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  • Free Fallin, chapitre 21 - Jessa


     

     

    6 ans plus tôt,

     

     Je m’approche du canapé les mains dans les poches de mon jean en essayant de paraitre normal, mais j’ai bien du mal. Les non dits et la distance instaurée entre nous depuis plusieurs semaines ont fini par avoir raison de moi.

    Je suis capable de comprendre beaucoup de choses, de laisser du temps s’il en a besoin, mais je ne suis pas capable de rester sans comprendre.

    Je ne l’ai jamais connue plus silencieux que ces derniers temps. Il est là sans l’être, perdue dans ses pensées qu’il refuse de partager avec moi. A chaque fois que je lui demande ce qu’il se passe, j’ai le droit à un sourire et à un « rien tout va bien, juste de la fatigue ».

    Je ne crois ni à sa fatigue ni à son sourire. Je ne crois plus rien et je suis épuisée de me demander ce qui ne tourne pas rond.

     

    Il y a deux semaines tout allait encore bien, notre vie n’est certes pas parfaite mais on est quand même heureux. Il ne me manque rien quand je sais qu’il fait partie de ma vie, qu’il est là et que j’ai tout ce qu’il me faut. En quatre ans partagés avec lui, je pense pouvoir dire que je le connais et son comportement distant, cache forcément quelque chose. J’ai peur de savoir ce que c’est, peur que ça me brise le cœur, peur de me rendre compte que mon amour n’est peut être pas si réciproque et qu’il va me décevoir. J’ai peur et pourtant une petite voix me dit que c’est impossible, que jamais il ne me ferait de mal, qu’il serait franc avec moi et qu’il partirait plutôt que de jouer double jeu. Il n’est pas ce genre d’hommes, ceux qui sont capable d’assumer deux vies sans aucun scrupule. Jay est quelqu’un de droit et de fidèle et certainement pas cruel au point de rester dans ma vie alors qu’en pensé il est avec une autre.

    Mais j’ai ce doute constant quand il est perdue dans ses réflexions, quand ça fait plusieurs semaines qu’il ne m’a pas touchée, qu’il se contente de bisous insignifiant qu’on fait par habitude et non par envie.

    Il n‘a plus envie de moi et j’ignore pourquoi.

     

    Je m’assois à ses cotés sur le canapé, il fixe la télé et ne me jette même pas un coup d’œil. Ce soir il est rentrée, on a diner sans un bruit, sans même parler et je viens d’arriver au bout de ma patience. J’ai besoin de savoir ce qui se trame dans sa tête et pourquoi cette distance entre nous.

     

    -Jay ?

     

    -Hum ? il répond sans même décrocher son regard de l’écran.

     

    Je m’approche un peu plus en soupirant bien décidé à avoir son attention.

     

    -Regarde moi.

     

    Il se redresse un peu en avant puis, son visage se tourne enfin vers moi. J’ai l’impression de ne pas avoir croisé son regard chocolat depuis des siècles. Comment peut-on en arriver là ? Comment peut-on passer d’amour fou à indifférence total ?

     

    -Qu’est ce qu’il y a ? je demande sans flancher.

     

    Il m’observe durant quelques seconde où mon cœur s’apprête à lâcher, en attendant la phrase fatidique celle que j’aurais juré ne jamais entendre de sa bouche puis, sans que je ne comprenne comment, je me retrouve allongée sur le canapé avec son corps sur le mien et ses lèvres qui m’embrassent.

    Je suis surprise, mais le manque de lui me secoue violement et me rappel comme c’est bon de l’avoir dans mes bras. Sa bouche fait son manège sur la mienne, comme souvent, comme toujours, comme je l’aime, elle me dévore avec envie et son odeur s’infiltre dans mes narines pour me rappeler que l’homme que j’aime et de nouveau avec moi. Je me laisse aller, mes mains parcourent son corps, elles redécouvrent ses muscles puissant, ma langue se réapproprie la sienne et le désir dans mon ventre ne fait qu’augmenter.

     

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    Nos corps se frottent, nos gestes sont brutaux, alimentés par le besoin et le manque, ses mains ne sont pas tendres, elles sont dures sur mes seins, sur mon ventre, il ne me ménage pas. Sa bouche glisse sur mon cou, il mordille ma peau, je gémis en en demandant plus, j’ai besoin de tellement plus, de réponses et de lui.

    Sa main glisse sur mon bas ventre, elle fait sauter rapidement le bouton de mon jean et la fermeture avant de glisser dessous. Je me mords la lèvre pour ne pas crier en sentant ses doigts s’immiscer directement en moi. Sa bouche revient sur la mienne, et sa langue s’enfonce tout comme ses doigts dans mon corps. Il me possède totalement et dieu que j’avais envie de retrouver cette sensation, son toucher, son gout sur mes lèvres et son corps qui fait tant de bien au mien.

    Son pouce caresse mon clitoris alors que ses autres doigts sont en moi et que sa bouche n’en finit pas de vouloir m’achever. J’en ai envie, me laisser aller à cet orgasme qui brule sous ma peau, mais pas comme ça, pas quand je ne sais pas si il y a quelques jours ou heures, il ne faisait pas la même chose à une autre.

     

    -Jay, je murmure contre ses lèvres.

     

    Il ne s’arrête pas, il me fait taire en m’embrassant de plus belle, son corps à moitié sur le mien, je sens la proportion de son désir et quelque part ça me rassure mais ce n’est pas suffisant. J’essaye de ne pas laisser mes sens prendre le contrôle de mon cerveau et je me dégage de nouveau de ses lèvres.

     

    -Jay, est ce qu’il y a une autre femme ?

     

    Il se fige au-dessus de moi, ses doigts toujours enfoncés en moi, il m’observe et je me sens rougir. J’ignore pourquoi je devrais avoir honte de poser cette question, après tout j’ai de quoi douter.

     

     

    -Quoi ? il demande en se redressant à peine.

     

    -Est ce qu’il y a une autre femme dans ta vie ?

     

    Il me dévisage, je vois encore dans ses yeux la trace de son désir mais quand il se détourne comme honteux mon cœur se brise.

    Il se redresse complétement ses doigts abandonnent mon corps, et j’ai la désagréable impression que je viens de le perdre.

    Sa main se lève, ses doigts luisant de mon excitation finissent dans sa bouche alors que ses yeux sont de nouveau sur moi. Il les lèche, avant de reprendre.

     

    -Tu crois que je pourrais faire ça avec une autre que toi ?

     

    J’ai peur de le croire, peur que notre intimité n’existe plus parce qu’il la partage avec une autre. Le sexe pour Jay c’est ce qu’il y a de plus naturel, c’est comme respirer, il est un amant parfait, un qui m’a amené à découvrir mon corps, à comprendre mes envies et à les explorer sans limites, parce que pour lui tout est acceptable.

     

    -Depuis combien de temps on n’a pas fait l’amour ? je demande en m’asseyant à mon tour.

     

    -Il n’y a personne Jessa.

     

    Sa voix est faible et j’ai l’impression d‘avoir un autre homme devant moi quand il me répond enfin et si je suis soulagée quelque chose me dit que ce qu’il cache est pire encore.

     

    -Alors qu’est ce qu’il y a ? je demande en tentant de rester calme, qu’est ce que tu as depuis plusieurs semaines pour être si distant ?

     

    Jay tourne son visage vers la télé, je l’observe la boule au ventre en tentant de chercher des réponses mais c’est le brouillard dans ma tête.

     

    -Jay, s’il te plait parle moi, je ne supporte plus de te voir comme ça.

     

    Il se tourne de nouveau vers moi, son regard se durcit, sa mâchoire se crispe et je m’apprête à entendre le choc de ma vie. Il souffle, sa main vient caresser ma joue, je la capture entre les miennes, j’ai besoin de contact, de me sentir proche de lui parce que l’écart entre nous me paraît insurmontable.

     

    -Je me suis fait viré, il lance.

     

    Je reste un moment à le regarder, à encaisser ses mots, à les assimiler pour qu’ils forment quelques choses de cohérent dans mon esprit. Je finis par relâcher le souffle que je retenais en comprenant qu’il n’y a rien de grave.

     

    -Tu t’es fais viré ? Il n’y a rien de grave Jay !

     

    Il ricane en secouant la tête.

     

    -J’ai plus de boulot, dit-il d’une voix dure, j’ai plus de salaire Jessa.

     

    -Et alors ! Tu en trouveras un autre.

     

    Jay se lève et commence à arpenter la pièce l’air énervé, ce qui me fait me dire qu’il y a quelque chose qui m’échappe.

     

    -Ça fait trois semaines déjà et je n’ai encore rien trouvé.

     

    -Pourquoi il t’a viré ?

     

    Jay travail à la station service où je l’ai rencontré, ce n’est pas le boulot de ses rêves mais c’est ce qu’il peut se permettre selon lui. Il n’a pas fait d’études et trop tôt il a du subvenir à ses besoins et dans ces cas-là je suis bien placé pour savoir qu’on prend ce qu’on veut bien nous offrir. Mais il fait bien son boulot, je ne vois pas pourquoi son patron voudrait se passer de lui.

     

    -Il manquait de l’argent dans la caisse.

     

    - Il doit y avoir une erreur quelque part, il sait bien que tu n’es pas un voleur depuis le temps que tu travail là-bas.

     

    -C’est ce que je lui ait dit, mais pour lui c’est moi qui pique chaque semaine une centaine de dollars. Ça n’a aucun sens, je ne suis pas stupide à ce point bordel !

     

    J’avoue ne pas comprendre non plus, Jay est quelqu’un de travailleur qui n’a jamais eu aucun souci au boulot alors pourquoi son patron ferait ça.

     

    -Depuis qu’il a rencontré sa femme ça n’allait plus. Il me faisait toujours des reproches sur des choses insignifiantes comme s’il cherchait un moyen de me faire craquer. Mais ça n’a pas fonctionné, j’ai agis comme le gentil petit employé noir qui obéit au patron blanc, je ne pouvais pas me permettre de perdre mon boulot.

     

    Je me lève, je déteste qu’il parle de lui comme ça, comme de quelqu’un d’inferieur à cause de sa couleur de peau. Il n’a rien a envié à personne, qu’il soit blanc ou noir, il est courageux, honnête et généreux. Je le prends dans mes bras, les siens se referment sur moi, j’entends son cœur battre rapidement sous ma tête.

     

     

    -C’est elle qui a tout manigancé, c’est elle qui fait les comptes. Depuis le début elle veut se débarrasser de moi.

     

    Je le serre un peu plus fort, l’injustice qu’il subit me bouleverse, je voudrais lui épargner la cruauté des gens mais malheureusement dans notre état et encore de nos jours, les gens ne comprennent rien. Ils ne comprennent pas que sa couleur de peau ne fait pas de lui un criminel, elle ne fait pas de lui quelqu’un de vil et malhonnête, elle le rend juste plus fort, parce que chaque jour il faut qu’il prouve qui il est réellement à cause de la stupidité des autres. A chaque fois il doit donner plus qu’un blanc, il doit montrer plus qu’un blanc que lui aussi mérite d’être heureux. Il doit trouver ce courage de faire les choses bien sans céder à la facilité et à ce que tout le monde attend de lui : qu’il échoue.

     

    -Pourquoi tu ne m’as rien dit ? je demande en relevant les yeux sur son visage.

     

    Il caresse mon visage en me dévisageant et je sais que ce qui va sortir ne va pas me plaire.

     

    -Je ne veux pas être cet homme Jessa, pas pour toi.

     

    -Tu m’aimes ? je demande

     

    -Evidemment.

     

    -Alors tu dois me dire ce genre de choses parce que moi aussi je t’aime et pas que pour tes talents au lit, mais aussi quand ça ne va pas et que tu as des problèmes. C’est ça être en couple Jay, ce n’est pas seulement vivre le bon coté, c’est aussi partager les coups durs.

     

    -Je pensais retrouver autre chose rapidement, mais ce n’est pas le cas.

     

    -Mon salaire suffira le temps qu’il faudra. Tu peux peut-être envisager de reprendre des études.

     

    -Et vivre à tes crochets ?

     

    -Non, dis-je en souriant devant sa fierté, c’est seulement un investissement pour l’avenir. Quand tu auras un job dans la finance c’est moi qui vivra à tes crochets.

     

    Il se baisse un sourire amusé sur les lèvres avant de les déposer sur les miennes. Je sais qu’il n’acceptera pas de ne pas participer financièrement à notre vie, mais j’espère le faire changer d’avis. J’espère qu’il se rendra compte que son avenir peut changer s’il remballe sa fierté et me laisse participer, parce que son avenir est aussi le mien.

     

    Maryrhage