, on l’a fait durant des années et ça n’a servi à rien, à part être stigmatisé par une partie de la population. Les idéaux et la réalité du terrain sont deux choses différentes et c’est dans les drames qu’ils impriment des marques indélébiles. Des marques si fortes qu’aucun discours aussi fondé soit-il ne les effacera. Quand le cœur est blessé, il l’est pour toujours, même les armes ne peuvent rien contre ça, elles ne ramèneront jamais son mari à ma sœur, mais elles apaisent parce qu’elles nous montrent qu’on n’est pas impuissant, qu’on peut riposter et blesser aussi. Elles nous enlèvent ce statut puant qui ronge et nous fait tourner ne rond, cet état dans lequel on est seulement capable de subir et incapable de se relever. Celui de victime. Les O’Shea ne seront plus des victimes, les catholiques de ce pays ne le seront pas plus.

J’ai foi en nous, je sais qu’un jour on sera ici, avec ma sœur à regarder la mer et nous nous sentirons réellement libres. Ce ne sera pas seulement le temps d’un pique-nique, ce sera pour toujours. L’Irlande prendra son indépendance, elle redeviendra ce que Dieu a fait d’elle il y a des milliers d’années, une ile, avec un peuple qui n’a qu’une nation, celle du drapeau tricolore.

Oui, un jour c’est ce que nous serons.

Clare se redresse et pince ma joue fraichement rasée de ce matin. Ma mère ne tolère pas qu’on aille se présenter dans la maison du Seigneur avec une gueule pas soignée.

 

— Fiona m’a parlé d’une certaine Eireen, blonde, jolie et infirmière que tu as emmenée diner la semaine dernière au restaurant, lance ma sœur.

 

Je souris en observant le visage déjà bien trop ridé de ma sœur qui pourtant n’a que 32 ans. La vie fait ça, elle fait vieillir prématurément ceux pour qui elle est un combat au quotidien.

 

— Alors ? Tu m’en parles ou je dois te tirer les vers du nez ?

 

Je jette un œil à la mer, en pensant à Eireen. Ma facture de téléphone va me ruiner, on s’est appelé tous les soirs depuis le week-end dernier et nous sommes restés des heures au téléphone. Vendredi, je l’ai même écouté ronfler quand elle a fini par s’endormir alors que je lui racontais une des conneries du port.  Elle aime que je lui raconte des histoires, que je lui parle de tout et de rien et j’aime quand elle fait pareil. Être infirmière n’est pas drôle tous les jours, mais Eireen a ça en elle, un besoin d’aider, d’être utile auprès des autres, de faire le bien. Je n’ai jamais fait ça avec une femme, je n’ai jamais ressenti ce truc qu’il y a entre elle et moi, comme si on s’était trouvé, comme si c’était inévitable et que se séduire n’est rien d’autre qu’un jeu parce qu’on sait que nous deux c’est certain.

Je me frotte le visage en me trouvant stupide de penser ça d’une femme qui joue au mystère avec moi, qui m’allume et me pique mes affaires, qui rient si fort que je n’entends que ça quand elle le fait qui me rend fou. J’ai beau lui avoir parlé tous les soirs de cette semaine, je ne l’ai pas vu et elle me manque. Le baiser qu’on a partagé la semaine dernière n’a pas quitté mes pensées, ses lèvres, sa langue, son goût, son corps… Je m’épate moi-même de survivre à toutes cette séduction qui émane d’elle alors que mon désir pour elle me rend dingue, mais j’aime qu’elle soit comme ça. Elle me rend fou par de simples petits gestes remplis de sensualité et j’imagine chaque partie de son corps passant sous mes mains ou ma bouche, j’imagine ses réactions, sa peau qui frissonne, les cris qu’elle poussera lorsque je la prendrai…  je fais l’amour à Eireen chaque soir en pensée, mais seulement en pensée.

 

— Elle est géniale, je finis par répondre à Clare avant de partir trop loin dans mes délires.

 

— Seulement ?

 

— Géniale ce n’est pas suffisant pour toi ?

 

— Pour une fille que tu veux mettre dans ton lit je suppose que…

 

— Clare !

 

Ma sœur se met à rire en voyant mon air agacé qu’elle me parle de sexe. J’ai quatre frères pour parler cul, je ne compte pas le faire avec une de mes sœurs. Jamais.

 

— Voilà que petit Ken fait sa mijaurée à présent ! C'est inutile je peux te citer toutes les filles avec qui tu as couché et même te dire qui était la première.

 

Je fronce les sourcils en me demandant si elle plaisante ou non. Clare est l'une de mes sœurs les plus difficiles à cerner. Elle est la plus introvertie et parfois je me demande comment c'est à l'intérieur, si elle va aussi bien qu'elle le dit ou si c'est simplement une façade.

 

— Je ne déconne pas, Kenan, elle reprend.

 

— Bien-sûr que si. Je n'en ai jamais ramené une chez les parents, comment tu pourrais savoir ?

 

Ma sœur sourit en haussant les sourcils, puis elle fait demi-tour pour rejoindre notre famille installée dans l'herbe.

 

— Rory ! crie Clare, c'était comment déjà la petite rousse sur qui Ken bavait à quatorze ans ? Lisa, Lissa ?

 

Je rejoins la troupe O'Shea juste attends pour entendre Fiona confirmer que c'est Lisa. Rory continue en citant la seconde et j'assiste ébahi, à l'énoncé de toutes les filles qui sont passées dans mes bras par chacun des membres de ma famille."

Je reste con, debout, les mains dans les poches de mon pantalon de costumes en me disant que le téléphone irlandais n’a rien à envié à l’arabe, il est encore plus performant selon moi.

 

***

 

Je referme mon sac à dos et l’enfile sur mes épaules. Isaac le vieux soudeur me fait un clin d’œil puis je sors de sa maison. Le vieux est muet et travailler avec lui est reposant. Pas de paroles superflues, il exécute ce qu’on attend de lui et voilà tout.

On a travaillé sur le détonateur ce soir, il me manquait une pièce qu’il a fabriquée de ses mains. Il est plus méticuleux et doué que mon père et moi. Son travail est inédit et parfait. Il nous permettra de nous éloigner de la zone lors de l’attentat.

Je grimpe sur mon vélo et prends le chemin de mon appart. La nuit est tombée, la journée a été longue et pourtant je n’ai pas envie de rentrer chez moi. Je jette un œil à ma montre, pas loin de 22H, Eireen ne va pas tarder à rentrer de sa garde à l’hôpital.

Je ne réfléchis pas, les directions que je prends me conduisent jusqu’à chez elle. Je ne devrais pas, dans mon sac j’ai l’assemblage qui va servir à venir percuter l’explosif qui devrait, si tout se passe comme on l’a prévue, tuer une personnalité importante du monde britannique. À cette heure-ci, le risque que je me fasse contrôler est de 70% au minimum et pourtant je ne cherche pas à faire demi-tour. Au contraire, c’est encore plus excitant dans ses conditions.

J’arrive dans sa rue déserte lorsque la pluie commence à tomber. Je pose mon vélo contre le mur de son immeuble et m’abrite sous le proche en attendant qu’elle arrive. Je regarde la pluie tomber en pensant qu’Eireen ne sait rien de ce que je fais en dehors du port et de nos rencontres. Elle ignore que je suis membre de l’IRA et je me rends compte qu’on n’a pas encore abordé le sujet de la guerre. On l’occulte, ou est-ce seulement moi ? Elle m’a dit être pacifiste, on l’est tous d’une façon ou d’une autre, on veut tous que ce conflit se termine et que la paix s’installe. Mais à quel prix ? À quel sacrifice ? Je ne sais pas ce qu’Eireen en pense, et sûrement qu’un jour on viendra à en parler. Sûrement qu’elle me donnera son opinion et probablement qu’elle connait déjà la mienne.

Des bruits de pas sur le sol trempé résonnent dans la rue, je sors la tête du porche pour apercevoir une petite silhouette qui saute à travers les flaques en courant. Je sens ma poitrine se gonfler en reconnaissant Eireen qui protège sa tête avec son sac. Elle sursaute lorsqu’elle m’aperçoit à l’entrée de son immeuble puis se fige sous la pluie.

 

— Kenan ?

 

Je la rejoins dans la rue, son visage dégouline d’eau, ses cheveux sont plaqués sur ses joues, son nez est rouge de froid et je la trouve adorable ainsi.

 

— Qu’est-ce que tu fais la ? elle demande d’une petite voix.

 

Je caresse sa joue fraiche et mouillée, en fait j’aurais voulu qu’elle soit là aujourd’hui. J’aurais voulu la présenter à ma famille et qu’elle soit avec moi dans ce coin que j’adore. J’aurais voulu lui montrer et partagé ce moment avec elle.

Je me penche pour l’embrasser, je la vois se lécher les lèvres pleines de pluie avant que ma bouche ne se pose dessus.

Eireen. Sa bouche, sa langue qui vient rencontrer la mienne et son petit corps trempé contre le mien. Elle s’accroche à mes épaules et je la soulève sans lâcher s abouche qui me dévore. Je nous ramène à l’abri. Eireen reste contre moi, son corps ondule contre le mien, sa poitrine se frotte à mon tore, ses cheveux humides chatouillent mon visage, et ses lèvres finissent de me faire bander.

L’infirmière finit par me relâcher, essoufflée, le visage encore plus rouge et les lèvres brillantes. Elle sourit alors qu’on se dévisage avec ce désir palpable entre nous.

 

— Je pourrais m’habituer à ce genre de baiser, j’arrive à dire au bout de quelques secondes.

 

— Seulement ?

 

Je ferme les yeux en reculant d’un pas, la séductrice est bien là.

 

— Non, pas seulement.

 

Eireen me sourit puis elle s’approche et je me retrouve dos au mur. Je pense au détonateur dans mon sac à dos lorsque j’évite de m’appuyer contre. Mes mains se posent sur ses hanches, Eireen caresse mes joues sans barbe.

 

— Alors, qu’est-ce que tu fais là Kenan ?

 

— Vous m’avez manqué mademoiselle MacNamara, une semaine sans vous voir, vous, votre sourire, vos yeux, vos seins et votre cul d’enfer, c’est long. Très long.

 

Elle rit en venant se blottir contre mon torse. Mes bras l’encerclent et on reste un moment comme ça, à sentir la présence de l’autre dans le silence troublé seulement par la pluie qui s‘abat sur Belfast.

 

— Toi aussi tu m’as manqué, elle finit par avouer, la semaine a été longue.

 

Je l’entends soupirer en se blottissant plus fort contre mon torse. Cette proximité me surprend, mais surtout le fait qu’elle ait l’air d’avoir besoin de réconfort.

 

— Qu’est-ce qu’il y a ? je demande.

 

Eireen ne répond pas immédiatement, je tente de m’écarter pour la regarder, pour tenter de comprendre, mais elle m’en empêche.

 

— Eireen ?

 

— C’est rien, dit-elle en se frottant le visage à deux mains, parfois je déteste vraiment la guerre.

 

Elle recule et me sourit timidement, mais le cœur n’y est pas. Elle ne sourit pas comme d’habitude, pas comme si rien de grave ne venait d’arriver. Je tente de comprendre et m’apprête à lui poser des questions lorsqu’elle me devance.

 

— Alors ce pique-nique, comment c’était ?

 

Je passe une main dans mes cheveux en me sentant amusé et en même temps un peu blessé qu’elle ne veuille pas partager avec moi ce qui la tracasse.

 

— C’était bien, ma famille a hâte de te rencontrer.

 

— Ah oui ?

 

— Oui, Fiona a parlé de toi.

 

Je la vois rougir un peu en détournant le regard.

 

— Ce sera pour notre sixième rendez-vous, je l’informe.

 

Eireen s’approche de moi, sa main se pose sur mon torse, je vois son regard me dévisager et le désir revient de plus belle.

 

— Tu comptes me présenter à ta famille, pour notre rendez-vous « avant sexe » ?

 

Je l’attire contre moi en pressant ses reins, son ventre vient s’écraser sur ma queue. Son souffle se fait plus rapide. Mes mains se mettent à parcourir son corps et ses courbes. Eireen me laisse faire en s’agitant contre moi, mon visage se presse sur son cou que j’embrasse en caressant ses seins à travers son uniforme de l’hôpital.

Elle gémit, j’ai envie de la déshabiller de sentir sa peau et rien d’autre sous mes doigts. Mes mains redescendent sur son cul que je presse pour que son corps soit encore plus poche du mien. Sa chaleur m’envahit, j’ai envie d’elle, envie de la déshabiller sous ce porche et de la prendre immédiatement. Eireen embrasse ma bouche, sa langue vient danser autour de la mienne, et ma main se faufile entre ses jambes. Le contrôle s’éloigne, lorsqu’elle gémit sur mes lèvres, elle est parfaite, sensuelle, sensible à mes caresses et je suis en train de perdre pied. Elle doit être humide et brûlante, douce et chaude…

Nos lèvres se séparent, on se regarde essouffler, son regard bleu ne cache rien de ce dont elle a envie en ce moment même. Ma main appuie encore sur son sexe, ses yeux se ferment dans un soupir excitant. Dieu que j’ai envie d’elle.

 

— On vient de vivre notre quatrième rendez-vous, je lance d’une voix tendue.

 

Eireen ouvre les yeux, ma main se pose gentiment sur sa hanche.

 

— Celui ou on a le droit de se peloter. Au prochain t’es dans mon lit Eireen.

 

Elle se met à rire en reculant. Je ne tiendrai pas une soirée de plus sans qu’on aille plus loin.

 

— Tu m’invites chez toi ?

 

Je fais le pas qui nous sépare, elle me regarde étrangement, la bouche entrouverte et les joues brûlantes. Ma main passe dans ses cheveux humides puis descend sur sa nuque et son dos pour s’arrêter sur ses fesses. Je ferme les yeux en appréciant les rondeurs de son corps, en les imaginant nues, mes mains dessus alors qu’elle me chevauchera. Mon front s’appuie contre le sien, le désir papable dans ma voix.

 

— Oui, vendredi soir, chez moi. Tu pourras me rendre ma chaine et sa croix et peut-être que tu arriveras à me prendre autre chose. Mais sache que moi aussi je vais prendre quelque chose.

 

Elle sourit en secouant la tête. J’ai compris rapidement qu’elle m’avait pris ma chaine la dernière fois qu’on s’est vue. C’est un objet auquel je tiens, que j’ai reçu à ma communion et qui ne m’a pas quitté depuis.

Eireen s’échappe de mes bras, elle sort ses clefs de son sac.

 

— Je vais réfléchir à tout ça.

 

— Réfléchir ?

 

— Oui, réfléchir Kenan.

 

Elle a envie aussi, elle joue encore, elle maintient le suspense et vendredi si elle vient peut-être que je finirais tout seul.

 

— Je vais rentrer, bonne nuit Kenan.

 

Elle dépose doucement ses lèvres sur ma joue en prenant soin de frotter sa poitrine à mon bras puis elle se détourne et ouvre la porte. Elle entre et je reste à regarder la porte se fermer d’elle-même.

 

— Eireen ?

 

L’infirmière rattrape le battant et l’écarte assez pour laisse passée son visage.

 

— Si je t’avais demandé de monter chez toi ce soir ?

 

Elle me dévisage quelques secondes comme si elle-même se demandait ce qu’elle aurait fait et si elle aurait pris la bonne décision.

 

— J’aurais dit oui.

 

La porte se referme avant que je puisse répondre quoi que ce soit. Je reste là jusqu’à ce que la lumière du couloir s’éteigne. Cette femme est en train de me retourner l’esprit. Cette semaine je suis de nuit au port, le reste de mon temps va être consacré à l’assemblage de la bombe et pourtant, elle sera longue cette semaine.

 

MARYRHAGE

Commentaires

  • Pour le moment, nos 2 chouchous nous offrent une jolie parenthèse mais je m'attends au pire
    Super chapitre

  • Mon dieu j'adore avec sa soeur. C'est un peu l'inconvénient d'être très proche de sa famille. Super chapitre. Je file de ce pas lire le prochain chapitre. Continuez comme cela les filles.

  • La pression monte!

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