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Irish War

  • Irish War, Chapitre 13

    CHAPITRE 13

    Kenan

     

    Je range le transpalette dans le hangar. Les gars ont été cool ce matin, ils m’ont laissé à la manœuvre. Étant donné mon état je n’aurais pas pu passer mon temps à me baisser et transporté des cartons. Mes cotes me font mal et je risque d’en avoir pour un moment. Le port c’est comme une grande famille, on se connait depuis des années et la plupart des hommes qui font la sale besogne sont catholiques. Un emploi trop bien pour ces foutus protestants.

    J’ai la rage. La même que quand l’UVF a attaqué la maison de ma sœur et tué mon beau-frère. Une rage qui me pousserait à faire une descente cagoulée dans un commissariat et descendre tout ce qui se trouve sur mon chemin. Ils m’ont humilié devant Eireen et quand je pense à ce qui aurait pu se passer j’ai envie de tout casser.

    J’enlève mon casque et je rejoins le reste de l’équipe dans la salle de pause. Rory est avec moi ce matin, on n’a pas eu le temps de parler avant la prise de service, mais je ne vais pas y échapper durant le déjeuner.

    J’entre dans la salle et pose mon équipement sur le porte-manteau. Je repère rapidement mon frère qui me fait de grands signes pour que je le rejoigne au fond de la salle. Il a apporté notre déjeuner en provenance directe de chez ma mère et je meurs de faim.

    Je m’installe en face de Rory, Dick un ami tente de venir s’asseoir avec nous, mais Rory lui fait singe de dégager.

    Mon frère attend que nous soyons seuls pour me fusiller de son regard bleu et exiger des explications sur mon état.

     

    — Qu’est-ce que t’as foutu encore ?

     

    Mon nez me fait mal aussi, je ne sais pas s’il est cassé, mais le sifflement qu’il émet quand je respire commence à m’agacer aussi.

     

    — Je me suis fait contrôler hier soir.

     

    Rory jure, son poing s’abat lourdement sur la table. Je regarde autour de nous, personne ne fait attention à nous, trop occupé à dévorer leur déjeuner. Je pioche dans le sac de mon frère, un des nombreux sandwichs qu’il contient.

     

    — Où ?

     

    J’inspire, si je lui dis que je trainais dans un quartier dans lequel je savais ce que je risquais il va s’énerver un peu plus.

     

    — Près de chez moi.

     

    Rory fronce les sourcils en se demandant bien comment c’est possible.

     

    — J’étais avec Eireen.

     

    — Merde, elle va bien ?

     

    J’acquiesce même si elle a été choquée elle va bien physiquement. Je me raccroche à ça, au fait qu’il ne lui ait rien arrivé, malgré son regard paniqué, malgré sa détresse après.

     

    — Qu’est-ce qu’il y a ? demande Rory, t’as l’air à cran, ce n’est pourtant pas la première fois que ça t’arrive.

     

    Non ce n’est pas la première et sûrement que ce ne sera pas la dernière. Seulement cette fois j’ai dû me rabaisser et ça ne passe pas. Ma fierté d’irlandais l’a mauvaise et surtout j’en ai marre que ce soit une sorte d’habitude avec laquelle je dois vivre.

     

    — Imagine ce qu’ils auraient pu faire à Eireen. Bordel ça doit cesser Rory, ces conneries doivent s’arrêter et vite.

     

    Mon frère se redresse sur sa chaise, le dos bien droit avec sa carrure de bodybuilder il est assez impressionnant quand il fait ça. Il inspire lourdement en posant ses mains bien à plat sur la table.

     

    — Ça pourrait être Kerry la prochaine fois ! je lance en haussant le ton.

     

    La rage m’inonde et si j’ai parfois quelques doutes sur nos actions avec l’IRA, dans ce genre de situation je sais que c’est la solution. Qu’on doit se faire entendre purique même les autorités contribuent à la stigmatisation des catholiques dans ce pays. On ne peut compter que sur nous.

     

    Ils vont payer, mon frère, ils vont tous payer pour ce qu’ils nous ont fait.

     

    — Que Dieu t’entende !

     

    On poursuit le déjeuner en silence, chacun pris dans ses pensées. Les miennes sont toutes tournées vers Eireen. Elle n’était pas là ce matin quand je me suis réveillé et ça m’a fait peur. Malgré son message je me suis empressé d’appeler chez elle, mais je suis tombé sur le répondeur. J’ai besoin de la voir, besoin de savoir qu’elle va bien et de la tenir dans mes bras. C’est en train de me bouffer cette attente sans nouvelles. On n’a pas beaucoup parlé hier soir et si j’ai vu qu’elle était choquée j’ignore ce qu’il en est ce matin. Comment elle le vit ? J’ai besoin de la voir.

    Je me lève, je n’ai plus faim, je demande à mon frère de ne rien dire à mon père pour ce qu’il s’est passé hier, mais c’est peine perdue. Rory ne se taira pas. Tant pis, j’irais affronter mon père et le reste de ma famille demain en espérant que j’ai moins une salle gueule qu’aujourd’hui sinon ma mère risque de ne pas s’en remettre.

    Je fais demi-tour et je sens la main de mon frère tirer quelque chose de ma poche arrière. Je me retourne au moment où il se met à rire.

     

    — Ken joue les mannequins !

     

    Merde !

    Je tente de lui arracher le dessin qu’Eireen a fait de moi endormi.

     

    — Rends-moi ça !

     

    Rory rigole puis il s’apprête à lire le message bien trop personnel qu’elle m’a laissé à tous nos collègues.

     

    — Si tu fais ça, je te les coupe dans ton sommeil. Je ne plaisante pas Rory.

     

    Il hésite quelque seconde et sûrement qu’il comprend que je suis sérieux. Il finit par me rendre le dessin. Je lui arrache des mains et le range dans la poche intérieure de ma veste.

    Il ricane comme l’imbécile qu’il est quand il s’y met et je sais que toute ma famille va être au courant de mes visites dans l’antre d’Eireen. Je quitte la salle de pause sous les rires de mes collègues qui s’en donnent à cœur joie de mon statut de mannequin mêlé au diminutif de mon prénom. Je déteste qu’on m’appelle Ken, qu’on me compare à la poupée ridicule, mais ça me fait aussi sourire quand on me demande si j’ai rencontré ma Barbie. Eireen n’a rien à voir avec la poupée blonde, elle est tellement plus belle et surtout, elle a ce que le plastique n’a pas, un caractère bien plus existant qu’un corps parfait.

     

    ***

     

    Je frappe à la porte et j’attends en stressant qu’Eireen vienne m’ouvrir. J’ai réussi à la joindre en fin de journée lorsqu’elle venait de rentrer de son service et deux heures plus tard me voilà devant chez elle.

    Eireen ouvre la porte et reste à moitié caché derrière le battant. Elle me fait signe d’entrer, je m’exécute et regarde autour de moi quelques secondes en attendant qu’elle referme. PETTITE DESCRIPTION DE L’ENTREE ET DE CE QU’ON Y VOIT.

    Elle finit par passer devant moi et mon regard se pose sur elle. L’infirmière est en t-shirt, ses longs cheveux blonds attachés en queue de cheval encore un peu humide de la douche. Mes yeux la détaillent de la tête aux pieds avant de se poser sur son regard bleu. Il y a une sorte de gêne et en même temps autre chose qu’on ressent tous les deux. L’envie de toucher l’autre de faire ce qu’on a été incapable de faire hier, de se retrouver et de se rassurer. Mes, mais quittent mes poches et avant qu’elle n’ait prononcé les paroles qui s‘apprêtent à sortir de sa bouche ma bouche se pose dessus lorsque mes paumes encadrent son visage.

    Eireen semble surprise l’espace d’une seconde puis elle répond à mon baiser avec autant de passion que celle que je lui donne.

    J’ai besoin d’elle, besoin de l’avoir et je sais qu’elle éprouve la même chose. Elle veut que ce soit mes mains sur elle, elle veut que ce soit mon corps contre le sien et que je la désire encore.

    Eireen m’embrasse en s‘accrochant à mes bras, sa langue s’enroule autour de la mienne et le désir emporte tout sur son passage. Je la soulève et grogne de douleur lorsque ses jambes s’enroulent autour de ma taille et s’appuient sur mes cotes.

     

    — Désolée, je …

     

    Je lui coupe la parole en reprenant ses lèvres, je me fous d’un peu de douleur, bientôt ce ne sera qu’un mauvais souvenir.

     

    — Guide-moi jusqu’à ta chambre, dis-je à bout de souffle contre ses lèvres.

     

    Elle tend la main et me montre une porte de l’autre côté du salon. Je nous entraine jusque-là en percutant quelques meubles quand trop pris par ses baisers je ne peux pas voir ce qui nous entoure. Eireen ouvre la porte, sa chambre est plongée dans le noir, je laisse la porte ouverte pour avoir assez de lumière pour la voir.

    Je dépose l’infirmière au sol, ses mains glissent sur mon torse et fond tombé mon blouson au passage. J’enlève son t-shirt et la découvre nue.

     

    Mo álainn, je murmure en laissant mes doigts trainer sur son épaule.

     

    Elle est si belle, si sexy, si parfaite. Je ne m’étais pas rendu compte que je l’appelais comme ça dans l’intimité, ce sont des mots qui sortent tout seuls, mon inconscient qui parle lorsqu’il la voit. Mes doigts glissent sur sa peau, sur son sein puis sur son ventre. Eireen frissonne et ferme les yeux un instant. Puis, lorsque ma main se faufile entre ses jambes, elle me regarde avec envie.

     

    — Kenan, tu es sûr d’être en état pour…

     

    Ces paroles se finissent en gémissement lorsque je frotte son clitoris. Je l’approche de moi et reprends ses lèvres en continuant de la caresser comme elle aime. Doucement d’abord, puis plus fort.

    Notre baiser prend fin quand j’attrape sa main et la pose sur mon sexe bandé sous mon jean.

     

    — Non, mais si tu prends les choses en main ça devrait aller.

     

    Eireen sourit, elle recule et échappe à mes caresses. Elle enlève mon t-shirt et grimace face aux contusions sur mes côtes à peine cachées par mes tatouages.

     

    — Assieds-toi, dit-elle d’un ton qui m’excite un peu plus.

     

    Je la contourne et me laisse tomber sur le lit, elle s’approche entre mes jambes et commence à défaire ma ceinture alors que j’embrasse ses épaules et son cou. Je sens ses mains tirées sur mon jean, je lève les fesses pour l’aider sans arrêter d’embrasser sa peau à l’odeur fruitée qui me fait tourner la tête. Eireen s’agenouille pour finir de me déshabiller, elle balance le tout à côté et puis ses paumes s’appuient sur mes cuisses et je vois sa bouche s’approcher dangereusement de ma queue. Sa langue sort et lèche la base pour remonter doucement, trop doucement tout le long jusqu’à venir s’enrouler sur mon gland.

    Nom de dieu !

    Je la regarde faire, le souffle court et la respiration si forte qu’elle est douloureuse pour mes cotes. Elle recommence encore et encore de lécher ma queue qui entraperçoit la douceur et la chaleur de sa bouche, mais Eireen se contente de donner des coups de langue. Ses seins frôlent mes cuisses, ses mains s‘y accrochent avec force et je suis au supplice d’attendre ses prochains gestes. Un autre coup de langue qui se termine par ses lèvres qui aspirent mon gland et un grognement étrange sort de ma gorge. C’est trop bon, mais ce n’est pas assez.

     

    — Bon Dieu Eireen !

     

    — Quoi ? elle demande après s’être léchée les lèvres comme si elle savourait le goût de mon sexe.

     

    Cette femme est bien trop sexy pour mon self contrôle. Elle me sourit puis sa bouche s’ouvre et engouffre mon sexe jusqu’à la base avant de se retirer en l’aspirant.

     

    — Ça ?

     

    — Oui ça !

     

    Elle replonge sur ma queue et me suce divinement, doucement, en appuyant ses lèvres sur ma peau et en laissant sa langue trainée le long de ma verge. C’est délicieux. C’est parfait et je me laisse aller en arrière sur mes avant-bras tout en la regardant faire. Elle est magnifique. Ses yeux ne quittent pas les miens alors qu’elle suçote mon gland. Le plaisir est divin encore plus en sentant sa langue se mêler à la partie. Je me redresse, elle ne s’arrête pas et m’enfonce dans sa gorge pendant que je défais sa queue de cheval. Ma main passe dans ses cheveux qui se déploient autour d’elle. Je suis le mouvement de sa tête sur ma queue, ses aspirations et la profondeur avec laquelle elle me prend. Le plaisir monte, il devient fort, trop fort et Eireen me relâche. Elle essuie ses lèvres avec sa langue.

     

    — Capote dans mon blouson.

     

    Elle se retourne et me donne une vue parfaite sur son cul, je me caresse alors qu’elle déniche le préservatif dans ma veste. Elle revient vers moi et m’enfile la protection. Puis elle grimpe sur le lit, au-dessus de moi pendant que je recule pour être allongé. J’ai trop envie d’elle pour faire autre chose, j’ai envie de la sentir autour de moi, que son corps m’accueille.

    Eireen saisit mon sexe et le place à l’entrée de son sexe puis avec ses cuisses autour de moi elle se laisse glisser dessus doucement. Elle m’emprisonne dans son vagin brûlant et lorsqu’elle m’a absorbé totalement on reste ainsi un moment, dans le silence, seulement troublé par nos respirations lourdes à savourer l’autre. C’est si bon qu’elle soit là, si belle avec ce côté vulnérable qui ressort lorsqu’on fait l’amour. J’aime la voir ainsi, abandonné à son plaisir et à moi.

    Eireen se lève doucement, elle fait des vas et viens avec ses hanches, mes mains se posent sur ses fesses, pour sentir ce mouvement dément qu’elle fait avec son cul parfait.

    Elle accélère ses pénétrations, puis elle se penche au-dessus de moi, elle prend garde à laisser ses mains sur le matelas et pas sur mon torse meurtri. Sa bouche à quelques centimètres de la mienne, je sens son souffle brulant sur ma peau, ses cheveux nous encadrent et son regard ne me quitte pas. J’ai la terrible impression qu’elle prend conscience que c’est nous, ensemble, que ce qu’elle ressent la dépasse et que c’est trop fort. Mes mains quittent ses fesses pour prendre sa nuque et approcher son visage afin de l’embrasser. Je ferme les yeux en sentant son corps continuer de nous unir et sa langue qui a encore le gout de mon sexe tournoyer avec la mienne. J’aime cette femme. J’ignore comment c’est arrivé, comment elle a réussi à prendre cette place dans mon cœur, mais je sais que je suis amoureux d’elle. Cette peur pour elle que j’ai ressentie hier, ce sentiment que j’aurais tout fait qu’elle ne soit pas blessée, aucune femme ne me l’a fait ressentir comme Eireen. Je le ressens alors qu’elle continue de nous unir avec passion, que sa peau touche la mienne et que nos corps ne font plus qu’un. Où ça va nous mener tout ça ? Elle ne sait rien de moi, rien de ce côté patriote qui n’existe pas quand on est ensemble. Elle connait ce que j’ai voulu partager avec elle et pourtant je suis tombé amoureux de cette femme audacieuse et sexy. Comment je vais pouvoir continuer à lui cacher qui je suis en l’aimant ?

    Eireen relâche ma bouche et me ramène à l’instant présent, son corps s’appuie un peu plus sur le mien, ses seins viennent frôler mon torse et je la redresse un peu pour venir en capturer la pointe entre mes lèvres. Elle gémit lorsque je l’aspire et la mordille, ses mouvements sur ma queue sont plus rigoureux, elle cherche l’apaisement, mais je n’en ai pas fini avec elle. Je relâche sa poitrine et de mes mains je la soulève de ma queue et la pousse en avant. Eireen comprend ce que je veux et son corps se déplace pour que son sexe soit au-dessus de mon visage.

    Elle ne bouge pas et je comprends ce qui l’arrête.

    Je souris avant de donner un coup de langue sur son clitoris. Je la sens frissonner pourtant elle garde ses précautions sur mon visage blessé. J’abaisse son bassin de mes mains et enfin son sexe est sur ma bouche. Ma langue ne lui laisse pas de répit, elle lèche ses lèvres et retrouve son gout que j’adore. Eireen se détend et se laisse aller à passer une main dans mes cheveux pour me maintenir contre elle. Ses hanches bougent, elle gémit à chaque fois que ma bouche aspire son clitoris ou que ma langue vient le lécher. Mes doigts se joignent à al partie et entre en elle facilement tellement elle est humide et ouverte. La sentir comme ça envoie des décharges dans ma queue qui a envie de la retrouver, mais je veux qu’elle jouisse ainsi. Sur mes lèvres. Eireen est proche, ses mouvements sont plus désordonnés, sa respiration plus forte et ses gémissements plus forts. Sa main tire un peu plus fort mes cheveux, ça m’excite de plus en plus de la sentir se laisser aller ainsi. Mes doigts vont et viennent en elle, ma langue lèche chaque partie de son intimité et je sens Eireen se crisper lorsque la jouissance l’inonde. Son corps se relâche puis il reprend ses mouvements fous sur mon visage pour plus de sensations, alors qu’elle crie son plaisir. Elle finit par tomber en avant et par échapper à ma prise. Je lèche mes doigts remplis de son jus et la laisse reprendre son souffle en caressant la peau douce de ses cuisses autour de moi. On a le temps, on a toutes la nuit pour remettre ça et peut-être qu’au petit matin j’aurai troué une solution pour concilier mon amour et mon devoir envers mon pays.

  • Irish War, Chapitre 12

    CHAPITRE 12

    Eireen

     

    On arrive tant bien que mal à l’appartement de Kenan, je range son vélo à l’endroit qu’il m’indique avant de revenir vers lui. Je tente de chasser la peur qui m’habite, Kenan n’est pas bien, il saigne encore du nez, il se tient les côtés et jure dès qu’il respire ou bouge trop vite.

    On monte péniblement la dizaine de marches, l’irlandais et sa maudite fierté refusent de prendre appui sur moi, je dois me fâcher pour qu’on avance, ensemble.

    Quelques minutes plus tard, on entre enfin se mettre à l’abri. Je ferme la porte, allument plusieurs lampes, je retire mon gilet tâché de sang et mes chaussures avant de faire signe à Kenan d’aller s’installer dans la cuisine. Sa salle de bain est trop microscopique. J’espère qu’il a ce qu’il faut dans son placard, aller jusqu’à chez moi est impossible.

     

    — Assied toi sur le comptoir, je reviens.

     

    Il jure en allant s’installer, je ne perds pas de temps. J’arrive dans la salle de bains, je commence à fouiller dans ses placards. Je trouve des serviettes propres, un kit de suture, je chasse la pensée qui me rappelant que j’ai affaire à un soldat de l’IRA, c’est normal pour eux d’avoir ça dans leur pharmacie. Je trouve le restant d’antidouleurs de son récent séjour à l’hosto, ainsi que des compresses, de l’alcool, des pansements et des bandelettes de suture. Kenan est un habitué du ring sauvage des rues et des affrontements.

    Je reviens les bras chargés, l’irlandais est assis sur le comptoir, les jambes pendantes dans le vide, il a toujours son vêtement contre son nez qui pisse le sang. Son t-shirt est foutu.

    Je refoule la boule d’angoisse qui serre ma gorge. Mon cœur bat vite, l’adrénaline parcourt mon être, je crois que je suis sous le choc. Je tremble, j’essaie de me concentrer sur mon compagnon.

    Nettoyer, recoudre si besoin, désinfecter, bander.

    Je me lave les mains plusieurs fois, je sens le regard de Kenan sur moi. Il ne m’a pas dévisagé une seule fois depuis que je l’ai aidé à se relever, il fuit mes yeux, je sens la honte qui l’habite, la même que pourraient ressentir mes frères.

    Je reviens vers mon patient, Kenan baisse toujours le regard, je saisis sa main, celle qui tient son t-shirt contre son nez. Je redresse son visage pour examiner les dégâts. Je serre les dents, Kenan n’est pas beau à voir. Il va avoir un sacré bleu, son arcade en a pris un coup, et son nez est peut-être cassé.

    Le restant du corps est marqué. Son flanc droit est bleu, il a plusieurs ecchymoses qui semblent douloureuses. Il y a beaucoup de sang, mais ça disparaitra.

    J’attrape une serviette propre que je mouille. Je nettoie doucement sa peau rougie avant de poursuivre les soins que j’ai appris à l’école d’infirmière.

    Kenan serre les poings quand j’applique l’alcool à désinfecter sur ses plaies. Il ne dit rien, pourtant, ça doit brûler. Il est courageux, sa foutue fierté doit bien l’aider aussi.

     

    — Tu n’as pas le droit de ressentir de la honte, je murmure en brisant le silence.

     

    J’attrape un verre près de l’évier, récupère deux comprimés avant de lui tendre. Il faut calmer la douleur. Kenan avale le tout en secouant la tête, visiblement contre mon avis.

     

    — J’ai honte.

     

    Ma main entreprend de bander ses plaies maintenant, je cherche son regard qu’il ne m’accorde pas. Ça me blesse qu’il se sente minable alors qu’il a tout fait pour éviter le pire, en prenant des coups. Je ne joue plus à cet instant, je n’ai pas le courage ni la force. Ce n’est pas mon double qu’on a agressé cette nuit, c’est moi. Aucun masque ne peut soulager cette peur. J’ai bien cru que ça se terminerait tragiquement. Je suis inquiète pour Kenan.

     

    — Ils n’auraient jamais dû faire ça, c’est eux qui devraient avoir honte, pas toi, pas après m’avoir défendu, pas après les avoir convaincus de…

     

    Je ne termine pas ma phrase, ma voix s’enraille, je saisis une autre bandelette que j’applique sur le nez de Kenan, en douceur. Mes yeux me piquent.

     

    — Je me suis soumis, j’ai agi comme une merde, contre mes convictions, j’ai honte, bordel, m’avoue Kenan sur un ton méconnaissable.

     

    Je lâche les compresses, mes mains tremblantes saisissent son visage, je fais attention de ne pas lui faire mal. Sa mâchoire n’a pas l’air cassée, c’est une bonne nouvelle. Je cherche son regard, je lui impose le mien. Ses pupilles bleues expriment beaucoup de choses, ma poitrine se serre, je ne veux pas qu’il ressente ça. Pour moi, je lui dois tout cette nuit.

     

    — Jamais je n’aurai honte d’un homme qui réfléchit avec son cœur, plutôt qu’avec ces poings pour me protéger. Même si ma foutue fierté de femme moderne aimerait dire que je n’ai pas besoin de toi, sans toi ce soir, c’est peut-être moi qu’on apporterait des soins.

     

    L’ambiance entre nous devient douloureuse, je refoule un sanglot, la réalité reprend ses droits et l’adrénaline me quitte pour laisser place à la peur. Je frissonne, Kenan se raidit.

     

    — Je ne t’ai pas protégé comme j’aurai dû.

     

    Mon front s’appuie contre le sien. Sa main râpeuse caresse mon bras, il tente de m’attirer à lui, je résiste, je ne veux pas le faire souffrir plus.

     

    — Si, tu l’as fait…

     

    Je ne reconnais pas ma voix.

     

    — Eireen… je suis désolé, s’excuse-t-il sur un ton brisé.

     

    Je secoue la tête, je chasse les larmes, pas ça, pitié. Je ne veux pas me montrer faible, pourtant, la frayeur se diffuse encore dans mon être, je me revois dans les bras du flic, je sens encore émaner de lui, l’excitation de terroriser des innocents. Ses mains touchant mon corps sans aucun professionnalisme. J’entends mes cris, ceux qui supplier l’homme d’arrêter de frapper Kenan.

    Il n’avait rien fait, et moi non plus.

    C’est la première fois que je me fais agresser de la sorte depuis que j’ai endossé le rôle d’Eireen McNamara. Et dans ma tête, je pensais que ça ne m’arriverait jamais. J’ai été stupide, stupide d’ignorer cette violence-là, de me sentir à l’abri de tout, parce que comme mes frères, comme les autres, je me crois au-dessus de tout par ma condition.

     

    — De quoi ? je renchéris en tentant de rester calme. D’être dans un pays où 80% de la population est stupide ? Que ce soit d’un côté ou de l’autre.

     

    — J’aurai dû me battre pour qu’ils ne te touchent pas, ils t’ont insulté et…

     

    Et dans notre pays, les hommes défendent l’honneur de leurs sœurs, de leur mère, de leur femme, et de leurs filles. Même si ces derniers sont désormais capables de le faire, c’est plus fort qu’eux, c’est une mission ancrée dans leur esprit.

     

    — Et te prendre une balle ? Bordel, non Kenan, je ne le méritais pas.

     

    Kenan fixe mes yeux, le sérieux gagne ses pupilles, ses mains sur moi se font réconfortantes, il m’attire entre ses jambes. J’ai envie de me blottir contre lui et d’être faible ce soir, j’ai envie de laisser échapper ma peur dans les larmes qui brulent mes yeux. Ma raison m’en empêche, mais mon cœur me supplie d’oublier la réalité, d’oublier que je dois être cette femme fatale séductrice et maitresse de tout.

    Je n’étais qu’une jeune femme flirtant avec son compagnon, nous ne faisions aucun mal.

     

    — Tu mérites qu’on lève la main sur un homme qui te malmène, et je ne l’ai pas fait.

     

    — Tu les as fait partir sans que nous ne soyons blessés, j’insiste.

     

    — Ils auraient pu faire pire Eireen.

     

    — Je sais…

     

    Les rumeurs entre les milices loyalistes et les flics impitoyables sont légion à Belfast. Combien de catholiques se sont fait tabasser, voire tuer au cours de manifestations ou de contrôle nocturne ? Combien de femmes catholiques sont tombées entre les mains d’enfoirés capables de les violer ? Il y a tant d’histoires parmi tant d’autres, mais celles-ci, sont les plus terrible. Il n’y a rien de pire pour une femme de se faire abuser.

    Kenan m’attire contre lui en comprenant que je suis sur le point de m’effondrer.

    Je ferme les yeux en sentant les premières gouttes salées dévaler la pente de mes joues. J’étais morte de trouille, je n’ai jamais eu peur ainsi, et rien n’aurait pu empêcher ces deux connards de passer à l’acte, même en révélant ma véritable identité, la croix autour de mon cou m’aurait humilié encore plus et la sentence aurait pu être plus élevée.

    Je m’accroche à l’irlandais en laissant évacuer ma peur, il me soutient et je me sens bien à ses côtés, protégée, malgré ce qu’il s’est passé, malgré le fait que je ne devrais pas ressentir ça. « J’oublie qui il est lorsque Kenan n’est qu’à mes côtés. Il n’est pas mon ennemi, il est à moi. »

     

    — Je suis désolé, s’excuse encore Kenan en embrassant ma joue.

     

    Il me tend une serviette propre pour que je me nettoie le visage, je n’ai même pas terminé de m’occuper de lui.

    Kenan tente de me sourire, mais le cœur n’y est pas. Il laisse vagabonder ses mains sur moi, pour m’embrasser chastement. Le contact de sa bouche sur la mienne m’apporte une vague de chaleur, elle me fait du bien.

     

    — Ça ne se reproduira plus, Eireen, je protège ce qui est à moi.

     

    — Depuis quand je suis à toi ? je tente de le provoquer.

     

    Sans succès aussi.

     

    — Je ne sais pas, murmure-t-il, et je crois que c’est mon problème.

     

    Je ne soulève pas, parce que sa déclaration signifie quelque chose que je ne veux pas interpréter cette nuit. Et si j’avais gagné la première partie du deal ? Et si…

    La nausée me gagne, je ne me sens pas bien, pas à l’aise.

    Je termine de soigner Kenan, il se montre docile et j’espère que les médocs font leur effet pour le soulager un peu.

     

    — Tu sais pourquoi je ne veux pas que tu viennes quand Cait est dans les parages ? je lance en reprenant un peu de contrôle sur ma voix.

     

    Diversion. C’est gros comme le nez en plein milieu de la figure, mais j’ai besoin de parler d’autre chose, je ne veux pas ressentir cette pression dans ma poitrine et nommer les sentiments qui me hantent.

    Je caresse doucement la joue de Kenan, je ne joue toujours pas, à vrai dire, je ne contrôle pas mon geste.

    Je le fais parce que j’en ai envie.

     

    — Pourquoi ? m’interroge Kenan.

     

    — Parce que je ne pourrais pas faire ça dans ma cuisine sans crainte d’être dérangée.

     

    J’abandonne mes pansements pour glisser ma main vers sa braguette, mais l’irlandais va plus vite, il m’arrête avant que je ne le touche.

     

    — Eireen…

     

    — S’il te plait Kenan, je murmure contre sa bouche.

     

    Je me fige, surprise de m’entendre demander ça. Le choc doit se lire sur mon visage, Kenan ne cache pas son inquiétude.

    Ses paumes enlacent mon visage de nouveau.

     

    — Tu n’es pas en état et moi non plus. Viens t’allonger avec moi, je te prendrais dans mes bras et les dernières mains que tu sentiras sur toi, seront les miennes avant de t’endormir, je te le promets, ils ne viendront pas te hanter.

     

    Je ferme les yeux en acquiesçant, je me sens mise à nuit, Kenan a lu en moi avec une facilité déconcertante. Il a deviné ce que je pensais, ce dont j’avais besoin.

    J’embrasse le coin de sa bouche, Kenan me dit qu’il va se changer, je nettoie le désordre dans la cuisine.

    Quelques minutes plus tard, il revient vêtu d’un autre t-shirt et d’un caleçon. Il a ramené la même chose pour moi.

    Je me change rapidement dans la cuisine, sans me soucier de son regard trainant vers moi. Il m’a déjà vu nu, il a même vu plus que ça. Quand on jouit dans les bras de l’autre, il n’y a plus de place pour la honte.

    Quand je le rejoins, Kenan a déjà transformé son canapé en lit, il s’y allonge et tends une main dans ma direction pour que je le rejoigne.

    Je me blottit à ses côtés en prenant soin de ne pas trop le blesser, mais Kenan ne le voit pas de la même façon, il glisse un bras autour de mes épaules et me ramène vers lui, contre lui. Un petit juron lui échappe. La douleur doit se réveiller.

     

    — Désolée, je m’excuse.

     

    Kenan embrasse mon front, ses doigts caressent mon bras, il semble plus calme qu’il y a quelques instants et je me surprends à me sentir bien contre lui. Je ne voudrais pas être ailleurs.

    Qu’est-ce qu’il te prend ?

     

    — Ça m’apaise de t’avoir dans mes bras, mo álainn, ça m’évite d’aller casser la gueule de ces enfoirés.

     

    Foutu irlandais.

     

    — Tu m’as déjà appelé ainsi, dans la grue, je réponds, qu’est-ce que ça veut dire ?

     

    Je sens sourire Kenan contre ma tête. Ses doigts n’arrêtent pas de me toucher, des frissons naissent.

     

    — Ah oui ? Je ne m’en souviens pas, se défend-il.

     

    — C’est un secret ?

     

    Mon regard croise le sien, je retrouve un peu du Kenan O’Shea joueur. Il a son petit air malicieux.

     

    — T’es belle, et courageuse, mais tu es magnifique. Il n’y a pas le mot sexy en gaélique. Sinon, je t’appellerai ainsi.

     

    Ma belle.

    Je ferme les yeux, à partir de quand on commence à donner des surnoms à l’autre ?

    A-t-on franchi la ligne ? Et pourquoi ça m’inquiète autant ? N’est-ce pas ce que j’espérais ?

    Kenan devait être un connard, mais il ne l’est pas. C’est compliqué.

    Je me blottis davantage contre lui, il frissonne sous la douleur, alors je tente de ne pas trop m’appuyer sur son torse meurtri. Je me contente d’enfouir ma tête dans son cou en respirant son odeur apaisante, tout en appréciant le réconfort de ces bras. Je ne lui en veux pas, sans lui, je serais peut-être à l’hôpital, marquée à vie. Seulement, cette nuit, j’ai découvert l’autre côté, celle que je me refusais de voir en pensant que les catholiques étaient des emmerdeurs nés, provoquant les bagarres. Nous n’avions rien fait, si ce n’est nous balader comme… deux amoureux.

    Nous n’avons rien fait et on nous a agressés sans raison.

    Je ferme les yeux en sentant mon cœur se serrer. À force d’injustice et de persécution, on finit par être capable du pire pour obtenir sa sécurité et sa liberté.

    Mais dans les deux camps, rien ne justifie leur violence.

     

    ***

     

    Je n’arrive pas à dormir, Kenan lui, est totalement shooté par les médicaments que je lui ai fait prendre. Il a mal, il est trop fier pour le reconnaitre, mais c’est la deuxième fois que je le vois dans cet état. Je ne cesse de penser à ce qu’il aurait pu se passer si l’irlandais avait perdu son calme. Mal, très mal.

    Un frisson d’angoisse me parcourt, j’observe Kenan, son visage est crispé par la douleur, mais il dort, j’espère qu’il se remettra vite.

    Je quitte l’étreinte de ses bras pour me lever. J’ai envie de prendre une douche, de me vider l’esprit. Je me dirige lentement vers la salle de bains. Je m’enferme, plus par automatisme que par crainte. Je me déshabille, et pars noyer mes inquiétudes sous l’eau chaude.

    J’ignore au bout de combien de temps, je finis par sortir, mais la douche m’a fait du bien, elle n’a pas chassé mes pensées remplies de nervosité, j’ai l’impression de valser entre le bien et le mal.

    Et si je me faisais baiser moi aussi ? Est-ce que je reconnais la femme dans mon reflet ?

    Je fronce les sourcils en voyant dans le miroir, derrière moi, un carreau n’est pas aussi enfoncé que les autres.

    Je renoue correctement la serviette autour de mon corps avant de me diriger vers l’endroit qui a attiré ma curiosité.

    Ma main passe sur le carreau, on dirait qu’il est creux. Je force un peu et sans surprise, j’arrive à le sortir. Mon cœur rate un battement quand j’y découvre un revolver, ainsi que des papiers.

    Est-ce que je viens de trouver une piste ?

    Je zieute la porte, j’ai bien fait de la fermer.

    Je saisis les papiers en prenant soin de ne pas faire de bruits, ce que je découvre me fait l’effet d’une bombe.

     

    — Oh bordel… je jure.

     

    C’est un plan, un plan de construction pour… un mécanisme explosif. Kenan a le plan de la bombe.

    Est-ce un hasard ?

    Je ne crois pas.

    Mon rythme cardiaque s’accélère, j’examine les autres documents, rien d’important pour moi, si ce n’est ce plan et une liste, on dirait des composants.

    Je prends quelques instants pour me calmer, mon cerveau de battante s’enclenche et je m’accroche à ce que je dois faire, plutôt qu’à mes pensées. Je dois redevenir cette Eireen, celle que je reconnais, celle qui ferait n’importe quoi pour ce qu’elle croit et pour éviter un massacre.

    Je n’écoute pas mon cœur, j’écoute ma raison, elle me dit que l’UVF a besoin de ça.

    Je remets en place le plan, puis le carreau, si Kenan se réveille, je n’aurai rien laissé de compromettant

    Je sors de la salle de bain, toujours à moitié nue, j’avance lentement dans l’obscurité, Kenan toujours endormi. Je me dirige vers mon sac, je garde toujours un petit carnet pour dessiner.

    Une fois l’objet saisit, je retourne dans la salle de bain, je m’enferme à nouveau. Je décide d’user de mes talents et de recopier des informations concernant le plan.

    Je me sens étrange en agissant, mais je me déconnecte de mes sentiments, ce sera trop dur. À chaque bruit de l’autre côté de la porte, je sursaute, mais je continue sans chercher à comprendre pourquoi.

     

    ***

     

    « Voilà un aperçu avant ta visite dans mon antre (l’autre), repose-toi, je pense à toi ».

     

    Je laisse le dessin sur la taie d’oreiller, j’embrasse la joue de Kenan en sentant mon cœur se serrer. Après avoir recopié le plan du mieux que j’ai pu, je suis retournée auprès de l’irlandais en ressentant une étrange culpabilité. J’ai commencé à dessiner en allumant la lampe près de moi, sans le quitter des yeux, surveillant son état. Je lui laisse aussi des médicaments et quelques instructions. Une part de moi voudrait rester, une autre a besoin de s’échapper.

     

     

    Je quitte son appartement sur la pointe des pieds, mes chaussures en main, le restant de mes affaires dans l’autre.

    Une fois dehors, je remarque que le jour se lève à peine, il fait frais, et mon gilet tâchée de sang ne m’est d’aucune utilité. Je marche vers une cabine, j’en trouve au bout de la rue. J’y entre, mon corps est épuisé et encore sous le choc de la nuit précédente.

    Je compose un numéro que je connais par cœur, ça sonne longtemps avant que quelqu’un ne décroche.

     

    — Il est six heures bordel de merde !

     

    Quel accueil !

    Ma patience mise à rude épreuve ses derniers temps n’arrive pas, à la place, je laisse la frustration et la fatigue s’exprimer.

     

    — Eamon, ferme ta gueule, tu es pasteur, la grasse matinée c’est un mythe chez toi !

     

    Silence à l’autre bout de l’appareil, j’imagine mon grand frère se frotter les yeux pour essayer d’encaisser mon sermon.

     

    — Eireen ? Bon Dieu, jure-t-il, pourquoi m’appelles-tu ? Tout va bien ?

     

    Je ferme les yeux en m’appuyant contre la vitre de la cabine.

     

    — J’ai besoin de te voir s’il te plait.

     

    Le ton de ma voix est triste, j’espère qu’il n’engendre pas trop d’inquiétude chez mon frère.

     

    — J’ai trouvé une information capitale pour l’attentat, je poursuis pour couper court à toutes les suppositions d’Eamon.

     

    — Du genre ?

     

    — J’ai une copie du plan de la bombe sur moi.

     

    Mon frère jure de nouveau, mon regard se porte vers l’immeuble de Kenan.

    Pourquoi suis-je aussi confuse ? Je ne fais que mon boulot, je tente de sauver des innocents, mais pourquoi l’idée de condamner Kenan me fait si mal ?

    Parce que je m’attache, tout simple, je m’attache à un homme qui s’ouvre à moi et qui valse dangereusement avec ses sentiments.

    Et si j’avais gagné, et si Kenan O’Shea était déjà amoureux de moi, quel genre de personne je deviendrai en usant de l’amour pour arriver à mes fins ?

    Un monstre.

    Pourtant… je ne peux pas faire machine arrière. Je vais devoir vivre avec ça, en espérant ne pas me rendre compte que la douleur qui serre ma poitrine ressemble à la lueur dans le regard de l’irlandais.

  • Irish War, Chapitre 11

    CHAPITRE 11

    Kenan

     

    Je suis en sueur. Mon front goutte et ma concentration est à son maximum. On arrive dans la phase où la moindre erreur nous ferait exploser mon père et moi. Je tiens le tournevis et fixe ce petit bout de métal qui servira à tout faire péter. Voilà à quoi tient tout cet engin, à une petite vis qu’on a choisie méticuleusement au magasin de mon frère. Une vis plus petite que mon petit doigt. Une vis qui tourne à une vitesse lente pour être parfaitement fixée. C’est la première fois que je réalise cette étape. Nous ne sommes pas des experts en explosif, mais la précédente celle qui a explosé dans un hôtel et qui aurait dû prendre la vie de notre chère ex Première ministre anglaise, c’est mon père qui l’a réalisée. J’étais là, avec lui, à la place qu’il occupe actuellement, celle de celui qui regarde et qui récite des prières pour que tout se passe bien.

    C’est stressant de sentir son regard en plus du reste, mais ça me rassure aussi. Si je fais quelque chose de mal il le verra directement. Je donne un dernier tour à la vis, je sens qu’elle est au bout, je dégage lentement ma main de l’engin pour examiner le résultat sans mon bras qui me cache la vue. Mon cœur semble reprendre sa course dans ma poitrine lorsque je vois que tout est fixé et qu’on est toujours en vie.

     

    — Merci mon dieu ! soupire mon père.

     

    Je ne sais pas si dieu à quelque chose à voir là-dedans, mais putain de bordel de merde merci !

    On recule avec mon père, j’enlève les lunettes de sécurité et essuie mon front en me penchant pour respirer. La grosse main de John O’Shea vient percuter mon épaule qu’il serre ensuite comme pour me réconforter. Ma respiration est chaotique j’ai l’impression de sortir d’une apnée qui a trop duré. Toutes les phases sont stressantes, mais la préparation de la bombe est la plus délicate.

    Je me laisse tomber sur le sol poussiéreux sus moi et constate avec effarement que mes mains tremblent énormément. Mon père s’éclipse quelques secondes, il revient avec deux bières, il m’en tend une et nous trinquons en silence. Je fixe l’établie devant nous, éclairer par une grosse lampe le tout ressemble à une table d’opération au milieu d’un vieux garage. Je bois quelques gorgées de ma bière en pesant à ce que je viens de faire. En pensant aux paroles d’Eireen le weekend dernier sur la guerre et la paix, sur la violence qui ne résout pas les conflits. J’ai adoré l’entendre parler ainsi, la voir défendre ses convictions alors qu’elle était entourée de gens qui pensent différemment. Ma petite infirmière n’a pas froid aux yeux et dieu que j’aime ça. La douceur c’est sympa pour les câlins ou pour les enfants, le reste du temps une femme, surtout dans notre monde, doit savoir montrer qu’elle existe indifféremment des hommes. La mienne en tous cas, doit avoir son caractère, elle doit me provoquer et me montrer d’autre façon de penser. Eireen fait tout ça et si les politiques avaient un dixième des couilles de cette femme peut-être que l’Irlande ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Peut-être qu’on pourrait vivre en paix en étant traité de la même façon que les protestants.

     

    — On a terminé, lance mon père.

     

    Je tourne la tête dans sa direction, il fixe lui aussi l’engin sur l’établi.

     

    — Toujours pas de nouvelles ?

     

    Il secoue négativement la tête. On va devoir la garder au chaud alors. Attendre qu’un représentant anglais daigne venir sur le sol irlandais. Cette bombe doit servir à ça, à détruire ceux qui dirigent et qui prennent des décisions qui n’arrangent qu’eux. Elle n’est pas destinée à la population, elle n’est pas là pour tuer des innocents, mais seulement des hommes et des femmes qui font de notre vie un calvaire en ne reconnaissant pas que le peuple catholique d’Irlande du Nord est victime de ségrégation de la part des protestants.

    Mon cœur se serre à ses pensées, les paroles d’Eireeen reviennent sans cesse me confronter à es actes. Je prépare une putain de bombe. Que penserait-elle de ce que je viens de faire ? Depuis quand ce qu’une femme pense à un impact sur mes motivations ? C’est pour l’Irlande, c’est pour ma famille, rien n’a plus d’importance.

    Je me frotte le visage, je sens le regard de mon paternel sur moi et je tente de reprendre pied.

     

    — Est-ce que tu doutes ?

     

    Je tourne la tête rapidement pour observer mon paternel. Il boit sa bière comme si de rien n’était, comme s’il ne venait pas de remettre en question mon engagement.

     

    Je suis un soldat de l’Irlande [1]jusqu’à la mort.

     

    John O’shea repose sa bière, son regard bleu se plonge dans le mien, sans rien dire. J’ai prouvé plus d’une fois mon engagement dans l’armée, j’ai montré plus d’une fois que je ne veux qu’une chose, que l’Irlande soit libre, qu’elle ne soit plus sous le joug anglais. Qu’est-ce qui aurait pu changer mes motivations ?

     

    — Nom de Dieu papa !

     

    — Ne jure pas inutilement, Kenan.

     

    Son ton est dur et froid.

     

    — Tu crois qu’elle m’a retourné le cerveau.

     

    — Je crois ce que je vois fils.

     

    Je ricane en secouant la tête, j’aime beaucoup Eireen et ce qu’on vit ensemble me plait énormément, mais elle ne remet rien en cause.

     

    — Ces idées sont différentes des tiennes et elle a un certain talent pour les démontrer. Elle est aussi très jolie, et intelligente et si elle n’était pas athée ta mère t’aurait poussé à l’épouser.

     

    Le silence revient suite à sa tirade qui n’exprime rien d’autre que ce que je pense depuis le début mis qui n’est pas suffisant pour remettre mon implication en cause.

     

    — Je dois vraiment te faire la leçon sur l’amour fils ?

     

    — Quel amour ? Je ne suis pas amoureux d’elle.

     

    Il se met à rire, puis il tape sa main sur mon épaule et se lève.

     

    — Alors on s’est tout dit.

     

    Je sais quand mon père ne croit pas ce que je dis. Je l’ai su le jour où je lui ai menti pour la première fois et que j’avais bien cassé la poupée de ma sœur. Quand il sait qu’on ment il a ce regard, un peu baissé sur le côté qui veut die « tu ne vas pas me la faire à moi ». Mais là je ne mens pas et pourtant c’est exactement le regard qu’il me tend.

     

    — C’est la vérité papa, je me sens obligé de me justifier, et jamais je ne remettrai en cause mon investissement dans l’armée. Jamais. C’est l’Irlande mon objectif et aucune femme ne viendra remettre ça en jeu.

     

    Mon père s’approche il a toujours ce foutu regard qui me fout en rogne.

     

    — Je sais que tu crois ce que tu dis, c’est peut-être plus grave encore de se mentir que de faire face à la réalité. Mais si un jour ça doit changer Kenan, tu sais ce qui t’attend. Tu es mon fils et la dernière chose que je veux pour toi c’est te voir assassiner pour trahison. Meurs en héros, meurs pour l’Irlande, mais ne fais jamais honte à ta famille.

     

    Il baisse un peu la tête et attend que je confirme que j’ai compris. J’hoche la mienne sans vraiment être certain de tout assimiler. Son discours semble froid, il ressemble plus à un chef de bataillon qui donne des ordres plus qu’à celle d’un père. Mais c’est ce que fait la guerre, elle éloigne les cœurs, il ne reste que l’honneur et le combat. Je ne lui en veux pas parce que derrière ce discours, il y a de l’inquiétude, il y a l’amour d’un père qui tente de me mettre en garde.

     

    Notre jour viendra, [2]je conclus.

     

    Mon père hoche la tête et nous commençons à ranger le matériel une fois le débat clos, pourtant ses paroles restent bien présentes dans ma tête. Ses mots et Eireen.

     

    ***

     

    Je ne devrais pas être là, pas ce soir. On avait conclu de se voir demain soir, parce qu’elle travail demain matin. Mais à peine rentrée chez moi, j’ai plongé sur le téléphone pour la joindre et lui demander qu’on se voit. Ma discussion avec mon père m’a retourné le cerveau il faut croire. Et peut-être pas dans le bon sens, parce que voir Eireen devient quasi vitale à cet instant. J’ai besoin de la toucher, de la sentir et de la voir. De savoir qu’elle est là et que ce que je ressens est normal pour une femme que je fréquente depuis quelque temps. Que je garde les pieds sur terre, mais en agissant ainsi, je ne suis pas certain que ce soit le cas.

    Eireen franchit la porte de son immeuble un énorme sourire sur son visage adorable. Je ne peux qu’y répondre de la même façon, je la regarde s’avancer jusqu’à moi en écoutant U2 par mon walkman. Elle porte un jean et un haut rouge en v qui me laissent voir la naissance de sa poitrine sous un blouson en cuir qui le rend rebelle. Elle est magnifique avec ses cheveux tressés et le rouge sur ses joues. Elle est devant moi à présent, je ne suis pas descendue de mon vélo, Bono hurle dans mes oreilles et je reste à observer cette femme brulante qui fait faire des saltos à l‘organe dans ma poitrine.

    Est-ce que je t’aime Eireen ? Est-ce que ça ressemble à ça d’être amoureux ? Est-ce que cette impression de flotter quand t’es là signifie que mes sentiments pour toi ne sont plus une simple attirance ?

    Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais je suis bien quand elle est là, quand elle me regarde comme ça et encore mieux quand elle accroche mon blouson et manque de me faire tomber de mon vélo pour venir m’embrasser. J’encadre son visage et picore ses lèvres, Eireen sourit et grogne à moitié pour en avoir plus. Je l’observe avant de céder, avant de laisser tomber mon vélo et de la serrer contre moi pour l’embrasser réellement Avec passion et tout ce que je ressens que ce soit de l’amour ou autre chose. Je sais juste que c’est bon quand elle est dans mes bras, qu’elle agite son corps et que sa langue ravage la mienne.

     

    — On dirait que je t’ai manqué, dit-elle contre mes lèvres.

     

    Je caresse ses joues, puis embrasse son nez avant de la relâcher.

     

    — Prête, je demande pour fuir le sujet sentiment.

     

    Eireen sourit, je ramasse mon vélo et grimpe dessus puis j’attends qu’elle me rejoigne. Lorsque je l’ai appelé, je lui ai proposé d’aller photographier les endroits qu’elle veut de nuit. Une excuse comme une autre et qui démontre que parfois j’écoute ce qu’elle me raconte.

    L’infirmière finit par monter sur mon vélo, sur la barre entre moi et le guidon ; l’avoir ici me fait sourire, c’est débile, mais elle est là, contre moi et elle accepte d’explorer Belfast de nuit, de relever le danger avec moi. C’est qu’elle se sent en sécurité.

     

    — T’écoutes quoi ? elle demande alors que j’allais démarrer.

     

    J’enlève mon casque et le place sur ses oreilles. Son visage se tourne dans ma direction, elle me fait un clin d’œil en écoutant le son puissant de U2.

     

    — Le meilleur groupe du monde, je lance tout bas.

     

    Je lance le vélo sur la route et nous remontons sa rue. J’entends Eireen chanter « Where The Streets Have No Name »[3] en gitant un peu la tête et Belfast nous ouvre ses bras pour la nuit. Une nuit parfaite puisqu’elle est là.

    On déambule dans les rues presque désertes de la ville, Eireen me demande de m’arrêter pour prendre quelques photos ici et là, on reste dans les quartiers neutres ceux où l’on ne risque pas grand-chose malgré l’heure tardive et puis je me souviens d’une fresque près du port, une qui doit être belle de nuit.

     

    — Tu ne m’as pas encore montré tes dessins, je reprends alors qu’on sort de (trouver quartier).

     

    — C’est vrai. Mais c’est très intime de montrer ce genre de choses.

     

    Je souris en pensant que niveau intimité on a dépassé un stade depuis que j’ai vu son corps nu sous toutes les coutures.

     

    — J’en envie de les voir, Eireen, j’ai envie de voir aussi où tu vis et ce que tu me caches de si interdit pour ne pas m’avoir laissé monter une seule fois depuis qu’on se connait.

     

    Le silence s’installe quelques secondes, je me demande si je l’ai blessé si j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas alors qu’on déboule sur la grande avenue qui mène au port.

     

    — J’ai une coloc, tu te souviens ? J’aimerai autant que tu viennes quand elle n’est pas là pour le moment.

     

    — Pourquoi ?

     

    Elle s’apprête à me répondre quand des gyrophares et une sirène manquent de nous faire chuter. La voiture nous double rapidement et vient nous couper la route dans un crissement de pneu digne d’un film d’action. Je stoppe rapidement le vélo à quelques centimètres de la carrosserie où on aurait pu s’encastrer.

     

    — Putain de merde, je grogne.

     

    Ni Eireen ni moi ne bougeons, choqué par l’intervention de la police et je sens déjà que les prochaines minutes vont s’avérer dangereuses.

    Les flics descendent de leur voiture, deux gros bras qui affichent clairement leur animosité à notre encontre.

     

    — Descendez. Et toi, lance l’un d’eux en me désignant garde les mains en l’air.

     

    Eireen descend la première, je pose le vélo doucement au sol et exécute l’ordre en sachant que si je ne le fais pas il est capable de me tirer dessus.

     

    — Qu’est-ce qui se passe, demande Eireen, on ne fait rien de mal on…

     

    — La ferme, contre la voiture.

     

    L’infirmière me lance un regard interloqué, je secoue la tête pour lui faire comprendre qu’il faut simplement obéir et ne pas discuter.

    Ce n’est pas mon premier contrôle et je sais d’expérience qu’ils attendent seulement un faux pas de notre part pour le convertir en attaque et leur donner l’autorisation d’user de la violence.

    Eireen se met contre la voiture, je la rejoins et tourne la tête dans sa direction, je reste impassible pour lui montrer que rien de grave ne va arriver.

    Heureusement que je suis passé chez moi avant de venir la rejoindre sinon j’aurais mon sac à dos avec le plan d’une bombe à l’intérieur.

    Les flics s’approchent derrière nous. L’un d’eux commence à me palper violemment, il sort mon portefeuille.

     

    — O’Shea de Falls Road.

     

    Ils se mettent à rire, puis il reprend sa palpation et sort mon walkman qu’il écrase directement. L’autre s’approche d’Eireen et commence à faire pareil avec elle.

     

    — Hé ne la touche pas ! je gronde

     

    Je vois ses mains se faire un malin plaisir de palper sa poitrine. Eireen ne reste pas sans rien faire alors que je prends un premier coup de matraque sur l’arrière des genoux.

     

    — T’as pas à nos donner des ordres petit catho de merde.

     

    Eireen se débat et donne un coup de pied à l’autre qui la pelote. Miss pacifiste n’apprécie pas qu’on la tripote. Le flic vient à bout de sa résistance et il tire sur ma chaine toujours à son cou ou trône la croix catholique.

    Et merde ! Même si d’un côté il vaut mieux qu’elle passe pour une personne de cette religion plutôt qu’une traite qui flirte avec un catho.

     

    — Toutes des putes ces catholiques.

     

    — Elles prennent exemple sur les protestantes, je réponds.

     

    Je devrais fermer ma gueule je le sais, mais je ne peux pas laisser Eireen se faire insulter sans répondre. C’est impossible pour moi, de voir ces enfoirés user de leur pouvoir pour la rabaisser et nous maltraiter.

    Le flic me retourne et me plaque contre al voiture avant d’abattre son poing sur mon visage. Le choc me fait heurter la carrosserie derrière ma tête et j’ai l’impression d‘être une cloche qu’on sonne.

     

    — Arrêter ! Vous n’avez pas le droit hurle Eireen.

     

    Le droit malheureusement ils le prennent et un second coup vient s’abattre sur mon ventre. Mes abdos encaissent douloureusement et je me plie en deux en sentant du sang gouter de mon nez.

    Je vois Eireen tenter d’échapper aux mains de l’autre flic qui la maintient en riant. Elle doit se calmer sinon il pourrait lui faire pire.

     

    — Pas de catho ici, on n’en veut pas dans ce quartier, tu devrais le savoir bâtard d’O’Shea.

     

    — On va partir, je réponds en observant le gros tas de merde au crâne dégarni qui me fait face.

     

    — T’es entrée dans mon territoire sans y être autorisée et on a une règle ici. Ce qui entre nous appartient.

     

    Il se redresse et s’approche d’Eireen, il soulève son menton et glisse un regard salace sur son corps. Elle est terrorisée, pourtant elle tente de garder la tête haute, son regard affronte fièrement son assaillant et je me dis qu’il est temps de clamer tout ça si je ne veux pas assister au viol de ma petite amie.

     

    — On va partir chef, laisser nous partir.

     

    C’est ce qu’il attend de moi, que je me rabaisse, que je prenne la place qu’il pense que je mérite. Celle de sous hommes, pas dignes de lui tenir tête. Je m’en fous, je le fais, je fais ce qu’il veut pour qu’il ne touche pas à un cheveu d’Eireen.

    Il revient vers moi et m’observe, il me défie et ma volonté a du mal à s’exécuter, à se rabaisser de la sorte, à se dire que je vais m’écraser devant un flic protestant ; Mais un seul coup d’œil à Eireen toujours maintenue par l’autre flic me ramène à la réalité. Pas de place pour la fierté quand une vie est en jeu. Alors je baisse les yeux et me soumets docilement comme il l’exige. La seconde d’après, je reçois mon portefeuille en pleine tête, il tombe au sol et je me baisse pour le ramasser. Je reçois un autre coup de pied dans les côtes. Eireen hurle de nouveau puis il la relâche et s’en va comme ils sont arrivés.

    À voiture, démarre sur les chapeaux de roues, en faisant grincer les pneus. Je reste au sol quelques secondes, l’infirmière à mes côtés, qui me demande si ça va et que je suis incapable de regarder tellement j’ai honte. Honte de ne pas m’être battue, de ne pas avoir était le soldat que je dois être et d’avoir seulement subit ce contrôle qui n’avait pas lieu d’être.

    Voilà pourquoi je me bats, pour pouvoir marcher dans ma ville la tête haute sans craindre pour ma vie et celle des gens qui me sont cher. C’est pour pouvoir regarder la femme que j’aime sans me sentir autrement qu’en homme. C’est pour pouvoir vivre librement tout simplement.

     

    [1] L'IRA provisoire se désigne par l'expression gaélique Óglaigh na hÉireann (« les Soldats d'Irlande ») ou comme Irish Republican Army.

    [2] Tiocfaidh ár lá est une expression en langue irlandaise, ou gaélique irlandais qui peut être traduit par « Notre jour viendra ». C'est un slogan populaire pour les militants républicains d'Irlande du Nord (IRA, etc.).

    [3] Where The Streets have No Name - U2 – The Joshua Tree - 1987