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  • Le Cri du Coeur, Epilogue

     

    Épilogue

     

     

     

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    Rome

    Deux jours plus tard.

     

     

    Mon cœur bat vite alors que je sens le regard de la foule sur moi. Ce jour me paraissait si loin, mais il est là désormais, il est arrivé à une vitesse incroyable, tellement que je ne m’y attendais pas. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle ne soit pas là, pourtant, elle est partie, et mon cœur la comprend autant qu’il en a mal.

    Je me suis réveillé le matin, avec un étrange sentiment que les choses avaient changé. Toute la nuit, j’avais enfoui mes problèmes et mes responsabilités, tout ce qu’une nuit comme celle-ci engendrerait. Je m’attendais à des heures longues et douloureuses au petit matin, emplie de doutes et de remises en question… je m’attendais au regard d’Aubrey sur moi, celui qu’elle avait depuis des années sur son visage lorsqu’elle me regardait.

    Mais je n’ai rien eu de tout cela, puisqu’elle n’était plus là.

    Je me suis réveillé seul dans cette chambre d’hôtel, avec son exemplaire vieux et déchiré de La Vie Nouvelle de Dante, accompagné d’une lettre à mon nom.

    Et j’ai su en une fraction de seconde qu’une page venait de se tourner. Les mains tremblantes, j’ai ouvert sa lettre, et je l’ai lu.

    Mon cœur s’est serré, et j’ai ressenti cette même blessure, celle que j’ai eu au même moment que je lui ai causé.

    Et pas une seule fois, j’ai été en désaccord avec sa plume, pas une seule. Aubrey avait énormément grandi, elle était cette femme belle, forte et intelligente que j’avais vue en elle.

    Je l’ai aimé comme un fou, avec peur certes, mais comme un fou déchiré entre deux passions. Celle pour une femme et pour le Christ, lors d’une vocation qui m’a trouvé en chemin.

    Je n’ai jamais demandé à ce que les autres me comprennent, et je sais qu’au fond, j’aurais dû exiger la même chose d’elle. Là a été ma première et plus grosse erreur.

    Mon cœur bat toujours aussi fort lorsque je m’avance dans cette allée nous menant à l’Évêque et aux autres.

    Je vais devenir prêtre aujourd’hui, un prêtre, mais un homme au cœur brisé qui s’y attendait, mais qui n’a pas le choix.

    Entre amour et vocation, on ne peut pas obtenir les deux.

    J’entends une voix avec un fort accent italien m’appeler :

     

    — Logan Matthews Crowley ?

     

    J’ouvre les yeux pour croiser le regard de l’homme vêtu d’une aube rouge, avec des ornements couleur or, ma voix s’enraille un peu lorsque je réponds comme le veut la tradition :

     

    — Me voici.

     

    Un des prêtres du séminaire français nous présente tour à tour. Je suis ailleurs, mes pensées ne sont pas totalement dans l’instant, mais qu’importe. Je l’écoute d’une oreille, pendant que mon cœur fait son deuil et se prépare à vivre une vie qu’il a choisi.

    Sans peur, sans doute, sans regret. Je ne ressens rien de tout ça. Je sais ce que je fais, même si cela peut paraitre fou, mon engagement est sincère.

    Mais une part de moi, celle de l’homme et l’amant qui été en communion avec elle s’est éteinte dans cette chambre. J’ai fait mon deuil de cette personne.

    Aubrey a raison, ce genre d’amour, on ne le vit qu’une fois, on ne peut le vivre qu’avec une personne faite de chair et de sang.

    Je frissonne en y pensant. Faire l’amour avec elle était l’un des moments les plus déchirants et les plus passionnels que j’ai connus dans mon existence, un moment hors du temps, hors de tout, hors de contrôle.

    Je sors de mes pensées lorsque je vois mes collègues s’exécuter. Comme le veut le déroulement de l’ordination, les deux autres séminaristes et moi-même, nous nous allongeons face contre le sol, pendant que ceux qui nous entourent chantent et je pense à elle.

    C’est là que notre histoire s’est achevée, dans une chambre d’hôtel à Rome, en face de la Piazza Navona, une nuit d’hiver incroyablement belle.

    Nous le savions, l’amour n’était pas si loin, et même s’il n’en est pas sorti vainqueur de cette bataille entre passion et vocation, il est toujours là, tapi au fond de nous comme un vieil ami qui ne nous quittera jamais. Je n’aurais jamais cette femme pour moi, mais mon cœur, lui, il lui appartient. Depuis notre rencontre, jusqu’à mon dernier souffle, qu’elle soit près de moi, ou à l’autre bout du monde. On ne peut pas l’oublier, on ne peut pas faire comme s’il n’existait pas.

    Je vais devenir prêtre, et j’aime le Dieu auquel je crois. Mais Brey a raison, ces deux amours sont différentes, l’un est plus spirituel, et l’amour, plus humain, plus palpable.

    Je ferme les yeux, je sens encore le goût de sa peau contre mes lèvres et la chaleur de son corps frissonnant contre le mien.

    Aubrey me manquera c’est certain. Et même si nos chemins se sont séparés, nos deux cœurs se sont liés.

    Plus tard, lors d’un séjour à Londres pour voir ma famille, j’apprendrais qu’Aubrey s’est enfin marié avec le Professeur Tyler Clark. Elle aura deux belles petites filles et un mariage heureux de l’autre côté de l’Atlantique. Elle finira professeure à l’université, et enseignera l’histoire sous de nombreuses spécialisations. Aubrey sera heureux, la plaie dans son cœur créer par notre histoire ne sera plus qu’une vilaine cicatrice bandée par le temps, l’amour et la maturité. Elle racontera à ses filles un jour ce qu’elle a vécu, elles en seront intriguées parce qu’Aubrey ne l’aura jamais montré. Elle aura été fidèle à Tyler jusqu’au bout et ils se seront aimés comme des fous. Parce que cet homme sera exceptionnel avec elle. Comme la promesse qu’il m’a fait, de l’aimer et de la protéger comme je n’aurais jamais l’occasion de le faire.

    Ils s’aimeront, longtemps et avec passion, Aubrey connaitra ça une seconde fois dans sa vie, un amour, mais un amour plus sage et moins destructeur.

    Mais jamais nous ne nous recroiserons. Comme une promesse silencieuse faite, notre histoire n’avait plus besoin d’une chapitre suivant. Nous ne prendrons jamais le risque de mettre en péril nos deux vies.

    Elle me manquera, et je lui manquerai, c’est certain.

    Jamais je ne quitterai sa Bible, elle m’aura accompagné dans chaque étape de ma vie, à chaque combat, j’aurais un peu d’elle avec moi.

    J’ai été nommé prêtre en 2017, et même si je ne le sais pas encore, je ferais de belles choses au cours de ma vie à Rome et dans la monde lorsque je voyagerais. Je me rendrais compte qu’il n’est pas si facile de changer les choses, mais qu’il faut toujours y crois et se donner les moyens de réussir.

    J’abandonnerais corps et âme dans cette lutte pour la justice et la religion, pour que cette dernière évolue, pour qu’elle change en bien pour vivre avec son temps.

    Je ne me ferais pas que des amis, mais, qu’importe, ce serait le combat d’une vie. Je ne serais pas toujours exemplaire, mais qui l’est ? Il m’arrivera de croiser quelques femmes, de vivres quelques aventures de passages dans leur bras, mais rien de sérieux. Je me l’interdirais.

    Je ne le sais pas encore, mais au fur et à mesure des années, j’aurais pu faire des choses et je deviendrais davantage qu’un prêtre de paroisse.

    Et il ne se passera pas une journée sans que je ne pense à Aubrey en me disant que lorsque nous serions seuls, elle, à Baltimore, moi à Rome, je n’aurais qu’à m’allonger dans une pelouse, lever les yeux au ciel et regarder les nuages en imaginant le son de sa voix.

    Aubrey me manquera souvent, et peut-être qu’un jour, j’aurais le regret de ne pas avoir fait ma vie avec elle. Mais je me consolerais en disant que j’aurais eu le bonheur et le malheur de connaitre en une seule vie, l’amour réel, le palpable, celui d’une femme.

    Tout n’était pas parfait, mais c’était notre histoire. Celui du cri d’un cœur et d’un sourd qui avait peur, mais d’un amour fort, qui s’est dévoré avec passion.

     

     

    AMHELIIE

  • Le Cri du Coeur, Chapitre 17

     

     

     

    Chapitre 17

     

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    Logan,

    Si tu lis cette lettre, c’est que je suis partie. Comme toi, à de nombreuses reprises, j’ai décidé de prendre le largue, de quitter le navire en partant loin.

    Cette fois-ci, ce n’est pas toi qui fais un choix, mais moi. Ce n’est pas toi qui t’en vas, mais moi. Ce n’est pas toi qui me quittes, mais moi.

    C’est moi.

    Je m’étais dit qu’un jour il serait temps de nous dire adieux, jamais je n’aurais cru faire ça, dans une chambre d’hôtel donnant sur la Piazza Navona, lors d’une belle nuit froide où les gens dorment, et où seules les lumières de la place offrent une vue spectaculaire sur cette magnifique ville qui est devenue la tienne.

    Rome, cette ville qui abrite l’état qui fait de toi, ce que tu vas être d’ici peu de temps.

    Jamais je n’aurais cru qu’on se dirait adieu ainsi, une nuit remplaçant tant d’autres qui n’arriveront jamais. Rêvant d’une vie qui n’arriverait pas non plus. Qu’avons-nous fait de ses derniers Logan ? Elles devaient nous appartenir, mais nous avons pris des chemins différents de celles que j’aurais aimées empruntées à tes côtés.

    Je m’apprête à te quitter et cela me semble être la chose la plus difficile à faire de toute ma vie. Comment l’as-tu fait plusieurs fois ? Quand on aime, on ne se sépare pas normalement, pourtant, autour de nous, dans le monde entier et depuis la nuit des temps, s’aimer ne suffit pas. Ce serait beaucoup plus simple, mais comme la vie, l’amour ne l’est pas.

    Ça aurait dû l’être pour nous deux, tout avait si bien commencé Logan. Une amitié comme beaucoup nous envierait, un amour tremblant et secret que seuls les adolescents peureux ont peur de se relever, un avenir silencieux qui se dessiner devant nous. C’était trop beau, c’était trop… surfait, trop irréel pour devenir une réalité.

    Pourtant, en grandissant, en fréquentant les Grands Hommes d’un autre homme qui n’a rien à leur envier, je me suis rendu compte que notre amour avait été une réalité. Pas du genre qu’on aimerait qu’il soit, mais il a existé. Il existe encore, d’une manière plus discrète et plus pudique, sans doute moins intense que lorsqu’on est adolescent.

    On s’est aimé comme des fous Logan. On s’est aimés comme rares les gens s’aiment. Avec une passion dévorante qui nous a blessés et finit par nous dévorer.

    On s’est aimé comme on aime le grand amour, celui qu’on ne rencontre qu’une fois dans son existence.

    Je suis tombée amoureuse de toi sans m’en rendre compte, comme une habitude, comme lorsqu’on respire, à force, on ne se rend pas compte que nos poumons s’emplissent d’air. On ne réfléchit plus à en aspirer, on le fait, comme par automatisme. Je suis tombée amoureuse de toi comme on respire.

    Mais lorsque je m’en suis rendu compte, j’ai craint l’étouffement, le manque d’air, l’apnée. Au fond j’ai cessé de respirer le jour où j’ai commencé à t’aimer. Et comme l’adolescente que j’étais, naïve et un brin insouciante, j’ai remplacé quelque chose de primordial par toi. Là a été ma première erreur.

    Il y en a eu d’autres, beaucoup d’erreurs où je t’ai tenu pour responsable alors que les choix, c’était moi qui les faisais.

    Je ne t’ai pas pardonné de m’avoir délaissé pour lui, parce que malgré tout, tu m’aimais, mais j’espère que tu me pardonnes pour toute cette haine que notre amour a engendrée. J’aimerais qu’on se quitte le cœur soulagé, libre de toute cette rancœur. Je ne veux me souvenir que du bon.

    Cette nuit après vingt-cinq ans nous avons fait l’amour, c’est étrange lorsque j’y pense. Il y a des années je t’avais supplié de me donner ma chance, et cette fois-ci, il n’y a pas eu de demande. Juste l’envie, deux corps qui s’attirent, s’aiment, et se désirent.

    On s’est aimé une nuit Logan et plusieurs fois. Tu m’as donné la chance que je te réclamais depuis des années et sans doute, tu ne comprendras pas mon choix. Même si je sais qu’au fond, bien sûr que tu le comprends.

    Parfois on s’aime trop. Parfois on s’aime trop vite et trop fort. Parfois on y survit, et d’autres on s’y brûle les ailes.

    J’ai eu beau te crier mon amour, tu es resté sourd. Mais au fur et à mesure des années, j’ai l’impression que nous nous sommes tout dit.

    L’amour c’est beau, mais l’amour, ça fait mal.

    L’amour n’était pas si loin, dommage qu’il se termine une nuit comme celle-ci. Mais nous avons eu droit à un « nous », l’espace de quelques heures, loin de la réalité et de ce que nous vivons au quotidien et c’est énorme.

    Sache qu’une question n’a cessé d’envahir mon esprit lorsque je te regardais dormir cette nuit. Rester ou partir ?

    Nous avons craqué, comme si nous devions le faire, nous avons vécu ce que nous avions à vivre, même si ce fût cours. Parce qu’il serait égoïste maintenant de te demander de choisir. J’étais peut-être ton test Logan, peut-être que tu voulais t’assurer de faire le bon choix, peut-être qu’à ton réveil tu culpabiliseras et tu seras perdue, mais sache que tu n’as pas à en faire en réalité.

    Il y a sept ans, tu as décidé de t’engager auprès d’une cause, auprès d’une croyance. Et même si je ne l’ai pas compris tout de suite, au fil des années j’ai su. J’ai su à quel point tu étais bon et heureux, même si tout n’était pas parfait à mes yeux.

    Peut-être que si ton monde avait été différent, avec d’autres règles et d’autres codes, je t’aurais accompagné, j’aurais adoré être à tes côtés, te voir rendre le monde plus beau à ton niveau.

    Mais tu as raison, je ne suis pas une femme d’ombre, je suis une femme, et une femme ne mérite pas cette vie-là. Elle ne mérite pas de souffrir de l’absence, de l’ignorance et du secret. Vivons heureux, vivons cachés ? Je n’y crois pas Logan, même si durant des années, j’y ai cru. J’y ai cru à bout de souffle, aujourd’hui, ce souffle, il a disparu.

    Alors, souviens-toi de nous comme nous étions avant de devenir des adultes que la vie a séparés. Souviens-toi de notre complicité, de ces après-midi côte à côte à observer les nuages gris de Londres dans un parc. Souviens-toi des rires, mais oublie les pleurs. Souviens-toi de mon sourire lorsque tu douteras. Souviens-toi de Dante, il a souvent les mots justes lorsque ça ne va pas. N’oublie pas de croire en toi Logan. Je t’en prie, ne nous fais pas regretter cette vie l’un sans l’autre. Je crois en toi et en tes mots maintenant que tu m’as prouvé ce que tu voulais réaliser. C’est le projet de toute une existence de vouloir faire changer les choses. C’est un projet intense et courageux de tenter de laisser une

    Promets-moi que tu ne regretteras pas Logan, c’est sans doute ma plus grande peur à ton égard qu’un beau matin tu te réveilles et te rende compte que tout ceci était une erreur.

    Je vais faire pareil. Je vais rentrer à Baltimore poursuivre ma vie tout comme tu vas rester à Rome poursuivre la tienne. T’engager pour de bon et faire bouger les choses à ta façon. Quel travail de titan, il t’attend.

    Il y a tant de choses qui tournent autour de toi. Tant de choses qu’il me faudrait plus que quelques feuilles de papier pour te les dires.

    Souvent, on a pensé que j’étais une écorchée vif. Oui, mon cœur l’air, cet organe dans ma poitrine qui n’a jamais censé de de te crier à quel point il était fou de toi. Il criait, criait, il a tellement hurlé Logan, tellement qu’il s’en est brisé.

    Tant d’amour pour une seule personne, cela devrait être interdit. Pourquoi ton Dieu ne l’a pas interdit ? Est-ce que tu l’aimes autant que moi je t’aime ? C’est une question délicate qui n’aura sans doute jamais de réponse, mais ce n’est pas grave. Avec la force des années, j’ai compris qu’il y avait plusieurs amours. Le palpable, celui que nous partageons et l’autre, plus complexe que tu partages avec lui.

    Ces deux jours avec toi m’ont fait comprendre que l’amour ne se sauve pas de tout, et certainement pas de lui-même. Que parfois, s’aimer si fort, autant que toi et moi nous le faisons ça n’avait pas de but, si ce n’est l’autodestruction.

    Je te regarde Logan cette nuit et j’aurais aimé avoir la certitude que lorsque tu te réveilleras, tu changeras d’avis, tu me diras, « Brey, ne faisons pas ça ». Mais nous le savons que tu ne le feras pas.

    Je m’en vais, et je sais que ce sera plus facile pour toi et pour moi, Logan.

    Sache qu’il est difficile et douloureux de t’aimer. Mais on t’aime comme on aime une seule fois dans une vie : éperdument.

    Je te garde à jamais dans mon cœur, là où une place aussi grande que le centre de la terre t’appartient.

    Dante reste ici, dans son pays d’origine où il a connu ça lui aussi, un chagrin d’amour incompréhensible pour une femme hors d’atteinte.

    J’étais Dante, et tu as été cette femme.

    Je t’ai aimé, mais tu étais hors d’atteinte.

    Je me suis brulée, et nous sommes tombés.

    Il y a pire que de tombée amoureux, nous aurions pu simplement tombés dans le vide. Mais certains disent que c’est un peu la même chose, l’impact avec le sol est douloureux. C’est sans doute vrai, mais lorsqu’on l’a déjà connu, on ne ressent plus rien. On garde seulement le bon. Je ne garderai que le bon de nos retrouvailles Logan. Je n’oublierais pas ton corps contre le mien et cette alchimie qui nous animé cette nuit.

    On ne peut pas l’oublier, c’est certain.

    Tu restes à tout jamais celui qui détient une grande place dans mon cœur.

    Je t’aime malgré tout, peut-être un peu plus sérieusement et raisonnablement qu’il y a bientôt dix ans.

     

    Au revoir.

     

    Aubrey

     

     

    PS : ne tente pas de me retenir, nous n’avons jamais été doués pour les adieux. Mais sache que… « il y a ceux que l’on croise, que l’on connait à peine qui vous disent un mot, une phrase, vous accordent une minute, une demi-heure et changent le cours de votre vie. »

    Tu m’as davantage accordé qu’un instant, tu m’as accordé une vie, que tu as changée.

     

     AMHELIIE

     

  • Le Cri du Coeur, Chapitre 15

     

    Chapitre 15

     

     

     

    Rome, mars 2017.

     

     

    Aujourd’hui non plus, la journée a commencé comme la précédente : comme si rien ne s’était produit. Logan est venu me chercher très tôt à l’hôtel pour me trainait voir le Musée du Vatican. Apparemment, c’est LA visite à faire lorsqu’on est fan d’art et d’histoire, et effectivement, mon cœur de passionnée ne pouvait pas refuser. Il serait stupide d’aller à Rome et de ne pas y aller, même si au fur et à mesure des années, on est devenu réfractaire à la religion pour de simples raisons personnelles.

    J’ai commencé à comprendre sa démarche en route pour le musée. Petit à petit, il m’amenait dans la direction de sa future ordination en me faisant d’abord découvrir son monde, dans le berceau même de son existence.

    Je n’ai rien dit, je l’ai laissé faire parce qu’au fond, j’ai toujours aimé voir la passion de Logan se laisser aller. J’adorais lorsqu’il me parlait football et que je n’y comprenais rien. J’adorais l’entendre m’expliquer le souci du détail dans les jeux vidéo pour justifier son « addiction » lorsqu’il était plus jeune. J’adorais lorsqu’on débâtait des livres que je lui faisais lire, et qu’il y mettait tout son cœur pour me faire croire qu’il ne succombait pas à la plume de ses grands Hommes.

    Nous avons passé la journée entière dans l’État du Vatican, le Saint-Siège de l’Église Catholique. Il m’a montré en riant, comme quoi les séminaristes et prêtres avaient des laissez-passer pour couper les fils et pénétrer plus vite dans les lieux. Ainsi, nous n’avons pas fait la queue pour entrer dans le musée. Pour ça, Logan a simplement dû enfiler un col romain qui au premier regard m’a surprise. C’est la première chose qui fait comprendre aux gens que l’homme en face de vous est marié avec l’Église.

    L’amoureuse d’art que je suis n’a pu que succomber aux douze musées du Vatican. C’est sans doute l’une des plus grandes collections qui puissent exister aux mondes. Elle traverse les âges et les siècles grâce aux nombreuses acquisitions faites par les Papes de toute l’histoire catholiques. Il y a 25 musées et collections dans les bâtiments du Vatican. Autant dire qu’on ne peut pas tout faire en une seule journée. Mais j’avais à mes côtés un expert qui a su me dresser une liste de priorité à voir.

    Nous avons commencé par le Musée Chiaramonti, qui rassemble de nombreuses statues impériales dans une longue galerie. Le sol était recouvert de nombreuses mosaïques qui semblent être d’un autre temps. Mais le plus beau dans cette partie-là la Galerie le Braccio Nuovo, une galerie qui contient les nombreuses statues que Napoléon avait confisquées.

    Logan avait l’air dans son monde, à croire qu’il passe son temps ici lorsqu’il n’est pas occupé par ses cours ou ses autres engagements.

    On a poursuivi avec le Musée Sacré, la collection des costumes, armes, et berlines papale, c’était assez amusant, suivis par l’Appartement Borgia où j’ai pu me remémorer la vie dissolue du Pape Alexandre VI, femme, enfants, lui ne respectait pas vraiment les ordres de sa fonction. Logan m’ensuite emmené voir le Musée égyptien, la Salle des Dames et de l’Immaculée Conception, puis nous avons pu admirer la chapelle Sixtine longuement.

    J’en ai pris plein les yeux dans ce monument petit, mais incroyablement célèbre. C’est une œuvre d’art vivante, qui possède un souci du détail magnifique. Tout est pensé pour rendre la visite de l’étranger inoubliable. Du sol en mosaïque entretenue avec soin, aux fresques rideaux peints sur le mur. Les murs du premier étage sont recouverts de sublimes tableaux représentant des actions connues. Mais ce qui a fait battre mon cœur de passionnée plus que tout, c’est le plafond peint par Michel-Ange. J’ai longuement contemplé les deux mains célèbres, celle de l’Homme voulant atteindre le doigt de Dieu.

    En une image, le peintre a réussi à mettre en image ce qu’était la croyance. Croire sans arriver à toucher ce qui nous amènerait à avoir la preuve que notre croyance existe réellement.

    En fin d’après-midi, lorsque nos deux ventres ont sérieusement commencé à grogner, Logan m’a emmené hors des murs de l’enceinte. Nous avons rapidement fait le tour de ce micro pays. C’est assez étrange de savoir qu’on n’est plus vraiment à Rome en franchissant une simple porte. Puis nous avons atterri en fin d’après-midi dans un petit restaurant que Logan connaissait bien pour manger de vraies pâtes italiennes.

    J’ai ri en le voyant parler italien avec son accent anglais, le serveur s’amusait à lui faire répéter en faisant mine de ne pas le comprendre.

    Depuis nous voilà, face à face, la nuit tombante sur Rome dans un restaurant aux allures romantiques. Autour de nous, peu de monde, seulement quelques amoureux et la clientèle sans doute habituelle.

     

    — Tu parles la langue de De Vinci, comme ça, je déclare, amusée au bout d’un moment.

     

    Logan se met à sourire, je le regarde, il a déboutonné les premiers boutons de sa chemise noire et retirée depuis longtemps son col. Aux yeux de tous, nous sommes comme tout le monde, deux jeunes qui dinent et rit ensemble. Peut-être de jeunes mariés, peut-être des amants. Nous pouvons être tout sauf ce que nous sommes réellement.

     

    — J’ai appris trois langues durant mon séjour ici, le français, l’italien et un peu d’allemand.

     

    — Tu es devenu un trilingue, c’est pratique.

     

    — Bonjour Miss, je suis un anglais qui parle français, chante en italien, et marmonne, l’allemand me lance Logan dans un français étrange avec un accent immonde.

     

    Je ris, et lui aussi. Il me lance un regard en coin, avant de dévier sur son assiette vide, je sens le malaise nous gagner, et l’inévitable arriver. Ça y est, nous allons enfin parler de nous, de nos deux vies que quatre années ont séparées, des changements opérés, des projets, et de notre avenir. Il y a tant de choses à dire, et si peu de moyens de le faire en douceur, mais Logan, en prenant son courage à deux mains, commence à se lancer dans le récit de sa vie romaine, ici, loin de Londres et de notre passé avec un calme surprenant et une nostalgie dans la voix. Petit à petit, sa main dérive vers la mienne qu’il serre entre ses doigts, je ne sursaute pas, je ne le repousse pas, au contraire, je le laisse faire en étant soulagé de ne pas le voir toucher ma bague de fiançailles, comme si son esprit ne la calculait pas avant que moi je ne parle de tout ça.

     

    — Je suis au séminaire français de Rome, avec des Français. Je suis le seul anglais, mais étant donné que j’ai eu de très bons contacts et une volonté d’être ici, on m’a accepté. J’ai dû apprendre la langue de Molière en deux mois.

     

    — Et ta vie ici ? Tu fais la même chose qu’à Londres ? je demande, vraiment intriguée.

     

    Logan réfléchit un instant avant de se concentrer pour m’énumérer toutes les choses qu’il peut faire ici, à Rome.

     

    — Je fais un peu la même chose, mais avec plus de moyens. À Rome, la religion est tellement présente. On nous donne les moyens de faire changer les choses. Depuis deux ans on a mis en place un projet pour les SDF de la ville et pour les familles en difficultés. L’aide sociale s’est améliorée, ainsi que la banque alimentaire. On a fait des opérations avec certains médecins de la ville pour aller aider les chrétiens d’orient et ceux au Brésil. J’ai mes cours, en français, c’est différent des autres séminaires parce qu’en étant presque au cœur même du Saint-Siège, les choses théoriques chiantes et un peu agaçantes deviennent différentes. Je suis devenu Diacre il y a deux ans, sans inviter personne. À vrai dire, je ne voulais pas de ma mère ici, m’avoue Logan.

     

    Il passe une main nerveuse dans ses cheveux. Un brin mal à l’aise, avant de poursuivre.

     

    — Bref ça me plait, même si je n’ai pas eu l’occasion de repartir au Brésil avec le Père McDougal ou même en Orient, j’ai voyagé avec le Séminaire à Jérusalem, et c’était génial.

     

    Logan se tait un instant, puis il me demande avec une lueur de curiosité et d’interrogation :

     

    — Et toi ?

     

    Je souris à mon tour en serrant sa main. Puis je me mets à lui raconter ce que je suis devenue.

     

    — Je suis prof d’histoire à la fac où travaille Tyler depuis un an environ. J’aime bien, je préfère le lycée, et je pense y retourner en fin d’année. Je me suis mise aux cours de dessins depuis trois ans, et je vais me marier sans doute cet hiver.

     

    Logan se fige. Pourtant je doute que ma bague ne lui est pas sautée aux yeux, elle est… imposante.

     

    — Félicitation, murmure-t-il doucement.

     

    Je serre sa main alors que le malaise commence à prendre place. Je ne le veux pas la soirée promet d’être agréable, je ne veux pas de tension.

     

    — Mais je n’ai pas envie de parler de ça, je le presse.

     

    — Tu pourrais.

     

    Je souris tristement lorsque le serveur arrive avec nos deux immenses assiettes. Je lâche la main de Logan qui remercie ce dernier. Nous ne prêtons pas attention à ce qu’il y a sous nos yeux malgré la faim. Chacun de nous attend ma réponse, et elle arrive sans hésitation :

     

    — Ce n’est pas le moment.

     

    Ainsi, nous passons les heures suivantes à parler tour à tour de nous, de nos vies, de ce que nous avons fait. Je lui raconte des péripéties de cours, ma vie d’Américaine lorsqu’on est née Londonienne. La bouffe de Baltimore, les musées, et tout ce que j’ai pu apprendre. Je lui parle même de Tyler, et de ce que nous avons prévu de faire. Mais je ne lui parle pas de nouveau du mariage. Je n’en ai pas envie. Logan écoute attentivement en souriant légèrement, mais au fond, il sait que c’est aussi douloureux pour lui que pour moi, lorsque nous parlons de notre moitié qui nous a séparés.

     

     

    ***

     

     

    — Merci pour la journée, je déclare la voix stressée.

     

    Nous arrivons devant la porte de ma chambre à l’hôtel, Logan me raccompagne avant de rejoindre sa chambre au séminaire.

    Notre retour ici a été rempli de tension. Mon meilleur ami a passé un bras autour de mes épaules et ne l’a pas quitté jusqu’à notre arrivée.

    Il est tard, nous avons beaucoup parlé dans ce restaurant, nos pâtes étaient froides lorsque nous avons commencé à manger, le tiramisu, un étrange dessert délicieux était le dernier plat servit par Andriano notre serveur.

    Logan me lance un clin d’œil face à ma déclaration. Je me laisse aller contre la porte en le dévisageant.

     

    — C’était un plaisir de vivre ça avec toi.

     

    Je le regarde, debout face à moi, dansant sur un pied puis sur l’autre comme s’il ne savait pas quoi faire. Demain, nous ne passerons pas la journée ensemble, c’est ce qu’il m’a annoncé. Il va chercher sa famille à l’aéroport et ensuite préparer son ordination avec son supérieur et ses autres collègues pour après-demain. Nous en avons très peu parler, mais je sais comment cela va se dérouler, Logan me l’a confié rapidement.

    Un instant, je me remémore ma discussion avec le Père McDougal. Je ne suis pas venue ici pour faire du tourisme même si c’était génial et Logan le sait. C’est peut-être la dernière fois que nous aurons une chance de faire changer les choses, de le faire changer d’avis ou même… de nous donner La chance que nous n’avons jamais eue.

     

    — Logan ? je lance d’une voix tendue.

     

    — Oui ?

     

    J’ouvre les yeux et je le découvre juste à un pas de moi. Ses mains se sont posées de part et d’autre de ma tête sur le bois de la porte. Dans l’air règne un sentiment étrange, une tension palpable qui fait battre de plus en plus l’organe dans ma poitrine. Mon souffle s’accélère tout comme celui de Logan.

     

    — Tu crois que c’est mal si je te dis que j’ai terriblement envie de toi.

     

    Je ferme les yeux alors que mon front touche le sien. Bon sang moi aussi. Depuis ce soir, depuis que nos yeux se sont enfouis l’un dans l’autre pendant que nous parlions de nous, je sens ce feu entre mes cuisses devenir de plus en plus présent, et ce désir mit sous silence depuis des années arriver au bord de l’explosion.

    Puis, comme si tout était de plus en plus soutenu, le regard plongé dans celui de l’autre, nous basculons.

    Notre conscience se déconnecte du bienpensant, et seul, l’envie prend le dessus. Ma main se pose sur la chemise noire de Logan, et sans réfléchir, je l’attire contre moi. Mon meilleur ami ne résiste pas et me suit.

    Nos deux bouches s’écrasent l’une contre l’autre dans un baiser violent et désespéré. Nos lèvres se cherchent et s’embrassent comme s’il n’y avait plus de lendemain. Je sens une vraie ardeur naitre, un besoin brûlant d’en obtenir plus. Nos langues entrent en combat l’une contre l’autre, j’en avais presque oublié l’effet que ça faisait d’avoir de simples frissons en faisant simplement ça. Mon corps réagit, le désir vient enflammer mon ventre, il y a bien longtemps que mon être n’avait pas vécu un instant aussi fort. À croire que les années qui ont passé n’ont fait que cacher l’irrésistible attraction entre nous.

    Pas une seule fois Logan ne fait un pas en arrière comme il l’aurait auparavant. Pas une seule fois il ne me presse d’arrêter. Il prend les devants.

    À tâtons, il trouve la poignée de la porte et l’ouvre. Son bras passe autour de ma taille, et il m’entraine à l’intérieur. La porte claque une fois dans la chambre, ni lui ni moi n’allumons la lumière, celles venant de l’extérieur suffisent à diffuser de la clarté dans la pénombre.

    Nos corps ne se quittent plus, tout comme nos lèvres et les battements de nos cœurs qui ne cessent de palpiter dans nos poitrines.

    Logan s’écarte le temps de m’enlever mon pull, mes doigts usent rapidement de leur agilité pour virer les boutons de sa chemise. Il ne dit rien, et je ne dis rien non plus par peur de nous faire rattraper par la réalité. Parfois, agir sans réfléchir a du bon, parfois on est obligé, et parfois on se dit qu’on affrontera les conséquences plus tard.

    C’est ce que je ferais.

    Cette nuit, je compte bien la passer entre les bras de Logan, ce sera sans doute notre seule et unique fois, ainsi, si proche que nos deux corps n’en feront plus qu’un.

    Le reste de nos fringues disparait vite, nous nous retrouvons presque nues, seulement en sous-vêtements. Logan me fait tomber sur le lit avant de peser sur mon corps. Sa peau est aussi brûlante que la mienne, nos souffles caressent l’autre. C’est un moment hors du temps.

    Nos bouches continuent de jouer entre elles, elles se dévorent avec envie et impatience. Je crois que le vase a explosé, il a débordé de tous les côtés pour laisser filer l’eau torrentielle d’un désir trop longtemps contenu.

    Contre mon ventre, je sens l’érection de Logan, cette sensation m’enflamme un peu plus. L’excitation devient presque douloureuse entre mes cuisses lorsque ses mains commencent à aller et venir sur ma peau. Lentement il quitte mes lèvres pour poursuivre son chemin plus bas. Sa bouche parcourt à l’aide de sa langue un chemin sinueux le long de mon buste, laissant au passage morsure, baiser, suçon et coup de langue. Il fait sauter mon soutien-gorge et me fait gémir lorsque ses lèvres viennent titiller mes mamelons. Logan joue avec un instant, le temps de me faire monter la tension en moi. Entre mes jambes, la douleur du futur plaisir devient de plus en plus palpable.

    Je ne me pose pas de question, je n’essaie pas de me convaincre qu’il a sans doute fait l’amour à d’autres femmes durant ces sept années qui viennent de passer. Il est bien trop calme et maitre de lui pour un homme qui serait resté chaste, et d’un côté, ça me montre que ces hommes, même s’ils enfilent un col, n’en restent pas moins des êtres humains avec des envies et des pulsions.

    Et c’est ce que nous faisons sans doute, nous agissons sous l’influence d’une pulsion intense, incapable d’être contenue.

    Je frissonne lorsque je sens ses doigts agripper ma culotte qu’il retire en un geste habile. La fraicheur de la chambre s’abat sur moi, mais très vite, elle se fait chasser par le souffle chaud de Logan.

    Il lève son regard vers le mien, le rouge me monte aux joues lorsque je vois cette lueur brute dans ses pupilles. Il en a envie, terriblement envie et moi aussi.

    Ce sera peut-être la seule fois.

    Silencieusement, je lui donne mon accord, il pourrait faire n’importe quoi que je ne le repousserais pas. Je veux être faible une nuit, une seule, je peux même si je le regretterai tôt ou tard. Je regretterai davantage de l’avoir laissé filer entre mes doigts.

    Mes pensées sont coupées court lorsque mon meilleur ami s’exécute. L’air manque à mes poumons quand sa langue entreprend de lécher mon intimité. Ce contact de velours enraille ma voix, c’est divin et surprenant, intime et captivant. Logan n’a rien perdu si jamais il n’a plus approché une femme depuis son annonce, bien que j’en doute. Ses caresses sont appuyées et ciblées. Ma main termine dans ses cheveux, je tire dedans lorsqu’il commence à titiller mon clitoris sensible par l’excitation, des gémissements résonnent dans la pièce, suivis par ma respiration qui devient courte. L’excitation possède chacun de mes pores, je ressens chaque caresse fois cent, comme si le nirvana était proche. J’ignore pourquoi, j’ignore pourquoi j’ai la sensation que tout est différent. Est-ce que l’intensité de l’affection et de l’amour qu’on porte à une autre personne qui rend l’acte sexuel plus bouleversant ? Encore une fois, je manque de mots et d’envie de réponse. Je veux simplement savourer la langue experte de mon meilleur ami sur moi.

    Mon ventre se crispe lorsque Logan augmente sa cadence, sa bouche et sa langue mordillent, sucent et embrassent mon intimité avec entrain. Je suis au bord du gouffre, prête à succomber à ça. Mes jambes se serrent autour de sa taille comme pour le retenir, je tire sur sa tête pour plus. Logan aspire mon clitoris, je sens déjà l’orgasme pointé le bout de son nez et… il s’arrête à ma plus grande déception.

    J’ouvre les yeux, mon regard fusille Logan qui s’est remis sur ses deux pieds. Un instant, je me demande ce qu’il va faire, mais très vite, je comprends qu’il ne s’en ira pas.

    Mon regard reste rivé sur ses pouces qui font glisser son caleçon. Son érection apparait devant mes yeux, l’excitation devient plus forte devant la preuve de la sienne, et une réalité me frappe de plein fouet.

     

    — Je prends la pilule, je lance de but en blanc, rompant le silence.

     

    Logan se fige un instant, il me dévisage l’air sérieux avant de sourire en acquiesçant. Je veux qu’il sache qu’il n’y aura aucune répercussion sur nos prochains actes. Pas de punition, ni même de conséquences. Il n’y aura que lui et moi.

    Mon meilleur ami revient, j’écarte les cuisses pour l’accueillir dans mes bras, et il vient s’y réfugier. Je l’entoure de mes jambes, et le maintiens là, contre ma poitrine où ça ne fait que palpiter.

     

    — Alors ce sera juste entre toi et moi, souffle-t-il contre ma bouche.

     

    Je hoche la tête en souriant, mon cœur bat de plus en plus vite, tout comme le feu qui se prépare à notre rencontre.

     

    — Il y a bien des années que nous aurions dû faire ça, renchérit-il.

     

    Logan s’installe entre mes cuisses. Son sexe bandé vient se frotter contre mon intimité.

     

    — J’aurais dû être ton premier Brey, m’avoue mon meilleur ami, la voix sombre.

     

    — Oui, tu aurais dû, je renchéris en glissant ma main dans ses cheveux en désordre.

     

    Logan plonge ses yeux dans les miens alors qu’il saisit ma main libre pour entremêlés nos doigts. Je bascule une jambe sur sa taille, et lentement, je sens son sexe s’enfoncer en moi. Mon ventre se crispe de plaisir sous cette sensation d’envahissement. Ma respiration se fige, Logan me pénètre jusqu’à la garde, et un instant nous restons figés, l’un dans l’autre.

    Nos mains entremêlées se serrent davantage, nos corps tremblent sous les sensations, c’est… intense. La communion qui se crée entre nous me bouleverse.

    Mon sexe palpite autour du sien, à la recherche de plus de friction. Je veux me perdre en lui, autour de lui, sous lui.

    Et c’est ce que Logan entreprend, sa bouche retrouve la mienne, et langoureusement ses hanches commencent à se mouvoir en moi. Son érection va et vient entre mes cuisses, il me pénètre avec cette passion brûlante qui nous anime. Je me laisse aller dans ses bras, l’intimité est fracassante et l’émotion forte. Je m’accroche à Logan alors que nos deux êtres se découvrent et s’aiment. Le frottement de son érection en moi m’enflamme un peu plus au fur et à mesure des minutes, au fur et à mesure de ses mouvements qui prennent un rythme plus ferme et plus passionné. Je me laisse envahir par le plaisir et cette sensation démente de possession. Il me possède entièrement à cet instant, je lui donne tout.

    Nos lèvres continuent de se dévorer, je vole son souffle tout comme il vole mon cœur une nouvelle fois. Je sens son corps se crisper, le mien aussi alors que nous atteignons un point de non-retour. Logan saisit ma jambe et la remonte un peu plus pour changer l’angle de ses pénétrations, son aine se frotte contre mon pelvis et mon clitoris malmené par tant de sensation. Et dans une dernière rencontre, Logan touche en moi une zone sensible qui me fait exploser.

    J’explose, comme mon cœur lorsqu’il l’a rencontré. J’explose comme lorsque nous nous sommes rapprochés une première fois. J’explose comme mon cœur lorsqu’il a compris qu’il l’aimait. J’explose comme mon cœur lorsque Logan l’a blessé. J’explose comme une femme qui vient de faire l’amour avec passion et envie.

    Et je laisse échapper un cri. Celui d’un cœur meurtri qui a touché le ciel lors d’une nuit.

     

     

    ***

     

     

    C’est le calme dans la chambre qui me frappe en premier. Je n’entends que nos deux respirations qui tentent de reprendre un rythme normal. Nos jambes sont entremêlées avec les draps, ma tête est appuyée contre le torse de Logan, sa main joue avec mes cheveux, et nos deux corps sont encore tremblants de ce qu’il vient de se produire.

    J’ignore l’heure qu’il est, mais de la fenêtre de ma chambre, je vois que la nuit est déjà bien avancée.

     

    — Je t’entends réfléchir, murmure Logan d’une douce voix.

     

    Un sourire léger se dessine sur mon visage. Il est vrai que je pense. Surtout en réalisant ce que nous venons de faire.

    Pour la première fois, nous avons fait l’amour ensemble et c’était étrange de vivre ça. De sentir la passion et cette brûlure nous tordre de l’intérieur. C’est ce que ça fait, toucher le paradis en s’aimant physiquement quand on s’aime déjà si intensément. J’avais toujours songé à ce que serait l’étreinte de nos deux corps, l’un dans l’autre, mais jamais je n’aurais pensé que cela puisse être aussi intense.

     

    — Et si tu quittais l’Église maintenant ? Qu’est-ce qu’il se passerait ? je lance d’une voix presque inaudible.

     

    Je ferme les yeux en attendant le choc. Ma question nous ramène obligatoirement dans une réalité que nous ne sommes, sans doute pas prête de voir arriver.

     

    — Je m’enfuirais loin d’ici avec toi, me répond Logan sans même s’énerver ou hésiter.

     

    — Et ensuite ?

     

    Je me mords la lèvre devant une telle curiosité incontrôlée. Je m’attends à ce que Logan s’écarte pour fuir la conversation, mais il ne fait rien de tout ça.

     

    — Nous irons quelque part, peut-être en France, peut-être en Irlande, peut-être à l’autre bout du monde, pourquoi pas l’Australie ? Histoire de nous faire oublier un peu, d’apaiser la colère de nos parents, de ma mère surtout, et de tous ceux qui m’ont donné ma chance dans l’Église.

     

    — Et ensuite ?

     

    Je le sens sourire. Logan s’installe plus confortablement, son bras se resserre autour de moi, et comme lorsqu’il me racontait ses aventures dans ses copains ou chez les scouts, il le fait avec talent :

     

    — Ensuite après avoir fait l’amour durant des semaines dans un endroit qu’on tiendra secret, on essayera de reprendre une vie normale ensemble. Tu trouveras un job de professeur dans un lycée, voire même dans une université, j’essayerai de trouver une nouvelle voie, un boulot. Puis les mois passeront, nous profiterons l’un de l’autre en rattrapant le temps perdu.

     

    — Et ?

     

    — Et un jour, plus vite que tu ne l’aurais cru, je te demanderais de m’épouser, tu diras oui, et on se mariera sans nos parents et nos familles, histoire de les énerver encore plus.

     

    Je ris en songeant à la tête qu’ils feraient en apprenant la nouvelle. Je n’ai plus besoin de demander à Logan de poursuivre, il le fait de lui-même.

     

    — On partira en voyage de noces sur une île où il fait chaud, avec aucun téléphone, aucune connexion internet. On fera l’amour sur la plage en mangeant des produits locaux, on fera ça durant des jours et des jours. Puis, nous rentrerons un Noël à Londres pour l’annoncer. On dira par la même occasion que tu es enceinte et que nous allons avoir un enfant. Je vois déjà la tête de nos deux mères, outrées par un tel comportement, et nous en rirons.

     

    Je ris déjà en sentant une pointe dans ma poitrine naitre.

     

    — Tu me détesteras durant ces longues heures où notre enfant ne voudra pas naitre, tu me menaceras d’un tas de choses, et je ne dirais rien. Je te laisserais m’accabler pour soulager ta douleur en te soutenant du mieux que je peux. On l’appellera Gavin ou William, peut-être Maggie pour une fille. On fera ça deux fois encore, pour deux autres enfants après le premier. Je pense que nous aurons le deuxième un soir de Nouvel An. Le troisième, un petit accident de parcours amusant qui nous vaudra un beau parcours.

     

    La voix de Logan s’enraille légèrement, tout comme moi, il doit sentir l’atmosphère rêveuse et nostalgique de la chambre, où se dresse devant nos yeux, une vie des plus rock’n’roll.

     

    — On emménagera à la campagne poursuit Logan, que ce soit en France, en Angleterre ou même aux États-Unis. Dans une grande maison avec un jardin et un arbre où on pourra mettre une balançoire avec un pneu. On aura deux chiens énormes qui prendront toute la place sur le canapé. On passera nos étés dehors, et nos après-midis devant la cheminée à mater des DVD de princesses en mangeant du popcorn. On se disputera souvent pour des trucs débiles comme les notes des enfants, la couleur de la salle de bains, notre lieu de vacances ou chez qui Noel sera fait cette année.

     

    Une larme s’échappe de mes yeux lorsque je l’entends parler d’une vie que nous pourrions avoir. Et je sais que son imagination folle ne serait pas très loin de cette réalité. Je nous vois très bien nous engueuler pour un pot de confiture vide et rire d’une panne d’électricité ou d’une fuite d’eau.

     

    — On fera l’amour tard le soir quand les enfants ne nous auront pas trop crevés. On se rappellera ce que c’est d’être seulement des amants. On s’aimera comme on s’est toujours aimé. Même quand les années auront passé, même après les disputes, après la perte de l’un de nos chiens. On s’aimera même quand les enfants seront chiants et indisciplinés, que j’ai peint la salle de bains en bleu et pas en bleu clair. On s’aimera Brey, avec cette force qui nous a tant fait souffrir et on sera heureux. Ici, en France, en Angleterre ou où tu voudras. On regardera nos enfants grandir côte à côte, on vieillira ensemble. Tu chercheras toujours tes lunettes et moi mon dentier, on s’amusera encore allonger dans les parcs mêmes à quatre-vingts ans entourés de nos petits-enfants à essayer de deviner à quoi ressemble les nuages.

     

    Mon cœur se serre devant tant de réalité qui nous ressemble. J’ai toujours songé à une vie avec Logan comme ça. Simple tout en étant incroyablement drôle et intime.

     

    — On s’aimera même quand la maladie et la vieillisse nous changerons, on se soutiendra jusqu’au bout en faisant le bilan d’une vie à deux magnifiques où nous n’avons pas fait les mauvais choix.

     

    Logan se tait un instant, je le sens se raidir, et un souffle douloureux s’échappe de ses lèvres. Je l’entends respirer avec difficulté, comme si ce qu’il s’apprêtait à dire était compliqué.

    Mon meilleur ami embrasse mon crâne avant de murmurer :

     

    — Oui, on s’aimera comme on aurait dû le faire avant nos diplômes, avant que je ne parte au Brésil. Nous aurions dû avoir le courage de se l’avouer, une après-midi alors que tu lisais Dante et que je me moquais de toi. J’aurais dû te dire que je t’aimais dans ce terminal à l’Aéroport avant mon départ. Peut-être que j’aurais boudé le bon Dieu en lui disant que c’était trop tard, que notre rencontre il pouvait se la mettre au cul, parce que j’avais à mes côtés une brillante et raide dingue femme dont j’étais fou amoureux.

     

    Je ne résiste aux autres larmes silencieuses qui dévalent mes joues, elles sont comme une sorte d’acceptation dont je ne comprends pas encore la signification. Mais ça fait un bien fou, de pleurer pour quelque chose de beau, et non pas par malheur.

     

    — Mais ça ne s’est pas passé comme ça, reprend Logan, et peut-être que le reste n’arrivera pas non plus. Peut-être que je pourrais choisir la simplicité, je pourrais faire comme beaucoup d’entre nous font. Je pourrais te demander d’être avec moi, d’être mon ombre, de vivre à mes côtés dans l’obscurité et d’y rester lorsque nous serions à la lumière du jour.

     

    Il se tait un instant, je sens les battements de son cœur sous ma paume devenir de plus en plus erratiques. Logan laisse échapper un profond soupir.

     

    — Mais tu mérites mieux que ça. Tu mérites un mari, tu mérites une vie extraordinaire. Tu ne mérites pas d’être dans l’ombre d’un homme, de construire ta vie sur un mensonge, reprend mon meilleur, c’est ce que je ne cessais de me dire durant toutes ces années. Tu méritais mieux. Mais qui suis-je pour te dire ce que tu dois avoir ou méritais ? Il n’y a que toi qui peux décider de ta vie.

     

    — Je me suis battue contre un amour que je ne pouvais pas égaler. Je voulais comprendre pourquoi à vingt ans, on veut se lancer dans une existence qui ne ressemble à rien de ce qu’on a toujours souhaité, j’avoue.

     

    Je le regarde à mon tour, mon visage à quelques centimètres du sien. J’admire ses traits masculins et plutôt fins. Ses joues où pousse une fine barbe mal rasée, ses yeux clairs bordés de cils qui rendent chacun de ses regards amusants et intenses. Ses cheveux bruns sont toujours aussi rebelles et indisciplinés.

     

    — Il n’y a rien à comprendre en réalité, je finis par avouer. C’est un choix personnel que tu as fait. Avec tes croyances.

     

    — Mes choix t’ont fait oublier les tiennes.

     

    Je laisse échapper un rire amusé.

     

    — Je crois toujours d’une certaine façon, mais il est vrai que notre histoire m’a fait perdre la foi, il est difficile d’apprécier quelque chose, comme cette « chose » vous a fait perdre ce que vous désiriez tant.

     

    — Je sais, je l’ai compris.

     

    Plusieurs questions me brûlent les lèvres alors que nous sommes l’un contre l’autre, avec cette flamme qui brûle toujours, avec cette envie qui nous anime. Cette nuit nous ne dormirons que très peu. Logan le sait et moi aussi. Quitte à se brûler les ailes, autant ne pas le faire qu’une fois. Quitte à devoir avoir des questions douloureuses à poser à l’aube, autant en profiter tant qu’elles ne sont pas encore là.

     

    — Demain est un autre jour, Brey, demain apportera son lot de questions.

     

    Logan baisse son regard pour capturer le mien, un instant, je me fige en le voyant. Mon cœur s’emballe, et un sentiment étouffant me gagne.

    Est-ce qu’il savait à ce moment-là que tout était joué ? Est-ce que la lueur dans son regard indiquait l’acceptation d’une vie ou d’un simple amour dont il avait perdu la bataille ?

     

    — Pour le moment, n’en parlons pas. Laissons la réalité à l’extérieur de tout ceci, bien loin de toi et de moi.

     

    — Juste une nuit ? je murmure contre ses lèvres.

     

    Mon meilleur ami ne répond rien, sans doute que quelques soit la réponse, elle n’aurait aucun sens à être dite maintenant.

    Je me laisse aller dans ses bras lorsque Logan me fait basculer sur le dos, je fais taire les voix dans ma tête pour ne laisser que mon être s’aventurer dans ces abymes.

    Mais je sais qu’au fond, demain arrivera plus vite que prévu, avec la dure réalité qu’une telle nuit peut engendrer.

    Demain il faudra faire un choix, ce sera entre lui et moi. Entre Tyler et Logan, entre l’amour de toujours, et l’amour raisonnable, entre un cœur hurlant et un cœur sage.

     

    AMHELIIE