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Your Song

  • Your Song, Epilogue

     

     

    Dix ans plus tard.

     

    Je me gare derrière la file interminable de voitures stationnées devant chez mon père, en soufflant de lassitude. Je suis crevé et le mot est faible, j’arrive à peine à tenir debout depuis ce matin et je ne rêvais que d’une chose, rentrer chez moi et dormir pour la semaine à venir. Mais c’est Noël et mon père a décidé que ce serait chez-lui cette année.

    J’ai pensé refuser, mais certaines personnes sont capables de me faire dire oui rien qu’avec un regard.

    Je descends de la voiture, le froid de décembre vient s’infiltrer sous mon blouson. Je me presse dans l’allée entre les voitures garées, je reconnais celle d’Ana à moitié sur la pelouse, ce qui risque de faire hurler mon père. Je m’arrête devant les marches qui mènent à la porte d’entrée pour regarder la maison voisine, celle où j’ai passé autant de temps, si ce n’est plus, que chez moi. Un sourire se dessine sur mon visage en revoyant Ana et ses taches de rousseur, pendue à sa fenêtre à me guetter avec sa lampe de poche. J’ai l’impression que c’était il y a un siècle alors que pourtant ça ne fait que dix ans.

    Je détourne le regard amusé, attiré par les bruits derrière la porte décorée d’une couronne de Noël, mon père a bien fait les choses on dirait. Noël quand je vivais ici, je le passais dans la maison d’à côté, avec la famille d’Ana et heureusement qu’elle était là, sinon je ne sais pas ce que cela aurait donné entre mon père, moi, sa rancœur et l’absence de ceux qui nous manquent.

    Je monte les marches, avant que la nostalgie devienne douleur et sans frapper, j’entre. La chaleur me foudroie autant que le froid me glace à l’extérieur. Je referme la porte en entendant mon père rire. Je reste surpris parce que je me sens sourire de l’écouter si joyeux.

    Je pose mon blouson sur le tas déjà présent dans l’entrée. Je m’avance en direction du salon en écoutant une voix bien familière qui m’a manqué ces trois dernières semaines, et qui me fait penser que j’ai laissé les cadeaux dans le coffre de la voiture.

    Je passe devant la cuisine ou Janice est occupée aux fourneaux. L’air respire Noël, les biscuits à la cannelle et l’odeur de la dinde dans le four.

     

    — Jared !

     

    La mère d’Ana délaisse sa sauce, s’essuie les mains sur son tablier puis s’approche de moi, un sourire tendre sur les lèvres et les bras ouverts. Je la serre contre moi pour la saluer.

     

    — Je ne t’ai pas entendu arriver.

     

    — C’est assez bruyant ici.

     

    Elle se détache de moi, ses mains toujours sur mes épaules, elle m’observe en souriant, elle a l’air heureuse qu’on se retrouve tous, ce soir.

     

    — Tu as l’air fatigué.

     

    Je souris en me frottant les yeux, effectivement je ne dois pas paraître au mieux de ma forme.

     

    — Ouais, mais ça va aller, je devrais survivre à cette soirée.

     

    — J’espère bien dit-elle ne me lançant un coup de torchon sur la tête, je me suis démenée pour ce repas, je ne veux pas voir ta tête tomber dans le plat.

     

    — Papa !

     

    Je me retourne, un sourire sincère plaqué sur le visage en voyant le visage d’ange de ma fille, surmonté de deux couettes blondes attachées par deux nœuds rouges, courir vers moi. Je me baisse pour la réceptionner dans mes bras.

    Ses petits bras me serrent contre elle, je fais pareil avec plus de force en la soulevant dans mes bras. Je ferme les yeux en respirant son odeur familière de produits de bébé que sa mère ne peut pas s’empêcher de mettre sur son visage.

     

    — Salut princesse, dis-je en embrassant ses joues rouges rebondies.

     

    — Tu m‘as ramené un cadeau de Los Angeles ?

     

    — Peut-être bien…

     

    J’ai droit au regard qui me fait fondre et qui m’a conduit ici ce soir. Keren a deux grands yeux noirs, semblables à ceux de ma mère et aux miens, les siens sont tellement tendres qu’on ne peut rien lui refuser.

     

    — Le Père Noël va passer dans quelques heures, lance Elena à l’entrée du salon, mademoiselle va peut-être attendre qu’il soit passé pour réclamer d’autres cadeaux.

     

    Je dépose Keren au sol, elle gratifie sa mère d’un regard noir, c’est elle la méchante et moi le gentil papa qui lui achète tout ce qu’elle veut et qui cède à tous ses caprices. Elle n’a que trois ans, mais elle a très vite compris que je suis fou d’elle et que le peu de temps que je passe avec elle c’est pour lui faire plaisir. Notre fille lève la tête d’une air revêche et passe devant sa mère pour rejoindre les autres dans le salon. Je ris en la voyant faire et même Elena ne peut retenir un sourire.

     

    — Tu sais que je te hais à chaque fois que tu pars et que je dois recadrer ce petit monstre, dit-elle une fois qu’on est seuls dans le couloir.

     

    J’appuie mon épaule contre le mur en l’observant. Elle me détaille du regard, tout passe sous ses yeux bleus et je sens venir un regain d’énergie dû au désir m’envahir. Elle s‘avance, doucement, je ne peux pas détourner le regard de son visage souriant, de cette douceur qui émane d’elle et qui me donne envie de plonger dans un lit pour être dans ses bras.

    Elle s’avance jusqu’à moi, je baisse les yeux pour ne pas la perdre du regard, mon cœur se gonfle en la voyant, je ne suis pas chez-moi, dans notre maison, mais rien qu’en la voyant je sais que je suis rentré. Elle porte le pull que ses parents lui ont ramené l’année dernière à la même époque, avec une maison en pain d’épice sur la poitrine. Je souris en me disant que j’ai échappé à cette horreur que Keren a sûrement exigé que sa mère porte parce que c’est Noël. Le pull a quand même quelque chose de bien, il est en V et son cou ainsi que la naissance de sa poitrine sont visibles. Sa peau me manque et je pose la main sur cette partie libre de vêtement en soupirant de bien-être quand je sens la chaleur et la douceur de sa peau.

    Elena se met sur la pointe des pieds et cherche à m’embrasser, je recule un peu pour retarder ce moment où je sentirai ses lèvres. Elle tente de garder son sérieux, de ne pas rire en me voyant faire le gamin capricieux aussi pénible que notre fille. Ma main glisse sur son sein que j’englobe avec plaisir. Je voudrais enlever ce foutu pull et tous les vêtements qui séparent mes mains de sa peau, de son corps dont j’ai envie.

     

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    Elena attrape ma nuque alors que je regardais sa poitrine se soulever plus rapidement et arrive enfin à ses fins en posant sa bouche sur la mienne. Je lâche sa poitrine, me redresse et encercle sa taille pour la presser contre moi pendant que sa langue entre dans ma bouche. Elle gémit dans ma bouche, m’encercle de ses bras et je retrouve le goût de la maison, de mon foyer, de ma famille et de celle que j’aime.

    Elle me manque à chaque fois que je pars en tournée ou en promo, elle, notre fille, notre vie de famille me manquent.

    Pourtant cette fois-ci ce n’était que 3 semaines et avec l’habitude je devrais m’y faire mais je n’y arrive pas. Même après quatre ans à chanter seul, j’ai encore ces reflexes de me tourner vers elle sur scène alors qu’elle n’est pas là. L’artiste me manque, la femme me manque, l’amante me manque, tout me manque quand je suis loin d’elle.

     

    — Bienvenue à la maison, dit-elle contre mes lèvres.

     

    Je pose mon front contre le sien et j’inspire son odeur à pleins poumons.

     

    — Tu as l’air épuisé.

     

    Sa main passe sur ma joue comme pour capturer la fatigue sur mon visage. Elle, elle rayonne, même si je la vois tous les matins compter les trois rides autour de ses yeux, elle est toujours aussi magnifique que quand je l’ai rencontrée. Ces dix années l’ont apaisée, elle a cette grâce de ces femmes qui approchent la quarantaine et qui deviennent plus sûres d’elles. La maternité a aussi laissé des traces sur son corps autant qu’elle l’a rendue heureuse. Je n’ai jamais vue Elena plus souriante que quand elle était enceinte. Cette famille elle l’a voulue, attendue, elle m’a attendu surtout, le temps que je sois moi aussi prêt à devenir père.

    Je ne sais pas ce qui me retenait le plus, savoir qu’à la minute où elle serait enceinte je la perdrais dans notre duo, ou me dire qu’un être supplémentaire dépendrait de moi alors que ma vie se passe sur scène.

    Elena a été claire dès le début, quand notre relation nous a menés sur ce sujet, avec un enfant elle arrêtera de chanter, parce qu’il était hors de question de le traîner sur la route et de le priver d’une vie normale. Égoïstement, je ne voulais pas, je voulais la garder avec moi et vivre encore cette alchimie musicale avec elle. Mais aujourd’hui, même si elle me manque, je n’imagine plus ma vie sans ma fille. Elena n’a pas arrêté la musique pour autant, elle est comme moi sur ce plan, elle en a besoin pour vivre, et à présent elle donne des cours particuliers de piano. Elle s’éclate avec ses élèves, même si ce n’est pas toujours simple de faire rentrer des méthodes à des novices.

     

    — Arizona n’est pas là ?

     

    Je la relâche en riant, puis je prends sa main et l’entraîne en direction du salon.

     

    — Ils ont décidé avec Jack de passer Noël sous le soleil californien.

     

    Elena grimace, un Noël sans froid et sans neige ça n’a pas la même saveur, mais Arizona et son mari apprécient le soleil et les cocktails au bord de la plage. On entre dans le salon, tout le monde est là, assis autour de la table basse, dans les canapés et par terre. Mon père, Ana, son fils de six ans Max, son frère Kevin qui est un jeune homme maintenant et ma fille qui fait le tour du sapin à quatre pattes sur le sol.

    Ana se lève et s’avance vers moi, son nez froncé et ses taches de rousseur bien présentes. Je l’embrasse en frottant ses cheveux courts, cette coupe que j’ai du mal à associer à elle.

     

    — Salut beau gosse ! T’as une tête à faire peur.

     

    — Merci, toi aussi t’es superbe.

     

    Ana me gratifie de son poing sur mon bras, son fils vient lui aussi me saluer. C’est le portrait de son père, des cheveux blonds foncés dans tous les sens, un regard (je sais plus ) et une allure de surfeur alors qu’il n’a que six  ans. Ana s’est mariée après sa première année de fac avec Daryl et quatre ans plus tard naissait Max. Aujourd’hui ils sont divorcés depuis un peu plus de  deux ans, un moment difficile pour Ana, qui se raccrochait comme elle pouvait à son mariage, en refusant de voir l’évidence que leur histoire était morte et que tout ce qui les retenait l’un à l’autre, c’est ce petit bonhomme souriant. Aujourd’hui elle va mieux, elle s’est remise, mais cet échec reste, elle pour qui une famille doit rester unie quoi qu’il arrive. Elle est devenue une conseillère financière féroce pour une grande banque New-Yorkaise et gère entre autre mon argent ainsi que celui de plusieurs richissimes clients. Si elle a échoué en amour, professionnellement elle est accomplie et bientôt elle se rendra compte que sa vie sentimentale ne s’arrête pas à un divorce.

    Mon père se lève, il fronce les sourcils en s’approchant de moi, le main tendue et je sais déjà ce qui va suivre.

     

    — Quelle vie tu mènes Jared, regarde toi, c’est à peine si tu tiens debout.

     

    Elena à mes côtés, prend mon bras et me pince pour que je ne réponde pas à cette remarque. C’est Noël et elle et ses idées de familles heureuses pour les fêtes ne laisseront pas passer un esclandre. Je me retiens de lui dire que je sors d’une tournée de trois semaines où j’ai laissé toute mon énergie sur scène parce que j’aime ça et que ça me rend heureux.

     

    — Toi aussi t’as l’air bien. Je finis par répondre en serrant sa main.

     

    Ma fille vient se fourrer dans ses jambes, elle adore son grand-père et il le lui rend bien. Mon père a eu l’air de ressusciter à la naissance de Keren, c’était comme s’il avait de nouveau une raison de vivre et j’en suis heureux. Autant pour ma fille que pour lui, leur complicité est attendrissante, voir cet homme abimé par la vie aussi guimauve face à cette petite tête blonde me fait toujours sourire. Même si, quand ma fille sera couchée, j’aurai droit à l’éternel couplet sur la vie d’artiste pas compatible avec la vie de famille. Pour lui, en plus de perdre du temps à chanter, je néglige aussi ma famille. Sur ce point je ne vais pas le contredire, j’ai raté les premiers pas de Keren, sa première rentrée à l’école et même l’anniversaire de ses deux ans. Ces moments précieux je les vois défiler sur photos ou sur vidéos, qu’Elena prend à chaque fois et je regrette à chaque retour, en regardant ma fille qui a encore grandi, de ne pas avoir été là. Mais la musique c’est ma vie, mon essence, ce qui me fait tourner rond et me motive chaque matin à me lever. Sans elle je ne serais même pas un père pour Keren, je serais un homme amer qui n’aurait pas supporté de sacrifier cette vie. Le succès je l’ai voulu, et maintenant que je l’ai, maintenant que je vis mon rêve, je ne peux pas arrêter, je n’y survivrais pas. Ma vie se passe sur scène où dans un studio d’enregistrement et si mon père ne le comprend pas, Elena elle le sait. Jamais elle ne me demandera de m’arrêter, parce qu’elle sait que ça me tuerait à petit feu.

    J’ai cette chance d’avoir trouvé cette femme, qui comprend mon besoin, qui l’a partagé avec moi durant quelques années et qui m’aime assez pour me soutenir. Sans elle ce ne serait pas pareil, sans savoir qu’elle est dans ma vie, qu’elle m’aime, que même si je suis loin bientôt je la retrouverai. Sans ses coups de fil tous les soirs, ses « je t’aime » chuchotés, accompagnés de « tu me manques », rentrer n’aurait pas le même intérêt et ma vie serait vide. Elle a toujours été cette pièce de puzzle qui remplit ma vie, c’est ma moitié, celle qui me connaît le mieux, qui me supporte et me soutient quoi qu’il arrive, elle est l’essentiel de ma vie, le principal, celle pour qui tout ça a un sens.

    Les années de notre relation ont connu des hauts et des bas, des moments de doutes, de peur, de se perdre, d’aller trop loin sans l’autre, de vivre des rêves différents et de s’éloigner.

    On n’a pas commencé par le plus simple, notre histoire avait tout pour finir par un désastre qui nous aurait coûté cher mais l’amour est au-dessus de ces préoccupations. L’amour que j’ai pour elle, se moque de ses rides qui apparaissent, il se moque qu’elle ait porté le nom d’un autre homme avant de porter le mien, comme il se moque du jugement des autres. Tout ça n’a pas d’importance quand je vois dans ses yeux à quel point elle est heureuse, quand je la vois sourire en regardant notre fille faire ses bêtises avant de prendre cet air dur que moi aussi j’ai connu à une époque, je sais qu’elle vit dans le bonheur. Je sais qu’elle est heureuse quand je lui fais l’amour et qu’elle me dit qu’elle m’aime.

    Moi aussi je l’aime, plus que tout et si la musique me rend vivant c’est Elena qui me fait vivre.

     

    FIN

     

     

    Maryrhage

     

  • Your Song - 29)


     

     

    Je pose le casque et prend quelques secondes seuls, enfermés dans une cabine de deux mètres carrés pour souffler. C’est fini. Je n’en reviens pas de l’avoir fait, d’avoir enfin enregistré un album. C’est la fin d’une belle aventure et le commencement de la prochaine qui s’annonce plus compliquée. La promo. J’ignore si je serais à la hauteur mais j’ai confiance, l’envie me fais me dépasser et je ne suis pas seul dans cette aventure. Elena sera là et comme toujours là où j’ai des lacunes elle les comblera.

    On vient de passer un mois dans ce studio, je l’ai plus vue que mon appartement ces derniers temps et je ne regrette pas une minute du temps passé ici. Le travail avec les musiciens, enregistrer, se tromper, rager, être crevé et vouloir tout envoyé boulet, écouter Arizona faire sa tyran, entendre Elena rire encore et encore et chanter avec elle. Même si ça été dure, si on a dépensé énormément d’énergie dans cet album il sera parfait.

    Je me lève en me frottant le visage, la dernière journée devait être simple, il ne manquait plus que ma voix sur une chanson et on avait terminé mais évidemment ça ne s’est pas passé comme prévus. La fatigue m’a fait faire n’importe quoi en début de journée, ma voix ne suivait plus et j’avais du mal à la placer. Mais on y est arrivé.

    Je rejoins les autres, Arizona est assisse en face de la table de son avec Zac qui lève son pouce en l’air en me voyant entrée pour me signifier que c’est bon. Je cherche Elena et la trouve endormis sur le fauteuil, ma veste sur elle pour se couvrir.

     

    -Elle est crevée, me lance Arizona, on est tous crevé et satisfait de ne plus voir les araignées de cet endroit.

     

    Elle récupère ses affaires rapidement en jetant un regard à sa montre.

     

    -Pressée ? je demande en prenant sa place à coté de Zac

     

    -Oui, dit-elle en allant vers la porte, on s’appel !

     

    Elle sort, on se jette un regard d’incompréhension avec Zac puis Arizona fait demi tour.

     

    -Beau boulot Jared !

     

    Elle lève son pouce à son tour en me faisant un clin d‘œil avant de repartir pour de bon cette fois.

     

    -Tu veux écouter ? demande Zac.

     

    J’acquiesce en me callant confortablement et il met la bande en route. Il touche à des dizaines de boutons et la mélodie nous parviens. Le son est si pur qu’on croirait que la guitare est à coté de nous. Je ferme les yeux en posant ma tête sur le dossier du fauteuil et ma voix résonne dans la pièce. Je souris, on sent que je ne suis pas au mieux de ma forme mais c’est correct.

    J’ouvre un œil en me redressant pour m’adresser à Zac mais il me devance.

     

    -Non, c’est parfait Jared.

    Je pense pouvoir faire mieux mais si le pro décide que c’est parfait je ne vais pas le contredire.

    Je me tourne vers Elena, elle commence à se réveiller et je me lève pour aller la voir. Je fait les quelques pas qui me séparent du canapé et m’accroupi au niveau de son visage. Elle est pâle, ses yeux ont encore du mal à s’ouvrir et je caresse doucement sa joue chaude du sommeil.

     

    -Hey la belle aux bois dormants, il va falloir se réveiller, le conte de fée est fini.

     

    Après avoir frotté ses yeux elle se redresse un peu, ses cheveux en bataille me font sourire ainsi que la marque de l’accoudoir du canapé sur sa joue.

     

    -Tu as terminé ?

     

    Je lui fais signe d’écouter la musique qui se diffuse dans la pièce et elle tend l’oreille en fronçant les sourcils. Je sens arrivé la remarque constructive de la prof de musique.

     

    -Tu peux faire mieux Jared.

     

    Je me lève et me tourne vers Zac qui a entendue.

     

    -C’est parfait, lance t-il.

     

    -Tu vois c’est parfait, on peut rentrer.

     

    Elena bougonne en se levant, entre elle est Zac c’est assez tendue. Son coté prof, qui maitrise tout et veut tout corriger ne va pas de paire avec les ambitions de l’ingénieur du son. Plus d’une fois le ton est monté, plus d’une fois l’un des deux a du sortir et exprimer sa colère autrement qu’en frappant son vis à vis. J’ai découvert une autre facette d’Elena quand elle a craqué, une qui m’a fait rire mais pas pour longtemps. La colère a eu vite fait de se retourner contre moi.

     

    Je traine Elena jusqu'à la porte tout en saluant Zac qu’on reverra demain pour fêter la fin de l’enregistrement. On sort du bâtiment, Elena baille à s’en décrocher la mâchoire, elle est tellement fatiguée qu’elle a du mal à marcher. Je la soutiens en riant, je suis épuisé aussi et j’ai hâte de retrouver mon lit, avec elle.

    On ne s’est pas beaucoup séparé ce dernier mois, elle commence à avoir plus d’affaires chez moi que chez elle et si on n’en parle pas, que ça se fait naturellement, j’ai du mal à me dire que demain elle retournera chez elle.

     

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    Son divorce s’annonce mal, elle s’accroche mais ne se bat pas. Elle lui cède tout, elle veut juste sa liberté et en finir au plus vite, mais lui ne voit pas les choses comme ça. Il se venge quelque part alors qu’il lui a pourris la vie durant des années. Il l’a perdue et maintenant il veut finir de la détruire mais ca n’arrivera pas, parce qu’il n’a plus d’influence sur elle, il n’a plus ce qui la retenait avant, la peur.

    J’ouvre la portière passager, Elena s’installe en baillant puis je fais le tour de la voiture pour monter à mon tour.

    Je tente de démarrer mais ma capricieuse de voiture ne veut pas.

     

    -Non, pas ce soir, lance Elena en tournant la tête vers moi.

     

    J’essaye de nouveau mais rien ne se produit. Je pose ma tête sur le volant, je n’ai pas le courage de jouer les mécaniciens à plus de 22h.

    Je sors mon portable pour appeler un taxi mais Elena m’en empêche en le prenant.

     

    -Arizona m’a raconté certaines choses, elle lance en se callant dans son siège.

     

    -Ne crois pas tout ce qu’elle raconte.

     

    Je détourne le regard sur le pare brise en sachant parfaitement de quoi elles ont parlé toutes les deux et j’ignore si j’ai l’envie la maintenant, avec la fatigue de lui en parler.

     

    -Je t’ai dit que ce qui c’était passé pendant cette tournée ne comptait pas mais, c’est faux, reprend elle, ça compte, parce que…

     

    Je me tourne vers elle, en entendant sa voix s’éteindre comme si les mots étaient trop lourds pour sortir. Elle a baissé les yeux sur ses doigts, un sourire triste au coin des lèvres en regardant la trace que son alliance a laissée sur son annulaire.

     

    -Je me rends compte ces derniers temps que quand on est malheureux on est capable du pire, pour se détruire ou pour détruire celui qui nous fait mal. On fait des choses pour faire taire la douleur et la rendre supportable sans penser aux conséquences mais…

     

    -Il ne te fera plus de mal, je la coupe, plus jamais.

     

    Son visage fatigué se relève sur moi, ses yeux brillent alors qu’on se dévisage. J’ignore ce qui se passe dans sa tête ni même comment elle peut imaginer qu’il a toujours ce pouvoir sur elle.

     

    -Je sais, elle reprend, mais toi, moi, on a ce pouvoir l’un sur l’autre et je ne sais pas si c’est réellement une bonne chose.

     

    Je secoue la tête, en dédaignant ses paroles, même si je comprends qu’elle ait peur de ses sentiments et des miens, surtout si Arizona lui a raconté mes conneries durant la tournée.

     

    -Je ne m’en prendrais jamais à toi.

     

    -Je sais.

     

    -Alors où est le problème ?

     

    -Je ne veux pas que tu souffres à cause de moi.

     

    -Ca va de paire Elena. Aimer et souffrir c’est indissociables.

     

    Elle me sourit en comprenant l’inévitable, on se fera surement du mal, on s’en est déjà fait mais c’est ce qui fait l’amour. C’est puissant et tout ce qui amène de la force amène une faiblesse d’un autre coté.

     

    -Tu as perdue les deux personnes a qui tu tenais le plus et pourtant tu n’as pas peur d’aimer, de t’engager avec moi en sachant que tu en souffriras, ce n’est pas normal Jared.

     

    Je pose les yeux sur le volant que je serre dans ma main. Le cuir brille et je pense à mon frère au fait qu’il n’est plus là pour me voir au volant de sa voiture avec Elena à mes cotés. Qu’est ce qu’il penserait d’elle ? De nous ? De notre histoire un peu bancal mais qui reprend de bonnes bases pour j’espère construire notre futur ? Qu’est ce qu’il me dirait là, maintenant ?

     

    -C’est peut être pour ça que je n’ai pas peur de vivre. Parce que la douleur insupportable je connais, le manque, la colère, et toutes ces choses qui font mal je sais que je les aie déjà vécue et que je suis capable de les surmonter.

     

    Je me tourne vers elle, je me penche et prends son visage entre mes mains pour plonger mon regard dans ses yeux bleu.

     

    -Ce qui ne serait pas normal ce serait de passer à coté de toi par peur alors que tu me rends heureux. Je ne fonctionne pas comme ça, même si je n’élude pas le pouvoir que tu as sur moi, je sais que j’ai besoin de toi pour être en vie et ça me suffit.

     

    Elle pose son front contre le mien en soufflant.

     

    -Moi, j’ai peur dit-elle tout bas, mais ce n’est pas assez fort pour supplanter l’amour que j’ai pour toi et ce besoin de t’avoir avec moi. Qu’est ce que ça fait de nous Jared ?

     

    -Un couple ?

     

    Elle sourit en s’éloignant un peu de moi pour me regarder.

     

    -Un couple…tu es plus mature que moi sur ce sujet, plus…

     

    Elle baisse les yeux, comme gêné de se sentir inferieur à moi à ce niveau mais ce n’est pas une compétition. On ne choisie pas ce qu’on ressent, ce par quoi la vie a décidé de nous faire passer, les épreuves qu’elle met sur notre route et qui font de nous un être humain à part entière avec ses failles et ses forces. Je ne suis pas plus mature qu’elle je suis seulement passé par des chemins compliqués et qui m’ont très vite fait comprendre que même si l’insouciance est belle, elle n’est pas réel. Pour elle c’est différent, avec lui elle a voulue construire ce qu’elle n’avait pas, une famille présente et soudée tout en laissant de coté sa nature profonde. Elle s’est fourvoyée et en a payé le prix toutes ses années avec lui.

     

    -…fort, finit-elle par dire.

     

    Je relève son visage et pose mes lèvres sur les siennes, chaudes et douces.

     

    -Enfin un point pour moi, dis-je en la relâchant.

     

    Elle fronce les sourcils en se recalant dans son siège.

     

    -Et quel point ai-je selon toi ?

     

    -Le sexe évidement.

     

    -Evidemment, dit-elle en riant.

     

    Je tente de nouveau de démarrer et miracle, enfin le bruit du moteur résonne. Je soupire en attachant ma ceinture, cette voiture aura ma peau a force de me faire tourner en bourrique, a vouloir démarrer quand ça lui chante et tomber en panne toujours quand le moment ne s’y prête pas.

    Je pose mes mains sur le volant en me retraçant toutes ces fois où elle a fait son caprice en me laissant sur le carreau. Celle où j’aurais du me trouver de l’autre coté et où je n’aurais pas pu donner à T ma démo. Celle où je suis arrivé en retard au lycée pour notre premier rendez vous avec Elena et qui m’aurait fait raté le spectacle de ma prof au piano. A ma sorti d’hôpital quand elle a enfin compris que ça ne servait a rien de lutter contre ce qu’il y a entre nous. Sur le parking du bar dans le New jersey, après le pire concert de ma vie et où j’ai compris qu’elle était vraiment à moi. Sur le parking du lycée alors que je pensais l’avoir perdue et qu’elle s’est enfin rendue compte que je ne suis pas seulement là pour le bon coté mais aussi qu’elle peut compter sur moi. Et ce soir, où elle s’ouvre complétement à moi en me révélant ses doutes.

    Je me suis souvent demandé ce qui faisait les aléas de la vie, ce qui nous menait sur un chemin et pas un autre. Ce qui faisait qu’on prenait des décisions qui nous conduisaient à d’autres décisions. Quel était l’élément déclencheur ? Qu’est ce qui nous faisait arrivé à ces moment cruciaux où notre vie peut changer du tout au tout. Le destin, la chance, dieu ou bien une autre forme de fatalisme qu’on ne contrôle pas.

    Je serre le volant en comprenant aujourd’hui que même si mes choix je les aies faits par moi-même, si les miens comme ceux d’Elena n’ont pas toujours été les meilleurs, il y a cette force qui nous pousse à nous remettre en question et qu’on remet entre les mains d’une autre personne ou d’une autre entité incontrôlable. La mienne, c’est mon frère.

     

    Maryrhage