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Irish War, Chapitre 12

CHAPITRE 12

Eireen

 

On arrive tant bien que mal à l’appartement de Kenan, je range son vélo à l’endroit qu’il m’indique avant de revenir vers lui. Je tente de chasser la peur qui m’habite, Kenan n’est pas bien, il saigne encore du nez, il se tient les côtés et jure dès qu’il respire ou bouge trop vite.

On monte péniblement la dizaine de marches, l’irlandais et sa maudite fierté refusent de prendre appui sur moi, je dois me fâcher pour qu’on avance, ensemble.

Quelques minutes plus tard, on entre enfin se mettre à l’abri. Je ferme la porte, allument plusieurs lampes, je retire mon gilet tâché de sang et mes chaussures avant de faire signe à Kenan d’aller s’installer dans la cuisine. Sa salle de bain est trop microscopique. J’espère qu’il a ce qu’il faut dans son placard, aller jusqu’à chez moi est impossible.

 

— Assied toi sur le comptoir, je reviens.

 

Il jure en allant s’installer, je ne perds pas de temps. J’arrive dans la salle de bains, je commence à fouiller dans ses placards. Je trouve des serviettes propres, un kit de suture, je chasse la pensée qui me rappelant que j’ai affaire à un soldat de l’IRA, c’est normal pour eux d’avoir ça dans leur pharmacie. Je trouve le restant d’antidouleurs de son récent séjour à l’hosto, ainsi que des compresses, de l’alcool, des pansements et des bandelettes de suture. Kenan est un habitué du ring sauvage des rues et des affrontements.

Je reviens les bras chargés, l’irlandais est assis sur le comptoir, les jambes pendantes dans le vide, il a toujours son vêtement contre son nez qui pisse le sang. Son t-shirt est foutu.

Je refoule la boule d’angoisse qui serre ma gorge. Mon cœur bat vite, l’adrénaline parcourt mon être, je crois que je suis sous le choc. Je tremble, j’essaie de me concentrer sur mon compagnon.

Nettoyer, recoudre si besoin, désinfecter, bander.

Je me lave les mains plusieurs fois, je sens le regard de Kenan sur moi. Il ne m’a pas dévisagé une seule fois depuis que je l’ai aidé à se relever, il fuit mes yeux, je sens la honte qui l’habite, la même que pourraient ressentir mes frères.

Je reviens vers mon patient, Kenan baisse toujours le regard, je saisis sa main, celle qui tient son t-shirt contre son nez. Je redresse son visage pour examiner les dégâts. Je serre les dents, Kenan n’est pas beau à voir. Il va avoir un sacré bleu, son arcade en a pris un coup, et son nez est peut-être cassé.

Le restant du corps est marqué. Son flanc droit est bleu, il a plusieurs ecchymoses qui semblent douloureuses. Il y a beaucoup de sang, mais ça disparaitra.

J’attrape une serviette propre que je mouille. Je nettoie doucement sa peau rougie avant de poursuivre les soins que j’ai appris à l’école d’infirmière.

Kenan serre les poings quand j’applique l’alcool à désinfecter sur ses plaies. Il ne dit rien, pourtant, ça doit brûler. Il est courageux, sa foutue fierté doit bien l’aider aussi.

 

— Tu n’as pas le droit de ressentir de la honte, je murmure en brisant le silence.

 

J’attrape un verre près de l’évier, récupère deux comprimés avant de lui tendre. Il faut calmer la douleur. Kenan avale le tout en secouant la tête, visiblement contre mon avis.

 

— J’ai honte.

 

Ma main entreprend de bander ses plaies maintenant, je cherche son regard qu’il ne m’accorde pas. Ça me blesse qu’il se sente minable alors qu’il a tout fait pour éviter le pire, en prenant des coups. Je ne joue plus à cet instant, je n’ai pas le courage ni la force. Ce n’est pas mon double qu’on a agressé cette nuit, c’est moi. Aucun masque ne peut soulager cette peur. J’ai bien cru que ça se terminerait tragiquement. Je suis inquiète pour Kenan.

 

— Ils n’auraient jamais dû faire ça, c’est eux qui devraient avoir honte, pas toi, pas après m’avoir défendu, pas après les avoir convaincus de…

 

Je ne termine pas ma phrase, ma voix s’enraille, je saisis une autre bandelette que j’applique sur le nez de Kenan, en douceur. Mes yeux me piquent.

 

— Je me suis soumis, j’ai agi comme une merde, contre mes convictions, j’ai honte, bordel, m’avoue Kenan sur un ton méconnaissable.

 

Je lâche les compresses, mes mains tremblantes saisissent son visage, je fais attention de ne pas lui faire mal. Sa mâchoire n’a pas l’air cassée, c’est une bonne nouvelle. Je cherche son regard, je lui impose le mien. Ses pupilles bleues expriment beaucoup de choses, ma poitrine se serre, je ne veux pas qu’il ressente ça. Pour moi, je lui dois tout cette nuit.

 

— Jamais je n’aurai honte d’un homme qui réfléchit avec son cœur, plutôt qu’avec ces poings pour me protéger. Même si ma foutue fierté de femme moderne aimerait dire que je n’ai pas besoin de toi, sans toi ce soir, c’est peut-être moi qu’on apporterait des soins.

 

L’ambiance entre nous devient douloureuse, je refoule un sanglot, la réalité reprend ses droits et l’adrénaline me quitte pour laisser place à la peur. Je frissonne, Kenan se raidit.

 

— Je ne t’ai pas protégé comme j’aurai dû.

 

Mon front s’appuie contre le sien. Sa main râpeuse caresse mon bras, il tente de m’attirer à lui, je résiste, je ne veux pas le faire souffrir plus.

 

— Si, tu l’as fait…

 

Je ne reconnais pas ma voix.

 

— Eireen… je suis désolé, s’excuse-t-il sur un ton brisé.

 

Je secoue la tête, je chasse les larmes, pas ça, pitié. Je ne veux pas me montrer faible, pourtant, la frayeur se diffuse encore dans mon être, je me revois dans les bras du flic, je sens encore émaner de lui, l’excitation de terroriser des innocents. Ses mains touchant mon corps sans aucun professionnalisme. J’entends mes cris, ceux qui supplier l’homme d’arrêter de frapper Kenan.

Il n’avait rien fait, et moi non plus.

C’est la première fois que je me fais agresser de la sorte depuis que j’ai endossé le rôle d’Eireen McNamara. Et dans ma tête, je pensais que ça ne m’arriverait jamais. J’ai été stupide, stupide d’ignorer cette violence-là, de me sentir à l’abri de tout, parce que comme mes frères, comme les autres, je me crois au-dessus de tout par ma condition.

 

— De quoi ? je renchéris en tentant de rester calme. D’être dans un pays où 80% de la population est stupide ? Que ce soit d’un côté ou de l’autre.

 

— J’aurai dû me battre pour qu’ils ne te touchent pas, ils t’ont insulté et…

 

Et dans notre pays, les hommes défendent l’honneur de leurs sœurs, de leur mère, de leur femme, et de leurs filles. Même si ces derniers sont désormais capables de le faire, c’est plus fort qu’eux, c’est une mission ancrée dans leur esprit.

 

— Et te prendre une balle ? Bordel, non Kenan, je ne le méritais pas.

 

Kenan fixe mes yeux, le sérieux gagne ses pupilles, ses mains sur moi se font réconfortantes, il m’attire entre ses jambes. J’ai envie de me blottir contre lui et d’être faible ce soir, j’ai envie de laisser échapper ma peur dans les larmes qui brulent mes yeux. Ma raison m’en empêche, mais mon cœur me supplie d’oublier la réalité, d’oublier que je dois être cette femme fatale séductrice et maitresse de tout.

Je n’étais qu’une jeune femme flirtant avec son compagnon, nous ne faisions aucun mal.

 

— Tu mérites qu’on lève la main sur un homme qui te malmène, et je ne l’ai pas fait.

 

— Tu les as fait partir sans que nous ne soyons blessés, j’insiste.

 

— Ils auraient pu faire pire Eireen.

 

— Je sais…

 

Les rumeurs entre les milices loyalistes et les flics impitoyables sont légion à Belfast. Combien de catholiques se sont fait tabasser, voire tuer au cours de manifestations ou de contrôle nocturne ? Combien de femmes catholiques sont tombées entre les mains d’enfoirés capables de les violer ? Il y a tant d’histoires parmi tant d’autres, mais celles-ci, sont les plus terrible. Il n’y a rien de pire pour une femme de se faire abuser.

Kenan m’attire contre lui en comprenant que je suis sur le point de m’effondrer.

Je ferme les yeux en sentant les premières gouttes salées dévaler la pente de mes joues. J’étais morte de trouille, je n’ai jamais eu peur ainsi, et rien n’aurait pu empêcher ces deux connards de passer à l’acte, même en révélant ma véritable identité, la croix autour de mon cou m’aurait humilié encore plus et la sentence aurait pu être plus élevée.

Je m’accroche à l’irlandais en laissant évacuer ma peur, il me soutient et je me sens bien à ses côtés, protégée, malgré ce qu’il s’est passé, malgré le fait que je ne devrais pas ressentir ça. « J’oublie qui il est lorsque Kenan n’est qu’à mes côtés. Il n’est pas mon ennemi, il est à moi. »

 

— Je suis désolé, s’excuse encore Kenan en embrassant ma joue.

 

Il me tend une serviette propre pour que je me nettoie le visage, je n’ai même pas terminé de m’occuper de lui.

Kenan tente de me sourire, mais le cœur n’y est pas. Il laisse vagabonder ses mains sur moi, pour m’embrasser chastement. Le contact de sa bouche sur la mienne m’apporte une vague de chaleur, elle me fait du bien.

 

— Ça ne se reproduira plus, Eireen, je protège ce qui est à moi.

 

— Depuis quand je suis à toi ? je tente de le provoquer.

 

Sans succès aussi.

 

— Je ne sais pas, murmure-t-il, et je crois que c’est mon problème.

 

Je ne soulève pas, parce que sa déclaration signifie quelque chose que je ne veux pas interpréter cette nuit. Et si j’avais gagné la première partie du deal ? Et si…

La nausée me gagne, je ne me sens pas bien, pas à l’aise.

Je termine de soigner Kenan, il se montre docile et j’espère que les médocs font leur effet pour le soulager un peu.

 

— Tu sais pourquoi je ne veux pas que tu viennes quand Cait est dans les parages ? je lance en reprenant un peu de contrôle sur ma voix.

 

Diversion. C’est gros comme le nez en plein milieu de la figure, mais j’ai besoin de parler d’autre chose, je ne veux pas ressentir cette pression dans ma poitrine et nommer les sentiments qui me hantent.

Je caresse doucement la joue de Kenan, je ne joue toujours pas, à vrai dire, je ne contrôle pas mon geste.

Je le fais parce que j’en ai envie.

 

— Pourquoi ? m’interroge Kenan.

 

— Parce que je ne pourrais pas faire ça dans ma cuisine sans crainte d’être dérangée.

 

J’abandonne mes pansements pour glisser ma main vers sa braguette, mais l’irlandais va plus vite, il m’arrête avant que je ne le touche.

 

— Eireen…

 

— S’il te plait Kenan, je murmure contre sa bouche.

 

Je me fige, surprise de m’entendre demander ça. Le choc doit se lire sur mon visage, Kenan ne cache pas son inquiétude.

Ses paumes enlacent mon visage de nouveau.

 

— Tu n’es pas en état et moi non plus. Viens t’allonger avec moi, je te prendrais dans mes bras et les dernières mains que tu sentiras sur toi, seront les miennes avant de t’endormir, je te le promets, ils ne viendront pas te hanter.

 

Je ferme les yeux en acquiesçant, je me sens mise à nuit, Kenan a lu en moi avec une facilité déconcertante. Il a deviné ce que je pensais, ce dont j’avais besoin.

J’embrasse le coin de sa bouche, Kenan me dit qu’il va se changer, je nettoie le désordre dans la cuisine.

Quelques minutes plus tard, il revient vêtu d’un autre t-shirt et d’un caleçon. Il a ramené la même chose pour moi.

Je me change rapidement dans la cuisine, sans me soucier de son regard trainant vers moi. Il m’a déjà vu nu, il a même vu plus que ça. Quand on jouit dans les bras de l’autre, il n’y a plus de place pour la honte.

Quand je le rejoins, Kenan a déjà transformé son canapé en lit, il s’y allonge et tends une main dans ma direction pour que je le rejoigne.

Je me blottit à ses côtés en prenant soin de ne pas trop le blesser, mais Kenan ne le voit pas de la même façon, il glisse un bras autour de mes épaules et me ramène vers lui, contre lui. Un petit juron lui échappe. La douleur doit se réveiller.

 

— Désolée, je m’excuse.

 

Kenan embrasse mon front, ses doigts caressent mon bras, il semble plus calme qu’il y a quelques instants et je me surprends à me sentir bien contre lui. Je ne voudrais pas être ailleurs.

Qu’est-ce qu’il te prend ?

 

— Ça m’apaise de t’avoir dans mes bras, mo álainn, ça m’évite d’aller casser la gueule de ces enfoirés.

 

Foutu irlandais.

 

— Tu m’as déjà appelé ainsi, dans la grue, je réponds, qu’est-ce que ça veut dire ?

 

Je sens sourire Kenan contre ma tête. Ses doigts n’arrêtent pas de me toucher, des frissons naissent.

 

— Ah oui ? Je ne m’en souviens pas, se défend-il.

 

— C’est un secret ?

 

Mon regard croise le sien, je retrouve un peu du Kenan O’Shea joueur. Il a son petit air malicieux.

 

— T’es belle, et courageuse, mais tu es magnifique. Il n’y a pas le mot sexy en gaélique. Sinon, je t’appellerai ainsi.

 

Ma belle.

Je ferme les yeux, à partir de quand on commence à donner des surnoms à l’autre ?

A-t-on franchi la ligne ? Et pourquoi ça m’inquiète autant ? N’est-ce pas ce que j’espérais ?

Kenan devait être un connard, mais il ne l’est pas. C’est compliqué.

Je me blottis davantage contre lui, il frissonne sous la douleur, alors je tente de ne pas trop m’appuyer sur son torse meurtri. Je me contente d’enfouir ma tête dans son cou en respirant son odeur apaisante, tout en appréciant le réconfort de ces bras. Je ne lui en veux pas, sans lui, je serais peut-être à l’hôpital, marquée à vie. Seulement, cette nuit, j’ai découvert l’autre côté, celle que je me refusais de voir en pensant que les catholiques étaient des emmerdeurs nés, provoquant les bagarres. Nous n’avions rien fait, si ce n’est nous balader comme… deux amoureux.

Nous n’avons rien fait et on nous a agressés sans raison.

Je ferme les yeux en sentant mon cœur se serrer. À force d’injustice et de persécution, on finit par être capable du pire pour obtenir sa sécurité et sa liberté.

Mais dans les deux camps, rien ne justifie leur violence.

 

***

 

Je n’arrive pas à dormir, Kenan lui, est totalement shooté par les médicaments que je lui ai fait prendre. Il a mal, il est trop fier pour le reconnaitre, mais c’est la deuxième fois que je le vois dans cet état. Je ne cesse de penser à ce qu’il aurait pu se passer si l’irlandais avait perdu son calme. Mal, très mal.

Un frisson d’angoisse me parcourt, j’observe Kenan, son visage est crispé par la douleur, mais il dort, j’espère qu’il se remettra vite.

Je quitte l’étreinte de ses bras pour me lever. J’ai envie de prendre une douche, de me vider l’esprit. Je me dirige lentement vers la salle de bains. Je m’enferme, plus par automatisme que par crainte. Je me déshabille, et pars noyer mes inquiétudes sous l’eau chaude.

J’ignore au bout de combien de temps, je finis par sortir, mais la douche m’a fait du bien, elle n’a pas chassé mes pensées remplies de nervosité, j’ai l’impression de valser entre le bien et le mal.

Et si je me faisais baiser moi aussi ? Est-ce que je reconnais la femme dans mon reflet ?

Je fronce les sourcils en voyant dans le miroir, derrière moi, un carreau n’est pas aussi enfoncé que les autres.

Je renoue correctement la serviette autour de mon corps avant de me diriger vers l’endroit qui a attiré ma curiosité.

Ma main passe sur le carreau, on dirait qu’il est creux. Je force un peu et sans surprise, j’arrive à le sortir. Mon cœur rate un battement quand j’y découvre un revolver, ainsi que des papiers.

Est-ce que je viens de trouver une piste ?

Je zieute la porte, j’ai bien fait de la fermer.

Je saisis les papiers en prenant soin de ne pas faire de bruits, ce que je découvre me fait l’effet d’une bombe.

 

— Oh bordel… je jure.

 

C’est un plan, un plan de construction pour… un mécanisme explosif. Kenan a le plan de la bombe.

Est-ce un hasard ?

Je ne crois pas.

Mon rythme cardiaque s’accélère, j’examine les autres documents, rien d’important pour moi, si ce n’est ce plan et une liste, on dirait des composants.

Je prends quelques instants pour me calmer, mon cerveau de battante s’enclenche et je m’accroche à ce que je dois faire, plutôt qu’à mes pensées. Je dois redevenir cette Eireen, celle que je reconnais, celle qui ferait n’importe quoi pour ce qu’elle croit et pour éviter un massacre.

Je n’écoute pas mon cœur, j’écoute ma raison, elle me dit que l’UVF a besoin de ça.

Je remets en place le plan, puis le carreau, si Kenan se réveille, je n’aurai rien laissé de compromettant

Je sors de la salle de bain, toujours à moitié nue, j’avance lentement dans l’obscurité, Kenan toujours endormi. Je me dirige vers mon sac, je garde toujours un petit carnet pour dessiner.

Une fois l’objet saisit, je retourne dans la salle de bain, je m’enferme à nouveau. Je décide d’user de mes talents et de recopier des informations concernant le plan.

Je me sens étrange en agissant, mais je me déconnecte de mes sentiments, ce sera trop dur. À chaque bruit de l’autre côté de la porte, je sursaute, mais je continue sans chercher à comprendre pourquoi.

 

***

 

« Voilà un aperçu avant ta visite dans mon antre (l’autre), repose-toi, je pense à toi ».

 

Je laisse le dessin sur la taie d’oreiller, j’embrasse la joue de Kenan en sentant mon cœur se serrer. Après avoir recopié le plan du mieux que j’ai pu, je suis retournée auprès de l’irlandais en ressentant une étrange culpabilité. J’ai commencé à dessiner en allumant la lampe près de moi, sans le quitter des yeux, surveillant son état. Je lui laisse aussi des médicaments et quelques instructions. Une part de moi voudrait rester, une autre a besoin de s’échapper.

 

 

Je quitte son appartement sur la pointe des pieds, mes chaussures en main, le restant de mes affaires dans l’autre.

Une fois dehors, je remarque que le jour se lève à peine, il fait frais, et mon gilet tâchée de sang ne m’est d’aucune utilité. Je marche vers une cabine, j’en trouve au bout de la rue. J’y entre, mon corps est épuisé et encore sous le choc de la nuit précédente.

Je compose un numéro que je connais par cœur, ça sonne longtemps avant que quelqu’un ne décroche.

 

— Il est six heures bordel de merde !

 

Quel accueil !

Ma patience mise à rude épreuve ses derniers temps n’arrive pas, à la place, je laisse la frustration et la fatigue s’exprimer.

 

— Eamon, ferme ta gueule, tu es pasteur, la grasse matinée c’est un mythe chez toi !

 

Silence à l’autre bout de l’appareil, j’imagine mon grand frère se frotter les yeux pour essayer d’encaisser mon sermon.

 

— Eireen ? Bon Dieu, jure-t-il, pourquoi m’appelles-tu ? Tout va bien ?

 

Je ferme les yeux en m’appuyant contre la vitre de la cabine.

 

— J’ai besoin de te voir s’il te plait.

 

Le ton de ma voix est triste, j’espère qu’il n’engendre pas trop d’inquiétude chez mon frère.

 

— J’ai trouvé une information capitale pour l’attentat, je poursuis pour couper court à toutes les suppositions d’Eamon.

 

— Du genre ?

 

— J’ai une copie du plan de la bombe sur moi.

 

Mon frère jure de nouveau, mon regard se porte vers l’immeuble de Kenan.

Pourquoi suis-je aussi confuse ? Je ne fais que mon boulot, je tente de sauver des innocents, mais pourquoi l’idée de condamner Kenan me fait si mal ?

Parce que je m’attache, tout simple, je m’attache à un homme qui s’ouvre à moi et qui valse dangereusement avec ses sentiments.

Et si j’avais gagné, et si Kenan O’Shea était déjà amoureux de moi, quel genre de personne je deviendrai en usant de l’amour pour arriver à mes fins ?

Un monstre.

Pourtant… je ne peux pas faire machine arrière. Je vais devoir vivre avec ça, en espérant ne pas me rendre compte que la douleur qui serre ma poitrine ressemble à la lueur dans le regard de l’irlandais.

Commentaires

  • Putain que c'est dur ! J'espère que ça devenir de plus en plus difficile pour elle !
    Putain de flics de M ! Au nom de la loi, ordures !
    Super chapitre les filles, mon cœur s'est serré pour l'Irlandais. Décidément hihihi on les aime

  • Super chapitre encore une fois... eireen est prise entre 2 sentiments et sa promet une belle suite...encore svp

  • coucou. j'adore cette histoire encore une fois tu nous fait voyager dans un univers totalement inconnu et comme souvent quand je te lis j'ai envie d'en savoir plus sur l'histoire et du coup je vais faire des recherches... et la j'ai du mal à situer la date de l'action par rapport au conflit... et les dates sont super importantes pour situer le degrés de gravité du conflit dans me temps... bref c'est quelle année la rencontre des amants maudits? (tu l'as sans doute dit dans les 1er chapitres mais je l'ai pas noté) en tout cas merci pour ces histoire toujours plus belles et si bien documentées... ;)

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