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Vampires et Rock Stars & Co - Page 7

  • Fucking Love #1 - For Play - Chapitre 7

    Chapitre 7

    Dereck

     

     

    NOVEMBRE 2016

     

    Trois mois plus tard…

     

     

    Il pleut rarement à Los Angeles et le seul jour où le ciel a décidé de faire la gueule, on va se faire un footing sur les hauteurs des collines, loin de la ville, loin du monde.

    Jax m’a envoyé un SMS très tôt ce matin pour que je le rejoigne courir. Il m’a dit que le meilleur endroit pour le jooging sans croiser des enfoirés prétentieux c’était le Mont Lee.

    En plus Jax a eu vent de l’absence de mes visites touristiques de la région et semble se charger avec sa fille de me montrer les endroits les plus célèbres de Los Angeles et d’Hollywood.

    Le Griffith Observatory a été sa première proposition. Jax adore y aller et en apprenant que j’étais un féru d’astronomie et d’étoiles, il a exigé ma présence. On a emmené Sage un samedi après-midi, il y avait beaucoup de monde, mais étrangement, le Planétarium était assez déserté. J’en ai profité pour faire découvrir à la fille de Jax toutes les choses que j’avais apprises au cours des années. Sage est géniale pour une gosse, elle est drôle, remplie de petites mimiques, son caractère est coriace, parfois elle me fait penser à son père lorsqu’elle est dans son entêtement.

    Dix jours plus tard, on est allé faire les studios d’Hollywood avec Mason et Mack, avant de faire de long en large le « Walk of Fame » sur Hollywood Boulevard pour trouver les étoiles de Bob Marley, Michael Jackson, Mickey Mouse, Muhammad Ali et même le chat qui tire la gueule Grumpy Cat.

    On a enchainé quelques semaines plus tard sur les empreintes au Chinese Theatre. On a trouvé celles de Will Smith, de l’équipe d’Happy Potter, de Sylvester Stallone, Johnny Depp, Marylin Monroe et même Harrison Ford. Sage n’arrêtait pas de mettre ses mains et ses petits pieds dans les marques en disant qu’elles étaient trop grosses.

    La semaine dernière, Jax et Archer m’ont trainé au Warner Bros, comme de vrais touristes on a embarqué pour un tour organisé des studios. On a pu découvrir les coulisses de certains de nos films préférés. C’était très sympa, un peu attrape couillon comme visite, ne montrant que le beau et pas le reste. Mais on s’est marré.

    On fait des tas de trucs tous ensemble, que ce soit avec certains gars du studio, de l’équipe, ou seulement Jax et moi.

    J’ai compris que Jax tenait vraiment à que tout se passe bien entre nous. Il m’a confié qu’il avait l’impression que les départs répétés de ses anciens partenaires allaient lasser Scarlett et qu’un jour, ce serait peut-être à lui qu’on demanderait de partir.

    On a tenté une soirée entre mecs au cinéma en allant voir l’avant-première d’un film d’horreur. Ça n’a pas eu son grand succès, Demon n’est pas venu, Archer est sorti au bout de vingt minutes, Lake un quart d’heure après lui. Zane s’est endormi, Mason était assez blanc à la fin du film et Brooks riait des conneries de montages. Jax et moi avons été les seuls à commenter le film de façon intelligente sur l’intrigue et le reste.

    J’ai découvert un autre monde du porno que celui que je connaissais. Avant, je n’avais que des collègues, des gars avec qui je baisais et que je recroisais de temps à autre, la plupart, étant des concurrents. Il n’y avait as de réelles relations d’amitié, il n’y avait que la concurrence, rester le meilleur pour ne pas être dans l’ombre des petits nouveaux. C’est dans ce genre de situation qu’on sombre facilement.

    Et je sais de quoi je parle.

    La pluie se fait de plus en plus forte alors que nous continuons de courir sur la route déserte. Quand des torrents d’eau nous trempent, on décide de rebrousser chemin.

    Sur le retour, Jax est très concentré et j’ai découvert un certain talent pour agacer le père de famille. Je pense que Jaxson devrait se détendre parfois. J’ai compris que sa vie était loin d’être simple. À vingt-cinq ans, il a des responsabilités que je n’ai pas encore à trente et sans doute, que je n’aurais jamais.

    Sa fille est le centre de son univers, plus je passe de temps avec eux, plus je constate qu’il fait tout pour elle, en se sacrifiant lui. Pas une seule fois, Jax m’a parlé d’une femme, et lorsque je lui ai posé la question l’autre jour, il m’a simplement répondu qu’il n’avait pas le temps pour ça. « Quel genre de femme voudrait d’un mec qui baise d’autres gars et qui a une fille à vingt-cinq ans ? Aucune et pour le moment, je n’ai pas envie de ça. ». Je le comprends aussi. Quand on sait ce que son ex lui a fait…

    Est-ce qu’on guérit d’une telle blessure ? Ça doit prendre énormément de temps et sans doute, ça ne se referme jamais vraiment.

    Jax se fixe énormément de règles aussi. Que ce soit dans sa vie de père ou d’homme.

    Pas d’histoire sans lendemain.

    Pas de coups de folie.

    Pas d’inconscience.

    Presque pas d’alcool.

    Pas de drogue.

    Pas de vagues ni de scandales.

    Pas de surexposition.

    Pas de mélange entre vie pro et perso.

    Quand je lui ai demandé si de temps en temps, il se permettait de relâcher la pression autre qu’au boulot, j’ai eu droit à des révélations surprenantes. C’est là que j’ai appris qu’il avait déjà eu une relation un peu… sexfriend avec Mackenna, mais que les choses étaient devenues trop compliquées. Parfois, mieux vaut rester de simples amis, et ces deux-là, le sont vraiment. Mackenna a la place féminine la plus importante dans la vie de Sage. C’est sa marraine. Jax compte sur elle pour des tas de petites choses et on sent bien que ça gêne le jeune père de famille de ne pas pouvoir tout faire tout seul.

    Mis à part elle, Jax n’a pas répondu. Me prouvant que l’acteur se mettait réellement de côté en tant qu’homme.

    Quant à moi, je n’arrive toujours pas à parler de Miami à mes nouveaux collègues. Même à Jax qui est devenu un ami. Quand le sujet arrive, je bloque. Un sentiment oppressant me gagne et des brides de souvenirs de ce qu’il s’est produit là-bas me font perdre contenance. Il n’y a qu’avec mon frère Vinz que j’en parle lorsque ça devient trop compliqué. L’autre nuit, je me suis réveillé en sueur, l’esprit torturé par Miami. Certains gestes au boulot me font me raidir. Je me rends compte que tout est loin d’être totalement terminé. Il me reste malgré tout pas mal de bagages sur les épaules. Et j’espère qu’avec le temps, je finirais par tirer un trait définitivement sur ces années de ma vie.

    Je l’espère vraiment.

    Comme deux gamins, on se bouscule l’un l’autre en courant, je déconcentre mon partenaire qui essaie d’éviter mes gestes. Je manque de trébucher. Jax s’arrête de courir en riant.

     

    — Dereck, tu vas finir dans la boue si tu continues !

     

    — Tu me demandes un combat au corps à corps Howard ? je le nargue en m’appuyant sur mes genoux pour reprendre mon souffle.

     

    L’endurance, je l’ai davantage à l’horizontale qu’à la verticale.

     

    — Tu perdrais ! renchérit Jax avec assurance.

     

    La pluie ne s’arrête pas, le tonnerre gronde. Il est neuf heures du matin, on penserait que la nuit va bientôt tomber.

    Nos regards se croisent, un sourire se dessine sur chacun de nos visages et je comprends qu’on va se lancer un défi. Je romps ce silence soutenu le premier.

     

    — Le dernier arrivé à ta caisse paye un café à l’autre.

     

    Je commence à courir avant même de terminer ma phrase et Jax fait de même. On courre, j’essaie de tenir le rythme et dès que nous voyons le 4X4 de Jax, ce dernier se tape un sprint hallucinant en se foutant de ma gueule.

    J’en reviens pas.

     

    — Gagné ! déclare l’acteur en touchant son capot.

     

    J’arrive quelques instants après lui, trempé, le corps en feu et le souffle en vrac. Ce salop m’avait caché ça.

    Je tente de reprendre une respiration normale malgré l’effort.

     

    — Dereck Cole, tu me dois un café !

     

    — Et toi, tu me dois un poumon ! je lance, essoufflé.

     

    Un rire nous gagne et quelque chose se produit l’instant d’après. Isolés, au milieu de rien, nos regards se trouvent de nouveau. Jax cesse de sourire et moi aussi. La tension nait de nulle part, mon rythme cardiaque s’accélère, je vois mon partenariale retenir son souffle.

    Qu’est-ce qu’il se passe ?

    Jax me demande silencieusement la même chose et la seconde d’après, tout bascule.

    On se retrouve contre la portière, mon corps vient se coller contre celui de Jax. Ma main se fourre dans ses cheveux et nos bouches se posent l’une sur l’autre avec avidité.

    Qui a fait le premier pas ?

    Pas un instant il ne me repousse, pas un instant, nous n’hésitons.

    Sous la pluie torrentielle, nos fringues nous collent à la peau. Aucun de nous n’y prête attention, il n’y a que nos bouches qui se dévorent avec brutalité. Le contact de nos deux barbes naissantes qui se frottent l’une contre l’eau, enflammant nos peaux. Sa langue frôle la mienne, nos dents s’entrechoquent et les succions envoient des déchargent électriques dans tout mon corps.

    Qu’est-ce qu’il me prend de faire ça et diable pourquoi je n’arrive pas à m’arrêter ?!

    Ma main s’immisce entre nous, elle tâtonne à la recherche du lacet du short de Jax. Je sens son érection naissante contre ma cuisse. L’excitation se décuple, l’intimité qui se créer au bord de la route déserte ne manque pas de me filer une myriade d’idées pour éteindre ce feu. Je n’aurais qu’à l’attirer contre le capot de la voiture, le pencher dessus, baisser son bas et me mettre à genoux pour le faire grogner.

    Les hanches de l’acteur remuent contre moi, me ramenant à l’instant T.

    Les doigts de Jax retirent ma capuche pour s’agripper à mes cheveux trempés. Ma langue frôle la sienne avant de dessiner le contour de ses lèvres, Jax jure en me plaquant davantage contre lui. Il revient à l’assaut avec plus de virulence. Chaque caresse de sa bouche sur la mienne est pressante. Nos dents s’entrechoquent, nos gestes deviennent imprécis.

    J’arrive à glisser ma main dans son caleçon, son sexe tendu se durcit davantage lorsque je referme mes doigts autour. Un son étouffé sort de sa bouche. 

    Mon poignet commence à aller et venir de haut en bas. J’essaie de bouger au mieux malgré notre proximité et le mince espace dont je dispose. Ce besoin de contact est incompréhensible, mais terriblement excitant. Les hanches de Jax remuent d’elles-mêmes. L’acteur se défoule sur ma bouche, sa langue frôlant la mienne, et dès que mon pouce passe sur son gland, il défaille.

     

    – Dereck…

     

    Au son de la voix du brun, le choc me heurte de plein fouet. Je me fige, conscient que c’est notre réalité, qu’il ne s’agit pas d’une fougue qu’on peut s’autoriser parce qu’elle est devant les caméras. Ici, il n’y a ni tournage ni scénario. C’est vrai. Ma main est bien autour de la queue de mon partenaire. C’est sa bouche que je dévore et c’est lui qui m’excite comme un fou.

    Quel merdier !

    Mon front repose contre celui de Jax. Dans ma tête, c’est un bordel sans nom. Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas aller au bout, continuer sans nous arrêter. Je vais tout faire foirer.

    Je lâche tout en m’éloignant.

     

    – Merde ! je jure.

     

    Ma main a encore en mémoire la chaleur de son érection. Je la frotte contre mon short pour effacer cette impression qui me fait bander. Il faut que je me calme, mais difficile quand l’objet de son excitation est juste en face de vous.

    Et puisque j’aime me faire mal, je reste là, à observer chacune de ses réactions. Jax reste haletant contre la portière, il n’ose pas bouger. Mes yeux verts se baissent vers son entrejambe, je me maudis de le faire.

    Il bande toujours. Comme moi.

    La tension entre nous ne descend pas. L’excitation bouillonne, le martèlement dans ma poitrine fait échos dans mon esprit.

    Je le veux alors que je ne devrais pas.

     

    – Qu’est-ce qu’on vient de faire ? souligne Jax en rompant le silence.

     

    À ton avis ?

     

    – Est-ce qu’on pourrait oublier ? je demande en essayant de contrôler l’envie que j’ai de rompre les trois pas qui nous séparent pour faire taire ce questionnement.

     

    Mais est-ce que j’ai envie d’oublier ?

    Nos regards se croisent, et la première idée qui me vient à l’esprit est bien celle de recommencer. De sentir de nouveau le contact de sa bouche contre la mienne, de son corps trempé contre le mien et le frissonnement de sa peau sous mes doigts le touchant. Je serre les poings, en colère contre moi-même. Qu’est-ce qu’il m’a pris de l’embrasser lui, alors que je sais pertinemment les limites à ne pas franchir. Je n’aurais pas dû faire ça… mais Jax ne m’a pas repoussé. Pas un instant. Et je me demande qui a commencé le premier, lui ou moi ?

     

    — Oui, me répond mon partenaire en détournant le regard.

     

    Il sort ses clés de la poche de son short, ouvre la voiture et s’y engouffre comme pour me fuir. L’espace d’un instant, je me demande si Jax va m’attendre ou partir. Je reste une minute dehors à sentir l’eau glacer mes pulsions. Et lorsque je monte à mon tour dans le 4X4, Jax a démarré sans dire un mot. Sur le trajet nous menant au studio, nous n’en avons jamais mentionné ce qu’il s’est produit, pourtant j’ai senti un certain malaise. Un malaise qui n’est pas près de passer tant que nous ne savons pas ce qu’il s’est passé.

     

    ***

     

    — Stop ! nous coupe Scarlett.

     

    Je jure en me maudissant. Je cesse de toucher l’érection de Jax qui est tendu comme un arc contre le lavabo de la grande salle de bains. L’acteur détourne le regard, agacé de ne pas rentrer non plus dans l’action. On n’a jamais eu ça. D’habitude, il suffit d’entendre « allez-y » et nos cerveaux se déconnectent de la réalité.

    Plus depuis que le fictif est entré dans cette réalité.

    Aujourd’hui, tout comme hier et avant-hier, je ne suis bon à rien. Toutes les prises où je mène l’action ont dû se tourner en plusieurs fois. Je suis nerveux. Depuis notre interlude dans les bois, un certain malaise s’est créé entre nous. On se fuit un peu avec Jax. Nos regards ont du mal à rester l’un dans l’autre.

    À quoi tu penses ? J’aimerai lui dire. Est-ce qu’il t’arrive de penser au Mont Lee depuis qu’on a quitté la route boueuse ?

    C’est drôle, chez certains, le malaise se produit quand on a vu l’autre jouir, quand on a fait en sorte de le faire succomber et chez nous, c’est la manière dont nous avons cédé à une pulsion qui nous rend maladroits.

    De mon côté, j’y pense. J’y pense le soir, j’y ai pensé l’autre matin en essayant de calmer ma putain d’érection et là, tout de suite, en voyant la réaction de Jax face à ma main se serrant autour de sa queue, j’ai repensé au Mont Lee. À son cul contre la portière, à nos fringues trempées et à cette maudite attirance. Violente, incontrôlable et trop courte.

     

    — Dereck, reprend Scarlett, tu es en plein champ de la caméra, bien que ton cul soit superbe, c’est ce que tu fais avec la queue de Jax qui m’intéresse.

     

    — Désolé, je lance en m’asseyant sur le rebord de la baignoire.

     

    Même mon érection, je n’arrive pas à la tenir cet après-midi. Je suis trop irrité, agacé et je n’aime pas ce qu’il se passe. Ça va bientôt faire cinq mois qu’on bosse ensemble et c’est la première fois qu’ils nous arrivent ça.

    J’entends des chuchotements de la part de l’équipe, je sais que tout le monde se demande ce qu’il se passe, j’en serais le premier heureux de le savoir.

     

    — Est-ce qu’on peut nous laisser un instant ? demande mon partenaire.

     

    Je me tourne vers lui, surpris. Scarlett, Ciera et Leila nous jettent un coup d’œil tout aussi étonnées avant d’acquiescer en laissant tout sur place. Même pas une minute après, nous sommes seuls dans la salle de bain moderne aux tons bleu clair et blanc.

    Jax inspire un bon coup, il garde appuie contre le comptoir entourant le lavabo design.

    L’excitation et la tension sexuelles ne sont pas au rendez-vous non plus aujourd’hui.

    Son regard bleu trouve le mien, je note que son expression porte l’incompréhension.

     

    — Qu’est-ce qu’il se passe ? me demande-t-il avec calme.

     

    — Et toi ? Pourquoi tu es si distant ? je renchéris en me redressant.

     

    Jax détourne le regard à son tour. Et je comprends. Il partage le même malaise que moi vis-à-vis de Mont Lee. Est-ce qu’il regrette ? Est-ce qu’il culpabilise comme moi ? Est-ce qu’il s’interroge ? Pourquoi on se prend la tête pour ça ? Ce n’était qu’un baiser.

    C’était plus qu’un baiser. Ta gueule !

     

    — Je pense à l’autre jour, Jax. Ça ne me sort pas de l’esprit, je finis par avouer.

     

    Jax se raidit, il passe une main nerveuse dans ses cheveux avant de lâcher à son tour :

     

    — Moi non plus je n’arrive pas à comprendre.

     

    L’organe dans ma poitrine se fige. Surpris de nouveau par sa confession. Pourquoi ça tourne dans nos têtes ? Jax est hétéro, je suis gay, on est amis, ça s’arrête là.

    Alors pourquoi on s’est embrassé ?

     

    — Je crois que ça ne s’explique pas, je soupire. Est-ce que d’une certaine façon, j’ai dépassé les bornes sans m’en rendre compte ?

    J’aurais pu, je sais que même si j’ai repris le contrôle de moi-même, il m’arrive de royalement me planter. Le baiser contre la voiture pourrait en être un exemple.

     

    — Je crois que c’est moi qui t’ait attiré pour t’embrasser, souligne Jax, je n’ai rien à te reprocher. C’est plutôt toi qui doit m’en vouloir.

     

    Lui en vouloir ? Il déconne ? C’était… tentant et délirant.

    N’y pense pas !

     

    — OK on fait quoi alors ? Parce qu’on agit comme deux ados et c’est stupide. On couche ensemble presque tous les jours pour le boulot, pourquoi un baiser sur le bord d’une route nous rend si mal à l’aise ?

     

    Jax se raidit

    Parce que c’était dans la réalité.

    Mon partenaire se ressaisit le premier, il soupire en tentant de minimiser les choses, et je sais qu’il a raison. Ce n’était qu’un baiser.

     

    — Je ne veux pas que notre relation au boulot ou dans le privé change. On s’est embrassé, ça s’est produit, on ne sait pas trop les raisons, peut-être le moment ?  Qu’importe, on est adulte pas vrai ? Et tu ne veux pas autre chose que de l’amitié ?

     

    J’acquiesce. Non, je ne veux pas m’engager, l’engagement c’est terminé pour moi. Les histoires qui vont au-delà du cul aussi. J’en ai trop chié l’année dernière, c’est compliqué et dangereux, je veux repartir pour moi, changer de vie et ne pas me la compliquer.

    Même si tu n’as pas eu quelqu’un en dehors du boulot depuis longtemps Dereck, murmure une petite voix que je chasse.

     

    — Je ne veux que de l’amitié Jax et tu le sais.

     

    Ma réponse semble le soulager. Je comprends que cette histoire lui pèse sur les épaules. Normal après trois gars qui lui ont fait le coup.

     

    — Alors, oublions comme tu l’as dit. C’était… un truc surprenant. Agréable, mais surprenant.

     

    Je souris, je suis content de savoir que ma main sur sa queue et ma bouche le dévorant sont des choses agréables.

     

    — J’ai confiance en toi Dereck, reprend Jax, et je sais que tu n’es pas comme les autres. Tu ne dépasseras pas la limite. Ne culpabilise pas et je tâcherai de ne pas être mal à l’aise. On ne va pas se prendre la tête pour ça.

     

    — C’est sincère ce que tu dis ?

     

    Jax m’offre un sourire amusé à son tour, son visage retrouve cette expression familière qui rend l’acteur si agréable.

     

    — Oui. Maintenant que je suis certain que tu n’as pas d’arrières pensés suite à ça, je pense que la tension et l’interrogation vont disparaitre au cours de la journée. Diable pourquoi n’en avons-nous pas parlé de suite ? plaisante-t-il.

     

    Parce que le choc était rude, parce que ni Jax ni moi ne nous y attendions. Mais nous aurions dû. J’espère qu’au prochain coup dur, ça se produira ainsi.

     

    — Ça ne m’a jamais fait ça avec un autre de mes partenaires, m’explique Jax. J’étais ami avec eux, mais je ne m’entendais pas autant qu’avec toi. Est-ce que ça y joue ? Sûrement. Mais entre nous, ça colle tellement pour le boulot et dans le reste, que je ne veux pas que ça change.

     

    — Moi non plus, je reconnais.

     

    Nous restons un instant à nous dévisager, le malaise s’est atténué et sans doute, il disparaitra ce soir. On a beau être des mecs, ne pas trop réfléchir sur ce qu’il se passe, à certains moments, ils nous arrivent de nous tourmenter comme le font des nanas.

    Et pour le coup, il y avait de quoi.

    Trop à perdre et trop soudain.

    Jax se penche pour récupérer son caleçon au sol. Je résiste pour ne pas regarder le mouvement de son corps qui s’articule.

    Calme-toi Dereck, calme ça de suite, ce désir un peu trop pressant qui a commencé à naitre au court des dernières semaines.

    Parce que la vérité est là. Ce n’est pas une histoire de sentiments, seulement de sexe. Mon partenaire m’excite plus qu’il ne le devrait et je ne comprends pas pourquoi.

    Je ferais mieux de me trouver un mec à baiser en dehors d’ici. La ville doit en regorger.

    Qu’est-ce que t’attends alors ?

    Je flippe enfoiré !

    Jax me sort de mes pensées en lançant une vanne :

     

    — Concernant les jeux de spermes de cette après-midi, je pense qu’on peut dire à l’équipe qu’on reporte ça à demain. Je vais accompagner Ciera voir les rushs, peut-être qu’on aura une ou deux bonnes prises.

     

    Jax m’envoie un coup de poing amical dans l’épaule, je tente de l’éviter, mais pris dans mes pensées, je termine le cul dans la baignoire, les jambes en l’air. Jax se prend un fou rire monumental en me voyant. Il rit tellement fort que Scarlett pénètre dans la salle de bain pour voir ce qu’il se passe.

    Notre conversation se termine sur un cliché de la réalisatrice de nous deux, lui essayant de me sortir de la baignoire et moi riant.

    Si je suis toujours sincère, cependant j’ai menti sur une chose : oublier me semble compliquer. Pour ma part, ce sera ranger dans un coin de ma tête à quel point embrasser Jaxson Howard sous la flotte était bandant.

     

    ***

     

    Je regarde mon compte INSTAGRAM en supprimant les commentaires homophobes de la photo. Il n’y en a pas beaucoup, mais pour éviter d’enflammer les foules, je préfère qu’ils disparaissent. J’attends que Ciera ait fini de monter le premier rush du film que nous tournons avec Jax pour savoir si nous avons l’après-midi de libre ou pas.

     

    — Zane, bordel !

     

    Le cri rempli de colère de Mason me tire de mon affaire. Je me tourne vers les deux LivePlayers qui pénètrent la salle. Zane a quelques pas d’avance sur son collègue. Ses traits sont marqués par la colère. L’homme aux cheveux noirs et aux yeux marrons semble être au bord de l’explosion. Mason arrive et dès que Zane le voit, il craque.

     

    — Ta gueule, Mace, n’essaie même pas de te justifier, je ne veux pas savoir !

     

    Savoir quoi ?

    Je reste comme un con assis dans le canapé à les regarder. Mason perd son calme. Il jure avant d’attraper son partenaire par les pans de et le plaque contre le mur entre différentes photos. Je m’apprête à intervenir quand Demon entre à son tour dans la salle commune, l’air décontracté, presque amusé de voir les deux se mettent sur la gueule. Il passe devant Zane et Mason en lâchant un simple :

     

    — Vous faites chier à vous disputer comme des gonzesses, allez vous taper dessus dans votre piaule !

     

    Zane et Mason s’affrontent méchamment du regard, la tension dans la pièce devient palpable. Un sentiment de rage pure les gagne. Qu’est-ce qu’il s’est produit entre les deux ?

    Le Live Player aux yeux marron pousse Mason.

     

    — Ferme là Dem et occupe-toi d’abord de tes merdes.

     

    Zane foudroie du regard les deux acteurs. Il les bouscule en quittant la pièce. Mason reste un instant figé, sa main contre le mur à calmer ses nerfs. Puis, l’instant d’après, il disparait à son tour, laissant la salle commune dans une stupéfaction.

    Demon se laisser aller à un rire en voyant ma tête figée.

     

    — Ça se voit que tu es nouveau. Mais tu t’habitueras à Zane et Mason qui se tapent sur la gueule sans cesse. C’est un des partenariats les plus incompréhensibles de ce studio… un peu comme toi et Jax.

     

    Je soupire en ne cachant pas mon agacement.

     

    — Ça faisait longtemps que tu n’étais pas venu à la charge, Demon, je souligne en lui prêtant peu d’attention.

     

    Mais le Dom en a décidé autrement.

    Il vient s’installer juste à côté de moi sur l’un des trois canapés formant un U dans la pièce. Une tension électrique plus vive que l’interaction entre Zane et Mason envahit la salle. Je me concentre sur mon fil d’actualité FACEBOOK quand Demon me demande :

     

    — J’aimerai savoir qu’est-ce qu’il s’est produit, Dereck, pour qu’on te laisser partir de ce merdier dans lequel on était fourré ?

     

    Je me fige, comme si je venais de me prendre une gifle. Je refoule du mieux que je peux le martèlement dans ma poitrine.

    Il n’y a pas une once de reproches dans les propos de l’Hardeur pour une fois. Je quitte du regard mon portable pour croiser les yeux sombres de Demon. Un sentiment d’insécurité me gagne en y pensant. Depuis que j’ai quitté la clinique privée de New York, je n’en ai parlé à personne et je ne m’attendais pas à côtoyer quelqu’un de mon propre passé dans cette nouvelle vie.

     

    — On ne m’a rien autorisé, Demon. Je suis parti, je lance en dévisageant le vide.

     

    N’y pense pas, me murmure une petite voix.

    Demon se raidit à mes côtés, je sais que ça ne s’est pas passé comme pour moi. Il n’a pas eu la même chance. Mais si j’ai évité un certain nombre de choses que Demon n’a pas pu contourner, j’en ai vécu d’autres, plus violentes.

     

    — Tu es parti, se contente de répéter mon ancien collègue.

     

    — Demon si tu es venu remuer la merde…

     

    — Non, me coupe-t-il, je suis venu te montrer un truc qui nous concerne toi et moi.

     

    L’Hardeur fouille dans la poche arrière de son jean, il en sort une enveloppe pliée qu’il me tend. J’hésite une fraction de seconde à la saisir, mais je le veux. Je veux savoir de quoi il parle.

    Je l’ouvre en ayant l’impression que l’enfer n’est pas loin.

    Quel bordel !

    Je me décompose en voyant des clichés tirés de vidéos qui ne sont pas à la portée de tout le monde. Il y a des photos de Demon… et de moi.

     

    — Je crois que le passé est en train de nous rattraper, Dereck Blacks et j’ai bien l’impression que ton départ impayé n’a pas plus à tout le monde, déclare Demon, nerveux.

     

    Je retourne les clichés et en découvre des menaces bien claires qui ne mettent pas le doute sur l’origine de l’expéditeur.

    Les enfoirés.

     

    — Ce n’est que des mots, je lâche en rangeant les photos dans l’enveloppe.

     

    Demon se met à rire nerveusement, je vois dans son regard sombre l’inquiétude. Je le comprends. Quand on sort la tête de l’eau, on n’a plus envie de se noyer de nouveau.

     

    — Pour l’instant. T’es parti, mais visiblement, ils ont pigé où tu étais.

     

    Je ferme les yeux en chassant les brides de souvenirs qui me reviennent avec violence en mémoire. Le Donjon crée dans l’entrepôt, l’ambiance morbide et dangereuse, les autres.

    J’ai quitté ce monde parce qu’il m’a détruit.

    J’ai quitté ce monde parce que je n’étais plus rien.

    Mais ce monde ne m’a pas quitté pour autant.

    Quand j’ouvre de nouveau les yeux, Demon a disparu en me laissant l’enveloppe. La salle commune baigne dans une atmosphère pesante mélangeant crainte et tension.

    Ne craque pas.

    J’attrape d’une main tremblante le contenu que je photographie à l’aide de mon portable. Je n’hésite pas en ouvrant une de mes seules conversations Messenger.

     

    MOI, 15h26 : Hé Bro, on a un problème.

     

    Je lui envoie en pièce jointe les photos prises. Mon frère met peu de temps à me répondre, même à l’autre bout du pays.

     

    VINZ, 15h28 : Les chiens ! Je m’en occupe. Je te tiens au jus.

     

    Je laisse aller ma tête contre le dossier du canapé, mes mains tremblent sous l’angoisse. J’ai trente ans, je fais bad boy en apparence, mais cette histoire m’a rendu aussi frêle qu’une gonzesse durant plusieurs années et sur certains points.

    Il faut que je sorte, que je quitte les studios pour la fin de la journée. J’ai besoin d’air, de m’éloigner de ce qui pourrait me déclencher une myriade de souvenirs auquel je ne veux pas penser.

    Ma poitrine me serre et j’ai l’impression de manquer d’air.

    Je sursaute en entendant vibrer mon portable, mon frère a fait vite… mais ce n’est pas Vinz.

     

    JAX, 15h32 : On oublie vraiment ?

     

    L’air me manque encore plus en lisant ses trois mots. Jax est soucieux d’avoir la confirmation que notre interlude n’a pas eu d’impact sur le reste.

    Je réponds rapidement sans trop me poser de questions.

     

    MOI, 15h34 : Que tu gémis quand on te chatouille ? Mec, impossible !

     

    JAX, 15h35 : Enfoiré !... Au fait, on doit TOUT recommencer à cause d’un demi-Australien qui cache ma queue à chaque séquence. Je ne te savais pas égoïste à ce point ;).

     

    Un léger rire arrivé à me gagner lorsque je verrouille mon portable. Pourtant, un autre serrement gagne ma poitrine devant une constatation évidente. On oublie, mais je n’ai pas envie d’oublier ce que ça faisait d’être ainsi avec Jax. Parce que l’alchimie et l’attirance sont deux choses qui ne se comprennent pas. On a beau essayer de résister, on ne peut que se battre un temps.

    Pourtant, je ferais taire ça, même si ça ne dure qu’un moment parce que de ce que j’ai compris, Jax en a assez de l’instabilité de ses partenariats. Et d’un certain point de vue, je le comprends. J’en ai besoin aussi pour me reconstruire durablement.

    À la différence de ses anciens collègues, je ne veux rien de lui, pas d’avenir, pas de plus. Ce n’est que de l’attirance. Qu’une histoire de sexe et le sexe, d’une certaine façon, je l’ai déjà. Je devrais me contenter de ça. Et c’est ce qu’on va faire, pour éviter que l’interlude dans les bois se reproduise.

    On oublie vraiment, mais moi, j’aurai du mal à l’oublier lui, comme je n’arrive pas à oublier le reste

     

    AMHELIIE

  • Blood Of Silence, Tome 6 : Rhymes, Epilogue

     

    Rhymes

    EPILOGUE

    ***

     

     

    Nous y voilà. On aura attendu cette rencontre autant qu’on la redoute. Les fédéraux ont enfin quitté le coin et les Ritals n’ont pas tardé à rappliquer. Ils ont la vengeance dans le sang, une envie d’en finir que je comprends. Je n’ai envie que d’une chose, que cette merde prenne fin, j’espère seulement que ce ne sera pas à nos dépens. Les Evils sont plutôt confiants, comme si quoi que sorte de cette rencontre, ils en sortent vainqueur. Or, on est tous sur la sellette, chacun veut tuer l’autre clan pour racheter la vie de ceux qui sont tombés. L’objectif, maintenant que nous sommes en bons termes avec les Evils, c’est de trouver un compromis avec les Santorra pour mettre fin à tout ça diplomatiquement. On est prêt à marchander pour ça, à se plier à quelques exigences, parce que la paix n’a pas de prix et qu’on a trop à perdre à entrer en guerre contre une branche de la mafia. Mais, si on n’a pas le choix, s’ils sont trop exigeants on ne se laissera pas faire.

    Les Ritals entrent dans la vieille baraque en ruine qui va servir de décor à cette réunion. Les Evils sont déjà là, au complet, c’est rare de voir leur club en entier, c’est signe que l’affaire à son importance et qu’on peut s’attendre à tout. De notre côté, tout le monde est là aussi, assurer nos arrières est primordial.

    Les Santorra, leur chef en tête font leur entrée dans leurs beaux costumes italiens et s’arrêtent à une distance de sécurité des deux clubs de bikers.

     

    — Messieurs, lance le chef des Ritals en nous lançant un regard menaçant.

     

    Nos présidents et celui des Evils s’avancent et le salut à leur tour. L’ambiance est plus que tendue, on sent que chacun évalue l’autre et qu’il est prêt à tirer au moindre dérapage. J’inspire et me concentre sur les mouvements des ritals en écoutant la conversation qui se tient entre les leaders.

    Je déteste cette sensation, celle qui me dit qu’on doit veiller à tout, qu’on ne peut pas se permettre une minute d’inattention sinon on y laisse la vie.

     

    — On a tissé de nouveaux liens à ce que je vois ? commence l’italien.

     

    — On a toujours bossé avec eux, indirectement, et vous le savez, répond Ab.

     

    Le Rital sourit en secouant la tête.

     

    — Votre nouvelle petite alliance incluait de tuer les blacks ?

     

    — On n’avait pas le choix, lance H, il y avait une balance dans leur rang.

     

    — Évidement. Et comme vous avez le souci du travail bien fait, vous avez repris leurs affaires.

     

    — C’est quoi le problème ? demande Creed en s’avançant nerveux.

     

    — Le problème petit merdeux de Blood, c’est que la trêve a été rompue sans mon consentement, que vous avez fait justice vous-mêmes alors que vous vouliez la paix tant que les fédéraux étaient dans le coin. Le problème, enfoiré, c’est que vous vous êtes foutus de ma gueule !

     

    H retient Creed par le bras, la tension augmente d’un cran, les armes s’enclenchent et chacun est prêt à défendre son clan. Mon cœur accélère, putain de merde, je n’ai pas envie d’assister à une tuerie, je n’ai pas envie de voir mes frères tombés ou d’entrer dans une nouvelle vendetta. On doit régler le problème diplomatiquement sinon on n’en finira jamais.

     

    — On a sauvé votre cul en les butant. Vous seriez en taule à cette heure-ci si on n’avait rien fait.

     

    Tout le monde se tourne vers moi, je parle calmement et avec conviction, ils devraient nous dire merci d’avoir réglé leur merde au lieu de nous fustiger ainsi. Personne ne serait là si on avait laissé les Blacks en vie. Bien sûr qu’on en a tiré parti mais il ne peut pas nous le reprocher, c’est nous qui avons fait le sale boulot, à nous de recevoir la récompense.

     

    — Vous voulez régler cette guerre entre nous, arrêter les tueries et que le business reprenne ? questionne l’italien.

     

    — Vous croyez qu’on est là pourquoi ?

     

    — Je veux un passage vers La Floride pour ma cam.

     

    — Pas question, lance H.

     

    La tension augmente d’un cran, le rital à l’air prêt à exploser. Instinctivement je me rends compte qu’on s’est tous avancé, qu’on encadre nos présidents et que les mafieux ont fait de même. Bon dieu, on dirait des bâtons de dynamites alignés qui ne demandent qu’une étincelle pour exploser. Je regarde mes deux présidents, si d’habitude l’un est plus calme que l’autre, aujourd’hui il n’y a pas de différence, les deux sont prêts à en découdre.

    Je ne leur aie rien dit encore concernant Tennessee, je ne sais pas s’ils sont vraiment concernés, mais tout me laisse penser que oui. Seulement, je me souviens comme si c’était hier de ce qu’il s’est passé quand cette femme est entrée dans leurs vies. Ils se sont retrouvés depuis, ils ont reconstruit leur amitié et amener cette nouvelle, risque de la briser de nouveau. Cependant, ce n’est pas à moi d’en juger, ce n’est pas à moi de décider pour eux alors je leur dirais, mais pas maintenant. Pas tant que la situation ne sera pas plus calme.

     

    — Vraiment ? La paix ne vous intéresse plus on dirait.

     

    Je sens qu’il se fout de nous, comme s’il cherchait un prétexte de plus pour tous nous descendre.

     

    — Soit vous me laissez ce passage, soit je le prends de force.

     

    Des jurons résonnent de notre côté, je jette des rapides coups d’œil à mes frères, ils ont tous leurs têtes des mauvais jours, tous tendus et tous prêts à défendre nos intérêts coute que coute. Les ritals nous cherchent, j’ignore ce qu’ils manigancent mais clairement, ils ne sont pas venus sans une idée de génie dans leurs têtes.

     

    — On ne peut pas, reprend Creed, même si on le voulait, on a assuré notre fournisseur que le territoire était à nous.

     

    L’italien se met à rire.

     

    — On peut trouver un moyen de s’arranger, tente Abaddon.

     

    — Oui, on peut. Le deal est simple, vous me cédez votre passage et on est quitte.

     

    Le silence s’installe, les présidents jaugent le Santorra, un peu trop sûrs de ce qu’ils avancent. On ne va rien lui céder et quelque chose me dit qu’il est parfaitement au courant qu’il n’obtiendra rien.

     

    — Sinon ? demande le président des Evils.

     

    — Sinon, je n’oublie pas qui a descendu mes hommes, il répond en lançant un regard à chacun des Blood.

     

    H et Creed se jettent un regard l’un comme l’autre savent qu’on ne sortira pas de cette entrevue sans que du sang soit versé. Je le vois, le rital n’est pas clair, ses demandes sont trop arrêtées pour quelqu’un qui veut négocier. On ne cèdera rien, parce qu’on ne veut pas et surtout, le cartel, lui ne nous épargnera pas si on deal avec leur territoire les ritals.

     

    — Ce n’est pas possible, je reprends, vous savez parfaitement qu’on ne peut pas, vos exigences n’ont aucune chance d’aboutir à quelque conque terrain d’entente. Bordel vous cherchez quoi au juste !?

     

    L’italien se retourne vers ses hommes sans répondre à ma question, il inspire et secoue la tête l’air de réfléchir. Il prend son temps. La tension augmente alors qu’il ne daigne même pas nous regarder. Les clubs sont concentrés, l’atmosphère devient un peu plus pesante. Je ne comprends pas où il veut en venir. Ce manège qui dure va aboutir à quoi ? On se regarde avec mes frères, l’incompréhension règne entre nous, on se demande tous à quelle sauce le rital va nous manger.

    C’est là que tout bascule. Sans que nous arrivions à le prévoir, le chef des Santorra révèle ses intentions.

    L’action se passe tellement vite que personne ne peut réagir, le temps semble se figé alors qu’une poignée de seconde s’écoule entre le moment où le Rital se retourne, une arme à la main qu’il sort de je ne sais où, il braque la tête d’un des Blood et le coup part sans l’ombre d’une hésitation. Le son retentit entre les murs abandonnés. Figé par le choc et l’incompréhension de ce qu’il vient de se passer, je vois impuissant, le corps de mon frère s’écrouler au sol, un trou béant sur le front.

    Mon cœur fait une embardée dans ma poitrine.

    Il est mort.

    Le Rital vient de tuer l’un des nôtres.

    Un hurlement de rage résonne, il nous faut moins d’un instant pour que tout le monde dégaine ses armes, prêt à riposter. Le choc n’efface pas la haine, l’adrénaline nous pousse à ne pas réfléchir. Le sang appelle le sang, perdu dans la douleur, nous allons franchir une ligne dangereuse, et avant que les tirs ne reprennent, les Evils nous arrêtent en nous bloquant le passage, un démon devant chaque Blood, nous empêchant de tirer.

     

    — Ne faites pas ça ! hurle Zagan.

     

    Le conseil fait échos en nous, si nous tirons, nous serons tous morts et les Evils le savent. Ma main tremble alors que mon doigt se pose sur la sécurité. Ma poitrine me fait mal.

     

    — Casse-toi ! hurle un Blood décidé à ne pas rester impassible.

     

    Je vois mon frère retirer le cran de sécurité, Andras, le Road Captain réagit tout aussi vite. Il saisit le bras du Blood, le tord, l’arme tombe au sol. Il lui assène un coup violent dans la mâchoire pour le stopper avant de le saisir dans ses bras pour le piéger.

    Cette tentative nous fait perdre la raison. On tente de passer de se frayer un chemin jusqu’au rital, les lieux se noient dans un besoin violent de faire justice immédiatement. De verser le sang de chacun de ces enfoirés.

    Il est mort.

    On entend des rires provenant des Ritals. La douleur frappe dans chacune de nos poitrines. Je résiste à la prise du Sergent d’Armes des démons qui est venu me barrer la route. Mes frères se déchainent, un second coup de feu résonne, la balle part se loger dans la poutre, nous figeant tous. J’observe les Ritals qui nous bougent pas. Mon cœur palpite, je m’attends à ce que d’autres coups pleuvent, mais rien.

     

    — Pas maintenant, lance Zagan d’une voix calme, pas maintenant sinon vous allez tous y rester !

     

    Dans quel monde vivent ces enfoirés ! Un de nos frères vient de tomber à nos pieds et il nous demande de ne pas répondre.

    Les Evils doivent faire preuve de violence pour nous maintenir hors de portées des Santoras qui prennent leur disposition. Ils reculent pour se mettre en sécurité, un sourire satisfait sur leur visage. Fiers d’avoir vengé les leurs en usant de fourberies pour nous prendre l’un des nôtres.

    Je n’arrive pas à y croire que le corps d’un Blood est étendu sur ce sol, à pisser le sang.

    Ce n’est pas possible, ça ne peut pas nous arriver, pas après tout ce qu’on a fait pour éviter ça.

     

    — Lâche-moi ! Lâche-moi enfoiré, ou je te bute comme ces Ritals ! hurle un des Blood, sa voix trahissant sa colère et la douleur qui en découle.

     

    Mes frères sont sous le choc, ils ne quittent pas des yeux le corps à terre. Je crois qu’on l’est tous mais qu’on réagit différemment. J’ai l’impression de perdre pied, de manquer de souffle, d’être dans un cauchemar. C’est impossible que ce soit notre réalité. Je m’attends à voir mon frère se relever, nous montrer qu’il va bien. J’attends que la douleur et le choc me réveillent d’un mauvais rêve. Je veux me réveiller, réaliser que je suis auprès de Robyn, et qu’au petit matin, je franchirais la porte du club en sachant très bien que tout ça n’aura pas existé.

    Nergal résiste à ma force, il garde mon arme levée en l’air pour éviter que je n’appuie sur la détente. C’est un corps à corps que je sais perdu d’avance, la douleur m’affaiblit, elle nous affaiblit tous. Ça fait tellement mal.

     

    — Maintenant on est quitte, lance le rital derrière les Evils, ne vous approchez plus de ma famille ou c’est tout votre club que je bute.

     

    Ses mots ne font que raviver la tension. Les insultes pleuvent, chacun déverse sa haine comme il peut, dans des menaces alors qu’on est impuissant face à ce qui s’est produit.

    Avec une indifférence la plus totale, les Santorra quittent les lieux en pressant le pas, bien conscient qu’à la seconde où les Evils nous lâcheront, nous ne répondrons plus de rien. La fureur me gagne. Qu’ils partent alors que l’un de nous est mort, qu’ils profitent de notre stupeur pour s’enfuir comme des lâches.

    Lorsqu’on entend les sons des pneus sur le sol poussiéreux, les bikers nous relâchent.

    Je bouscule le Sergent d’Armes des Evils, ce dernier reste calme, alors chacun des Blood encore en vie encaisse le choc du cauchemar qui se dresse devant nos yeux. Je m’attends à ce que le geste conscient des Evils ne soit la victime de notre rage, mais il ne se passe rien de ça. Nous restons prostrés à se dévisager, en essayant de chercher dans l’autre, une confirmation que ce n’est pas réel. J’ai rarement eu une telle envie de meurtre alors que mes nerfs sont en train de lâcher. Je refuse de regarder le sol, de voir le regard de mon frère perdu dans la mort.

    Ça ne peut pas être vrai. Ça ne peut pas…

    La part lucide de mon esprit sait qu’il a raison, mais la douleur domine, la colère, la rage de voir la vie de l’un des nôtres partir ainsi, prend plus de place. Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qu’on a fait ? Je ne vois que le désastre, que le mal et la douleur, que la perte d’un des nôtres, comme ça, d’un coup sans qu’on puisse faire quoi que ce soit, sans qu’on l’ait vue venir et j’ai mal. Mal de voir un de mes frères à terre, à me demander si tout est vrai, si ce que je vois, si ce que je ressens dans ma poitrine qui me fait douter de la réalité c’est produit.

    Ça ne peut pas être vrai.

    Pourtant, lorsqu’un hurlement de douleur résonne dans la veille baraque, un cri à déchirer le cœur, un cri que je n’aurais jamais cru entendre, je prends conscience de ce qui se passe devant mes yeux. C’est notre réalité : un de nos frères est mort.

     

     

    A suivre…

     

    MARYRHAGE

  • Blood Of Silence, Tome 6 : Rhymes, Chapitre 36

     

    Robyn

    CHAPITRE 36

    ***

     

     

    Deux semaines plus tard…

     

     

    Je n’arrive pas à cacher le plaisir que je ressens en voyant le FBI et l’ATF remballer leurs affaires pour rentrer dans leurs locaux. Ils s’en vont après plusieurs mois d’envahissement après une enquête qui n’a servi à rien. Elle nous a coûté cher, nous a privés d’excellents éléments au sein de notre poste de police, on a perdu du temps, nous sommes passés pour des incompétents, incapables de mettre la main sur des voyous. On s’est ridiculisés, à juste titre. Si c’était à refaire, je ferais les choses presque différemment en espérant éviter la mort de Tarryn, mais je n’aurais pas pris la direction que le FBI a prise. Ils nous ont conduits à notre défaite, mais ils ne l’avoueront jamais.

    Ne plus voir l’Agent Ross me ferait presque avoir un orgasme tant je trouve cette perspective réjouissante.

    Ils sont restés trois semaines encore, après s’être rendu compte que tout était foutu. C’était sans l’acharnement du jeune agent. Il ne voulait pas perdre. Je le comprends, de son dossier, ça fait tache, mais on ne récolte que ce que l’on sème lorsqu’on joue avec les lois de la rue. Il ne faut pas s’attendre à de gentilles attentions de leur part.

    J’ai fait en sorte de totalement protéger mes arrières. Personne ne découvrira que les tests étaient en vérité positifs, et si un jour, on le découvre, ce sera un mauvais concours de circonstances. Je doute que le FBI décide de revenir dans les environs avant un moment étant donné ce que cette petite sauterie leur à côté.

    Est-ce que je m’en veux encore d’avoir trahir mon uniforme ?

    Quand je suis avec Rhymes, non. Quand je suis seule, ça m’arrive de culpabiliser. De penser que peut-être, je serais capable de franchir la limite de nouveau. J’en doute, mais ça ne me rassure pas tellement. Je vais devoir me prouver à moi-même que je suis toujours la même, amoureuse, mais pas stupide.

    On peut le faire, je veux y croire.

    J’observe les derniers agents venus prêter main forte pour déménager les dossiers. Ross ne prend même pas la peine de venir nous saluer, Ed et moi. On se met à rire lorsque le dernière FED quitte notre établissement pour de bon. Un silence apaisant gagne les lieux, nous nous dévisageons tous, locaux de la police. Un sentiment de sérénité persiste, nous prouvant que nous en avons fini de les supporter, nous allons pouvoir nous remettre au boulot sur nos différentes affaires. À commencer par neutraliser les petits gangs.

    Une fois tout ce bordel disparu, je m’apprête à demander à Ed s’il serait partant pour une petite virée chez les Wanderers, quand Bobby, vient m’interpeler, l’air indécis et inquiet. Je fronce les sourcils en croisant les bras. Ed m’indique qu’il reviendra plus tard et disparait telle une tornade.

     

    — Shérif ? finit-il par demande.

     

    — Oui Bobby ? je réponds en cachant mon inquiétude.

     

    Je prie secrètement que mon geek ne m’annonce pas de mauvaises nouvelles.

     

    — Est-ce qu’on peut se parler une minute.

     

    J’acquiesce. Ça pue l’embrouille. Bobby n’est pas du genre à afficher cette tête, il est plutôt cool, ne se posent pas trop de questions sauf lorsqu’il découvre une information capitale qui peut nous mettre dans la merde ou faire avancer les choses.

    Je commence à croire que nous n’allons pas tarder à regretter les agents du FBI.

     

    — Viens, entrons dans mon bureau pour être au calme.

     

    Je lui fais signe de passer le premier, il s’exécute. Je remarque un dossier imprimé dans sa main. Je jure en espérant que ça n’est pas de rapport avec la raison du départ des FEDS. Il ne manquerait plus qu’ils reviennent.

    Je fais signe à Bobby de s’asseoir, il décline l’invitation. De mon côté, je préfère être assise pour encaisser le choc d’une mauvaise nouvelle.

    Connaissant le geek en face de moi, je sais qu’il ne tournera pas autour du pot.

     

    — Je t’écoute, je finis par lancer d’une voix calme.

     

    Mon palpitant se met à battre plus fort.

     

    — Il y a plusieurs semaines, vous m’aviez demandé discrètement de continuer à creuser en profondeur le passé des Blood Of Silence.

     

    — C’est exact.

     

    Qu’est-ce que tu as découvert, bon sang !

    Mal à l’aise Bobby se met à tanguer d’une jambe à l’autre en passant une main dans ses cheveux courts. Il me jette un regard furtif, essayant de trouver les mots justes pour m’annoncer les résultats de sa recherche.

    C’est si terrible que ça ?

     

    — Je suis remonté il y a environ cinq ans. J’ai fait une découverte vis-à-vis d’une situation que je ne pensais pas importante il y a des mois. Je suis désolé, j’aurais dû être plus… précis à ce sujet. Mais je n’aurais pas cru qu’une histoire comme celle-ci puisse m’amener à découvrir ça.

     

    Je fronce de nouveau les sourcils, je ne suis pas certaine de bien comprendre.

     

    — Ça ? je répète.

     

    Il acquiesce en s’approchant de mon bureau pour me donner son dossier.

     

    — Regardez.

     

    Je l’attrape, l’ouvre sans attendre et commence à feuilleter son contenu. Mon visage doit prendre une expression de sidération. Je regarde les photos qu’il a pu dénicher à plusieurs reprises. Les certificats, les informations qu’il a récoltées.

    Mon cœur se fige, je laisse échapper un profond soupir. Ce n’est pas une bombe, c’est un ouragan si ça s’avère être vrai. Si ça les concerne vraiment.

    Quel bordel ça va être !

    Je tâche de ne pas trop montrer ma surprise, mais je le suis. Je me demande ce que je vais faire de cette nouvelle. En parler à Rhymes, c’est sûr, je ne peux pas cacher ça. Pas à mon homme. Pas quand c’est SON club et ses frères qui sont concernés.

    Cette information ne relève pas d’un secret ou même d’une juridiction qui pourrait les envoyer en prison, c’est simplement… une bombe.

     

    — Si j’avais su que cette femme avait été plus qu’une simple conquête sur le tableau de chasse de deux bikers, j’aurais creusé plus. Nous aurions pu nous en servir contre eux.

     

    Un moyen de semer la discorde. Effectivement, si j’avais eu cette information il y a des mois, j’en aurais usé. Brisant la confiance entre frères. La panique aurait été notre principal atout dans notre lutte. Mais ça ne s’est pas passé ainsi. On ne peut pas refaire le passé.

    Bobby semble attendre un sermon ou quoi que ce soit d’autre, mais je n’en fais rien. L’erreur est humaine.

     

    — Je m’en occupe Bobby, merci à toi, je conclus.

     

    Le geek semble surpris.

     

    — C’est tout ?

     

    J’acquiesce.

     

    — Tu as fait ton boulot. Merci. En revanche, peux-tu rester discret à ce sujet ? je lui demande.

     

    Ma demande ne le dérange pas. Il ne pose pas de questions non plus. C’est un soulagement, autant que son expression sur son visage qui se détend subitement.

     

    — Je suis une tombe, boss, me confirme le geek flic.

     

    Il m’offre un clin d’œil avant de s’éclipser, me laissant seule avec mes nouvelles informations. Je passe une main sur mon visage, encaissant la révélation. Je regarde de nouveau les photos montrant Creed Harps en compagnie d’une belle blonde, ainsi que Hurricane Cortesi en compagnie également de cette belle blonde. Ce sont des photos issues de caméras de surveillance de la ville. Puis, mon attention se porte sur une qui date d’il y a quelques semaines, dans l’état voisine au nôtre, au nord. C’est cette même femme avec cinq ans de plus, toujours aussi superbe, mais avec quelque chose de différent. On pourrait croire aux premiers abords que ce n’est rien, mais avec les papiers joints de Bobby, j’ai la confirmation que c’est vrai.

    Seigneur, c’est une bombe qu’il vient de déterrer. Et si jamais, cette bombe est véritablement liée aux Blood Of Silence, je me demande qu’elle va être leur réaction.

    Mauvaise, je n’en doute pas.

    Je saisis mon téléphone, le déverrouille et envoie un SMS à Rhymes.

     

    MOI, 14h56 : Toujours OK pour ce soir, chez moi ?

     

    Il faut qu’on parle de tes deux queutards de présidents, j’ai une bombe à leur annoncer. Sa réponse ne se fait pas prier.

     

    RHYMES, 14h57 : Toujours, bébé.

     

    MOI, 14h58 : connard.

     

    Je repose mon téléphone, à présent certaine

    Je n’ai rien dit à Rhymes pour ne pas davantage éveiller ses soupçons, puisque ce matin, chez lui, nous avons convenu d’aller chez moi. Le VP va se demander ce qu’il me prend, et je doute qu’il a conscience de la bombe que je m’apprête à fourrer dans la vie des Blood Of Silence.

    Ce n’est pas avec ce genre de nouvelle que je vais me faire une place dans sa vie auprès de ses frères. C’est une certitude.

     

    ***

     

    Lorsque je pousse le seuil de la porte de chez moi, je suis accueillie par une odeur divine provenant de la cuisine. Rhymes est bien là, en avance. Je suis toujours surprise de le retrouver chez moi. Pourtant, je commence à sévèrement m’y habituer de partager mon espace avec lui. À vrai dire, si j’étais du genre solitaire, la vie de célibataire à deux avec lui me plait, parce qu’il n’y a qu’avec lui, que le terme en couple ne me fait plus fuir. J’ai envie d’être avec lui. Malgré la longue liste qui devrait nous empêcher de l’être. Je pense qu’on s’y fera, je pense qu’on a plus envie de se prendre la tête, et puis je pense en étant certaine que nous sommes fatigués de lutter contre nos sentiments. On a décidé de se lancer dans notre aventure. Si on commence petit à petit à prendre nos marques, le reste est d’une simplicité déconcertante à partir du moment où nous respectons trois règles :

    Il n’est plus le VP en affaires des Blood Of Silence lorsqu’il passe cette porte.

    Je ne suis plus la Shérif du comté qui veut le mettre derrière les barreaux.

    Nous ne parlons jamais d’affaires qui pourraient nous amener à nous croiser.

    Vu qu’on s’y tient, ce n’est que du plaisir le restant du temps. On continue de se découvrir, on partage énormément de points en commun et de valeurs. J’adore ce côté taquin que nous avons, cette façon de chauffer l’autre, de le pousser à bout pour le faire succomber. Le sexe est au summum, c’était toujours d’une intensité qui me déconcerte. Je n’ai jamais connu une pareille alchimie avec un homme avec le Blood. On a beau ne pas être du même côté de la loi, le reste fait que nous sommes faits pour être ensemble. Je m’en rends compte un peu plus chaque jour quand on se réveille l’un un côté de l’autre. Il a beau mettre un cuir et moi un uniforme, ça ne compte plus quand il n’y a que nous. C’est compliqué de le faire comprendre à sa famille, je m’en rends bien compte, mais je pense avoir fait mon petit effet lors de notre première rencontre. Seul le temps nous le dira. Mais j’ai l’assurance que Rhymes ne lâchera pas le morceau. Si je suis dingue de lui, il est tout aussi fou de moi. Au moins, nous sommes deux dans cette galère ?

    Un jour, nous voudrons encore plus que ce que nous avons déjà, je le sais, Rhymes aussi. C’est dans l’ordre des choses. On se rencontre, on se cherche, on succombe, on tombe amoureux, on décide de s’aimer, on commence à construire une vie à deux, et d’autres souhaits se mêlent à la partie. Ce jour-là, nous verrons si c’est faisable ou pas. Nous sommes intelligents, capables de beaucoup de choses. À deux cerveaux, les problèmes semblent moins complexes.

    En attendant, je compte bien profiter de ce connard de biker pour moi toute seule. L’avantage d’être l’exclu de service, c’est qu’il me consacre beaucoup de temps en tête à tête.

     

    — Hé, bébé ! lance Rhymes en riant.

     

    Je lève les yeux au ciel. Ce surnom m’agace autant qu’il me fait craquer, mais je ne lui avouerai pas. Je dépose mes affaires près de l’entrée, retire mon arme et mon insigne que je range dans le tiroir. Je détache mes cheveux, ouvre quelques boutons de mon uniforme, retire mes chaussures et attrape mon dossier. Je m’approche du VP qui hache des légumes. Il m’amuse à prendre ses marques dans ma maison comme s’il était chez lui. Bientôt, Rhymes apportera une brosse à dents et des fringues à ce rythme.

    Je dépose le dossier sur la table de la cuisine, puis l’enlace en passant mes bras autour de sa taille pour me blottir contre lui. Son odeur m’envahit, son corps massif contre le mien me rappelle d’intéressants ébats.

    Cet enfoiré m’a manqué aujourd’hui. Est-ce que c’est censé faire ça, quand on… tombe réellement amoureux d’une personne ?

     

    — Robyn… commence le Blood en me sentant mes doigts joués avec sa ceinture.

     

    Je ris à mon tour en embrassant son dos. Je reste sage à savourer simplement ce contact.

     

    — Ca va ? je l’interroge.

     

    — Toujours, c’était la journée oncle et nièce, et toi ?

     

    Je souris, Rhymes est dingue de Harley. On dirait un papa poule. Il est protecteur et aimant. Les gamins ne lui font pas peur. L’espace d’un instant, je me demande quel genre de père il serait avec ses propres enfants.

    Je me raidis en pensant à sa question. Je n’ai pas le temps de faire face que l’atmosphère se gorge d’un léger malaise révélant qu’il y a un problème.

    Rhymes s’arrête de découper ses légumes. Il se tourne pour me faire face. Son regard bleu croise le mien, ses mains mouillées saisissent mon visage.

     

    — J’aime pas du tout l’air que tu as, lance-t-il.

     

    — Je crois que tu ne vas pas aimer ça non plus.

     

    Nous nous dévisageons un instant, j’hésite, je cherche la meilleure façon de lui parler de ma découverte sans que ça n’en pâtisse sur nous. Évidemment, ça ne nous concerne pas, mais c’est moi qui vais lancer la bombe et ça va être à Rhymes de prendre la décision de la déclencher ou pas.

    On a le chic de se compliquer la vie.

     

    — Est-ce qu’on pourrait parler ? je demande en montrant le dossier d’un signe de tête.

     

    Le Blood prend un air suspicieux qui ne trahit pas son inquiétude. On vient de sortir de plusieurs semaines désagréables où nous aurions pu nous retrouver dans une autre situation. Lui comme moi, n’avons guère envie de recommencer.

     

    — Est-ce que ça concerne notre règle numéro trois ?

     

    Je secoue la tête.

     

    — Il n’y a rien dans ce dossier de compromettant pour le club. Tu sais très bien que si j’avais des preuves contre vous, je me tairais.

     

    Rhymes me sourit, bien conscient de ça.

     

    — C’est un des moyens de pression que j’aurais aimé avoir il y a quelques mois, j’explique.

     

    Le VP acquiesce, visiblement soulagé, mais pas tant que ça. Je suis certaine qu’il est en train de se faire des films pour savoir ce que mon geek aurait pu sortir que son geek de frère n’aurait pas contré.

    Je lui fais signe de venir s’assoir en face de moi sur la table de la cuisine. Face à face, je prends le temps de réfléchir en attrapant le dossier. Ce n’est pas la shérif qui parle au biker, c’est la compagne à son amant. Je n’ai plus besoin de cette information pour les faire chanter ou pour leur mettre la pression.

    Mon regard croise le sien, je lui souris en voyant son air sérieux, Rhymes fronce légèrement les sourcils, une ride se dessine sur son front, le rendant sexy.

    Je garde la tête haute.

     

    — Écoute, je commence, j’avais un gars encore sur votre cas. Il devait creuser plus en profondeur vos passés respectifs. Honnêtement, je pensais qu’il avait arrêté ses recherches, mais aujourd’hui, j’ai compris qu’il continuait.

     

    Une tension nait entre nous. Rhymes reste calme, mais la préoccupation le marque de plus en plus.

     

    — Je crois que ça pourrait intéresser votre club ce que j’ai appris. 

     

    Rhymes se raidit, prêt à encaisser le choc, il attend davantage d’explications, je vais lui en donner une partie, notamment, en levant le voile sur qui ces dernières concernent.

     

    — Il y a cinq ans, j’ai appris que tes deux présidents avaient eu une liaison avec la fille de l’ambassadeur des Pays-Bas, une certaine Tennessee Van der Vaast. Mon geek a un peu creusé et… voilà.

     

    Je lui tends le dossier. Il glisse sur la table en bois lorsque Rhymes le récupère. À la mention de la femme, le VP s’est tendu. Mon cœur bat vite quand je le vois l’ouvrir, se figer, le feuilleter avec une telle rapidité. Son visage est noyé sous la stupeur. Il comprend où je veux en venir. Ce doute qui plane. Les dates, les événements. Il y a bien quelque chose.

     

    — Bordel de merde ! jure-t-il. On vient de sortir d’un bordel, et voilà qu’on en découvre un autre de taille !

     

    Le VP se frotte la barbe en regardant de nouveau les photos, ainsi que les documents, justifiant le tout.

     

    — Qui est au courant ? finit-il par me demander.

     

    Mon cœur bat à tout rompre, je m’interroge sur sa future réaction, qu’est-ce qu’il va faire ?

     

    — Personne si ce n’est moi, mon homme et toi. Qu’est-ce que tu vas faire ?

     

    Rhymes secoue la tête, visiblement sous le choc, je l’imagine très bien dresser toutes les possibilités.

     

    — Je ne sais pas comment, mais il va falloir que j’en parle…

     

    — Cette femme… je commence.

     

    Mais le Blood m’interrompt.

     

    — Elle n’a apporté que des ennuis, me coupe Rhymes. Tennessee a failli déchirer notre club il y a cinq ans en se tapant Hurricane puis Creed.

     

    Je ne fais pas de commentaires, pourtant, du peu que je sais de leur monde, une femme en passe de devenir une régulière ou qui l’est déjà, n’a pas à avoir ce genre de comportement. Je me demande comment les deux présidents, frères de cœur, ont fait face à cette tornade : aimer la même femme. Aujourd’hui, ils ne semblent pas y avoir de malaise, alors qu’est-ce qu’il s’est produit pour que cinq ans plus tard, elle en soit là. Vu la tête de Rhymes, ils n’étaient pas au courant.

     

    — Tu penses que c’est lié au club ? je demande quand même.

     

    Le VP hausse les épaules, vraiment indécis.

     

    — Peut-être, je ne peux rien dire, ce n’était pas mes histoires. Ça ne concerne qu’Hurricane et Creed.

     

    Rhymes soupire en se laissant aller contre le dossier de sa chaise. Je suis désolée de le mettre dans cette position délicate.

    Je décide de lui laisser quelques minutes de solitude pour peser le pour et le contre, il a sans doute un coup de fil à passer. Peut-être que notre soirée tombe à l’eau. Je ne lui en voudrais pas. C’est moi qui ai mis ça sur le tapis.

    Je me lève de ma chaise, je vais aller prendre une douche.

     

    — Robyn ? m’interpelle Rhymes.

     

    Je m’arrête, me retourne pour lui faire face.

     

    — Oui ?

     

    — Merci.

     

    Je souris en lui jetant un clin d’œil.

     

    — Ça fait deux, VP, je plaisante.

     

    Le Blood reprend du poil de la bête en entendant ma remarque. L’atmosphère se détend un peu.

     

    — Tu agis comme une vraie régulière et franchement, ça me fait bander comme jamais.

     

    — C’est ta façon de me dire que tu es dingue de moi ? je plaisante.

     

    — Exactement, tout comme je sous-entends que j’adorerai m’envoyer en l’air sous ta douche pour chasser ma mauvaise humeur.

     

    — Tu ne feras rien ce soir ? je demande, surprise.

     

    Rhymes referme le dossier en secouant la tête. Il vide ses poches sur la table, retirant portable, portefeuille et arme.

    La tension se transforme en quelque chose de sexuel qui explose, nous prévenons de la prochaine marche à suivre. Ses yeux bleus ne quittent pas les miens.

     

    — Non, cette nuit, je reste avec ma régulière, je compte bien jouer avec ses propres menottes, la faire jouir et hurler, avant de la trainer devant la télé pour profiter d’elle, déclare Rhymes avec un sérieux ne trahissant presque pas son désir.

     

    À ses mots, j’ai déjà chaud.

    Je rougis en me mordant légèrement la lèvre. Je lui jette regard lubrique.

     

    — Alors qu’est-ce que tu attends ? Je compte bien rejouer avec mes menottes, je le provoque.

     

    J’ouvre le bal, et Rhymes me rejoint en courant dans les escaliers. Sans doute, nous n’atteindrons même pas la salle de bain pour ce round un. Qu’importe, nous ne sommes plus pressés à présent. Notre « nous » existe bien, et on compte le faire perdurer en s’aimant avec cette satanée intensité.

     

    AMHELIIE