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  • Your Song - 29)


     

     

    Je pose le casque et prend quelques secondes seuls, enfermés dans une cabine de deux mètres carrés pour souffler. C’est fini. Je n’en reviens pas de l’avoir fait, d’avoir enfin enregistré un album. C’est la fin d’une belle aventure et le commencement de la prochaine qui s’annonce plus compliquée. La promo. J’ignore si je serais à la hauteur mais j’ai confiance, l’envie me fais me dépasser et je ne suis pas seul dans cette aventure. Elena sera là et comme toujours là où j’ai des lacunes elle les comblera.

    On vient de passer un mois dans ce studio, je l’ai plus vue que mon appartement ces derniers temps et je ne regrette pas une minute du temps passé ici. Le travail avec les musiciens, enregistrer, se tromper, rager, être crevé et vouloir tout envoyé boulet, écouter Arizona faire sa tyran, entendre Elena rire encore et encore et chanter avec elle. Même si ça été dure, si on a dépensé énormément d’énergie dans cet album il sera parfait.

    Je me lève en me frottant le visage, la dernière journée devait être simple, il ne manquait plus que ma voix sur une chanson et on avait terminé mais évidemment ça ne s’est pas passé comme prévus. La fatigue m’a fait faire n’importe quoi en début de journée, ma voix ne suivait plus et j’avais du mal à la placer. Mais on y est arrivé.

    Je rejoins les autres, Arizona est assisse en face de la table de son avec Zac qui lève son pouce en l’air en me voyant entrée pour me signifier que c’est bon. Je cherche Elena et la trouve endormis sur le fauteuil, ma veste sur elle pour se couvrir.

     

    -Elle est crevée, me lance Arizona, on est tous crevé et satisfait de ne plus voir les araignées de cet endroit.

     

    Elle récupère ses affaires rapidement en jetant un regard à sa montre.

     

    -Pressée ? je demande en prenant sa place à coté de Zac

     

    -Oui, dit-elle en allant vers la porte, on s’appel !

     

    Elle sort, on se jette un regard d’incompréhension avec Zac puis Arizona fait demi tour.

     

    -Beau boulot Jared !

     

    Elle lève son pouce à son tour en me faisant un clin d‘œil avant de repartir pour de bon cette fois.

     

    -Tu veux écouter ? demande Zac.

     

    J’acquiesce en me callant confortablement et il met la bande en route. Il touche à des dizaines de boutons et la mélodie nous parviens. Le son est si pur qu’on croirait que la guitare est à coté de nous. Je ferme les yeux en posant ma tête sur le dossier du fauteuil et ma voix résonne dans la pièce. Je souris, on sent que je ne suis pas au mieux de ma forme mais c’est correct.

    J’ouvre un œil en me redressant pour m’adresser à Zac mais il me devance.

     

    -Non, c’est parfait Jared.

    Je pense pouvoir faire mieux mais si le pro décide que c’est parfait je ne vais pas le contredire.

    Je me tourne vers Elena, elle commence à se réveiller et je me lève pour aller la voir. Je fait les quelques pas qui me séparent du canapé et m’accroupi au niveau de son visage. Elle est pâle, ses yeux ont encore du mal à s’ouvrir et je caresse doucement sa joue chaude du sommeil.

     

    -Hey la belle aux bois dormants, il va falloir se réveiller, le conte de fée est fini.

     

    Après avoir frotté ses yeux elle se redresse un peu, ses cheveux en bataille me font sourire ainsi que la marque de l’accoudoir du canapé sur sa joue.

     

    -Tu as terminé ?

     

    Je lui fais signe d’écouter la musique qui se diffuse dans la pièce et elle tend l’oreille en fronçant les sourcils. Je sens arrivé la remarque constructive de la prof de musique.

     

    -Tu peux faire mieux Jared.

     

    Je me lève et me tourne vers Zac qui a entendue.

     

    -C’est parfait, lance t-il.

     

    -Tu vois c’est parfait, on peut rentrer.

     

    Elena bougonne en se levant, entre elle est Zac c’est assez tendue. Son coté prof, qui maitrise tout et veut tout corriger ne va pas de paire avec les ambitions de l’ingénieur du son. Plus d’une fois le ton est monté, plus d’une fois l’un des deux a du sortir et exprimer sa colère autrement qu’en frappant son vis à vis. J’ai découvert une autre facette d’Elena quand elle a craqué, une qui m’a fait rire mais pas pour longtemps. La colère a eu vite fait de se retourner contre moi.

     

    Je traine Elena jusqu'à la porte tout en saluant Zac qu’on reverra demain pour fêter la fin de l’enregistrement. On sort du bâtiment, Elena baille à s’en décrocher la mâchoire, elle est tellement fatiguée qu’elle a du mal à marcher. Je la soutiens en riant, je suis épuisé aussi et j’ai hâte de retrouver mon lit, avec elle.

    On ne s’est pas beaucoup séparé ce dernier mois, elle commence à avoir plus d’affaires chez moi que chez elle et si on n’en parle pas, que ça se fait naturellement, j’ai du mal à me dire que demain elle retournera chez elle.

     

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    Son divorce s’annonce mal, elle s’accroche mais ne se bat pas. Elle lui cède tout, elle veut juste sa liberté et en finir au plus vite, mais lui ne voit pas les choses comme ça. Il se venge quelque part alors qu’il lui a pourris la vie durant des années. Il l’a perdue et maintenant il veut finir de la détruire mais ca n’arrivera pas, parce qu’il n’a plus d’influence sur elle, il n’a plus ce qui la retenait avant, la peur.

    J’ouvre la portière passager, Elena s’installe en baillant puis je fais le tour de la voiture pour monter à mon tour.

    Je tente de démarrer mais ma capricieuse de voiture ne veut pas.

     

    -Non, pas ce soir, lance Elena en tournant la tête vers moi.

     

    J’essaye de nouveau mais rien ne se produit. Je pose ma tête sur le volant, je n’ai pas le courage de jouer les mécaniciens à plus de 22h.

    Je sors mon portable pour appeler un taxi mais Elena m’en empêche en le prenant.

     

    -Arizona m’a raconté certaines choses, elle lance en se callant dans son siège.

     

    -Ne crois pas tout ce qu’elle raconte.

     

    Je détourne le regard sur le pare brise en sachant parfaitement de quoi elles ont parlé toutes les deux et j’ignore si j’ai l’envie la maintenant, avec la fatigue de lui en parler.

     

    -Je t’ai dit que ce qui c’était passé pendant cette tournée ne comptait pas mais, c’est faux, reprend elle, ça compte, parce que…

     

    Je me tourne vers elle, en entendant sa voix s’éteindre comme si les mots étaient trop lourds pour sortir. Elle a baissé les yeux sur ses doigts, un sourire triste au coin des lèvres en regardant la trace que son alliance a laissée sur son annulaire.

     

    -Je me rends compte ces derniers temps que quand on est malheureux on est capable du pire, pour se détruire ou pour détruire celui qui nous fait mal. On fait des choses pour faire taire la douleur et la rendre supportable sans penser aux conséquences mais…

     

    -Il ne te fera plus de mal, je la coupe, plus jamais.

     

    Son visage fatigué se relève sur moi, ses yeux brillent alors qu’on se dévisage. J’ignore ce qui se passe dans sa tête ni même comment elle peut imaginer qu’il a toujours ce pouvoir sur elle.

     

    -Je sais, elle reprend, mais toi, moi, on a ce pouvoir l’un sur l’autre et je ne sais pas si c’est réellement une bonne chose.

     

    Je secoue la tête, en dédaignant ses paroles, même si je comprends qu’elle ait peur de ses sentiments et des miens, surtout si Arizona lui a raconté mes conneries durant la tournée.

     

    -Je ne m’en prendrais jamais à toi.

     

    -Je sais.

     

    -Alors où est le problème ?

     

    -Je ne veux pas que tu souffres à cause de moi.

     

    -Ca va de paire Elena. Aimer et souffrir c’est indissociables.

     

    Elle me sourit en comprenant l’inévitable, on se fera surement du mal, on s’en est déjà fait mais c’est ce qui fait l’amour. C’est puissant et tout ce qui amène de la force amène une faiblesse d’un autre coté.

     

    -Tu as perdue les deux personnes a qui tu tenais le plus et pourtant tu n’as pas peur d’aimer, de t’engager avec moi en sachant que tu en souffriras, ce n’est pas normal Jared.

     

    Je pose les yeux sur le volant que je serre dans ma main. Le cuir brille et je pense à mon frère au fait qu’il n’est plus là pour me voir au volant de sa voiture avec Elena à mes cotés. Qu’est ce qu’il penserait d’elle ? De nous ? De notre histoire un peu bancal mais qui reprend de bonnes bases pour j’espère construire notre futur ? Qu’est ce qu’il me dirait là, maintenant ?

     

    -C’est peut être pour ça que je n’ai pas peur de vivre. Parce que la douleur insupportable je connais, le manque, la colère, et toutes ces choses qui font mal je sais que je les aie déjà vécue et que je suis capable de les surmonter.

     

    Je me tourne vers elle, je me penche et prends son visage entre mes mains pour plonger mon regard dans ses yeux bleu.

     

    -Ce qui ne serait pas normal ce serait de passer à coté de toi par peur alors que tu me rends heureux. Je ne fonctionne pas comme ça, même si je n’élude pas le pouvoir que tu as sur moi, je sais que j’ai besoin de toi pour être en vie et ça me suffit.

     

    Elle pose son front contre le mien en soufflant.

     

    -Moi, j’ai peur dit-elle tout bas, mais ce n’est pas assez fort pour supplanter l’amour que j’ai pour toi et ce besoin de t’avoir avec moi. Qu’est ce que ça fait de nous Jared ?

     

    -Un couple ?

     

    Elle sourit en s’éloignant un peu de moi pour me regarder.

     

    -Un couple…tu es plus mature que moi sur ce sujet, plus…

     

    Elle baisse les yeux, comme gêné de se sentir inferieur à moi à ce niveau mais ce n’est pas une compétition. On ne choisie pas ce qu’on ressent, ce par quoi la vie a décidé de nous faire passer, les épreuves qu’elle met sur notre route et qui font de nous un être humain à part entière avec ses failles et ses forces. Je ne suis pas plus mature qu’elle je suis seulement passé par des chemins compliqués et qui m’ont très vite fait comprendre que même si l’insouciance est belle, elle n’est pas réel. Pour elle c’est différent, avec lui elle a voulue construire ce qu’elle n’avait pas, une famille présente et soudée tout en laissant de coté sa nature profonde. Elle s’est fourvoyée et en a payé le prix toutes ses années avec lui.

     

    -…fort, finit-elle par dire.

     

    Je relève son visage et pose mes lèvres sur les siennes, chaudes et douces.

     

    -Enfin un point pour moi, dis-je en la relâchant.

     

    Elle fronce les sourcils en se recalant dans son siège.

     

    -Et quel point ai-je selon toi ?

     

    -Le sexe évidement.

     

    -Evidemment, dit-elle en riant.

     

    Je tente de nouveau de démarrer et miracle, enfin le bruit du moteur résonne. Je soupire en attachant ma ceinture, cette voiture aura ma peau a force de me faire tourner en bourrique, a vouloir démarrer quand ça lui chante et tomber en panne toujours quand le moment ne s’y prête pas.

    Je pose mes mains sur le volant en me retraçant toutes ces fois où elle a fait son caprice en me laissant sur le carreau. Celle où j’aurais du me trouver de l’autre coté et où je n’aurais pas pu donner à T ma démo. Celle où je suis arrivé en retard au lycée pour notre premier rendez vous avec Elena et qui m’aurait fait raté le spectacle de ma prof au piano. A ma sorti d’hôpital quand elle a enfin compris que ça ne servait a rien de lutter contre ce qu’il y a entre nous. Sur le parking du bar dans le New jersey, après le pire concert de ma vie et où j’ai compris qu’elle était vraiment à moi. Sur le parking du lycée alors que je pensais l’avoir perdue et qu’elle s’est enfin rendue compte que je ne suis pas seulement là pour le bon coté mais aussi qu’elle peut compter sur moi. Et ce soir, où elle s’ouvre complétement à moi en me révélant ses doutes.

    Je me suis souvent demandé ce qui faisait les aléas de la vie, ce qui nous menait sur un chemin et pas un autre. Ce qui faisait qu’on prenait des décisions qui nous conduisaient à d’autres décisions. Quel était l’élément déclencheur ? Qu’est ce qui nous faisait arrivé à ces moment cruciaux où notre vie peut changer du tout au tout. Le destin, la chance, dieu ou bien une autre forme de fatalisme qu’on ne contrôle pas.

    Je serre le volant en comprenant aujourd’hui que même si mes choix je les aies faits par moi-même, si les miens comme ceux d’Elena n’ont pas toujours été les meilleurs, il y a cette force qui nous pousse à nous remettre en question et qu’on remet entre les mains d’une autre personne ou d’une autre entité incontrôlable. La mienne, c’est mon frère.

     

    Maryrhage